La décision prise par le Gouvernement du Mali d’expulser l’ambassadeur de France du territoire national est une décision très courageuse. Elle ouvre le chemin à une rupture diplomatique qui, si elle n’est pas mûrement réfléchie et préparée, pourrait avoir des conséquences néfastes pour un pays pauvre comme le nôtre.Mais avant de parler de conséquences d’une telle action, analysons d’abord sa survenue. Cela pourra nous permettre de comprendre la démarche gouvernementale et ses objectifs.
Aux dires du ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, la décision de convoquer le diplomate français, afin de lui signifier son expulsion du Mali sous 72h, est intervenue au regard de la posture des autorités françaises vis à vis des autorités de la transition malienne. Selon le ministre Diop, ces autorités françaises, à travers les déclarations des ministres Florence Parly et Jean Yves Le Drian, ont proféré des insultes ou du moins tenu des propos irrespectueux contre les autorités de la transition malienne. Les responsables français auraient qualifié les autorités de la transition malienne “d’illégitimes” et “d’illégales”. Nos autorités ont vite fait de qualifier ces propos de “non reconnaissance” du pouvoir de Bamako.
Je pense que cette conclusion est un peu tirée par les cheveux car, contrairement à des pays comme les États-Unis d’Amérique, la France a continué sa coopération avec le Mali après le premier puis le deuxième coup d’Etat. Cependant, le Mali ne s’est pourtant pas débarrassé du diplomate américain dont le pays a quasiment rompu avec lui.
Mieux, les termes “illégitime” et “illégale” qu’on plaint le plus dans les propos des personnes incriminées ne sont ni nouveaux ni faussement employés. Cela peut être diplomatiquement irrespectueux, mais de là à constituer une injure, c’est un pas que je n’oserai pas franchir. C’est comme si tu viens d’être victime d’un cambriolage et que tu cris “au violeur” en voyant ton bourreau s’échapper. Tout d’un coup, celui-ci retourne sur ses pas pour venir te serrer les collets en te menaçant de représailles pour l’avoir traité de voleur. Mais bon, comme au Mali, de nos jours, il n’est pas facile de s’exprimer librement sans se faire interpeller ou taxer de renégat ou de “collabo”.
Mon avis est que les propos sont d’autant plus blessants qu’ils sont prononcés par des personnes contre lesquelles il existe d’autres griefs. Sinon, nous savons tous autant que nous sommes que les autorités de la transition, issue d’un coup d’Etat, donc d’une prise de pouvoir autrement que par les voies de droit autorisées par les textes qui régissent le Mali, ne peuvent être légales. Parlant de légitimité, malheureusement, le constat est le même car celle-ci s’acquiert également à travers des Institutions établies par la loi. L’illégitimité vient du fait que l’advenue de la transition est contraire au bon droit, à l’équité et à la morale.Donc, dire des autorités de la transition qu’elles sont illégitimes et illégales ne devrait pas les mettre en mal jusqu’à ce point.
Aussi, il est superflu de croire que les fortes mobilisations constatées ça et là pourraient donner de la légitimité. La légitimé donnée par le peuple s’acquiert à travers les urnes. Tenons le pour dit.
Mais, comme je l’ai tantôt souligné, ces propos venant de responsables français, ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, d’une part, et d’autre, cela était surtout une occasion inouïe pour nos autorités, de marquer un point quant à leur popularité auprès des maliens pour qui tous les maux du Mali viennent de la présence française sur notre territoire. Pour cette catégorie de maliens, la décision prise par le gouvernement, donne au Mali la plénitude de sa souveraineté, surtout vis-à-vis de la puissance colonisatrice, mais aussi, elle est une réponse appropriée aux divers affronts essuyés depuis le débarquement des premiers colons dans notre pays. Peut-être bien .
Quid des conséquences ? Sans être un spécialiste de la diplomatie, je pense qu’on ira pas jusqu’à la rupture diplomatique entre nos deux pays. L’expulsion du diplomate français est tout simplement un signal donné par les autorités de la transition à celles françaises pour leur dire jusqu’où elles sont prêtes à aller. Vous remarquerez qu’il n’y a pas eu, de la part des autorités françaises, une “réponse du berger à la bergère.” Prudence oblige. Le geste des autorités de Bamako doit être simplement perçu comme une adresse au peuple malien en leur disant “donnez-nous le temps, nous allons rendre au Mali sa souveraineté et au peuple son honneur et sa dignité.” Rien que ça.
Ce geste fort me semble répondre à une autre préoccupation que de rompre véritablement les relations diplomatiques avec la France. Celle-ci n’accepterait pas une telle finalité de nos rapports et les autorités de la transition non plus.
Mais, si tel était le cas, le Mali aura beaucoup plus à perdre que la France eu égard à ce que l’ex métropole représente pour nos compatriotes vivant dans ce pays et à leur apport dans notre économie sociale. Le Mali pourrait bien trouver d’autres partenaires en remplacement de la France. Mais, ceux-ci viendront avec les mêmes ambitions et les mêmes velléités en changeant peut-être seulement de stratégie de pillage. Donc, il faut que les autorités de la transition mettent de l’eau dans leur vin et s’adonnent réellement au règlement des vraies préoccupations des maliens. Le populisme ne paie pas toujours et ne saurait durer éternellement.
22 septembre