Engagée militairement depuis neuf ans au Sahel pour combattre le jihadisme, la France pourrait officialiser son départ ce jeudi matin.Le président français Emmanuel Macron a réuni ce mercredi soir à Paris plusieurs dirigeants africains et européens, avant l’annonce attendue d’un retrait du Mali après neuf ans d’intervention militaire contre les jihadistes, départ rendu inévitable par les relations exécrables avec la junte au pouvoir à Bamako.Cette réunion, qui se tient à la veille d’un sommet entre l’Union Européenne et l’Union Africaine à Bruxelles, devrait entériner le retrait des troupes françaises et européennes du Mali et un redéploiement régionalpour poursuivre la lutte antiterroriste au Sahel. Une conférence de presse est prévue jeudi matin à l’Élysée, a annoncé la présidence.
Le Mali et le Burkina Faso absents
Les dirigeants du Niger, du Tchad et de la Mauritanie, ainsi que ceux des pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo et Bénin, Sénégal), confrontés à une menace terroriste grandissante, participeront. Grands absents de la réunion, le principal intéressé malien, suspendu des instances de l’Union africaine (UA) tout comme le Burkina Faso, pour cause de coups d’Etat.
Outre les représentants de l’Union européenne, les dirigeants des pays comme la Suède, la Slovénie, le Danemark, la Belgique… engagés ou soutenant les différentes opérations sur le terrain comme Takuba (forces spéciales) ou EUTM (formation militaire) seront présents.
La décision de retrait intervient dans un contexte de crise aigüe avec Bamako. Elle survient également dans une période délicate pour le président français Emmanuel Macron, qui devrait annoncer très prochainement sa candidature à un second mandat.
« Réinventer notre partenariat militaire »
Mais le statu quo n’est plus tenable alors que la junte au pouvoir à Bamako à la suite de deux coups d’État depuis 2020 refuse d’organiser des élections avant plusieurs années, fustige la présence militaire occidentale sur son sol et fait désormais appel, selon les Européens, aux mercenaires russes de la société Wagner.
« C’est impossible de continuer dans ces conditions, tous les autres alliés pensent la même chose », confiait dès samedi à la presse le ministre estonien de la Défense, Kalle Laanet.
Quelque 25 000 hommes sont actuellement déployés au Sahel, dont environ 4 300 Français (2 400 au Mali dans le cadre de l’opération antijihadiste Barkhane), selon l’Élysée.
« Nous avons besoin de réinventer notre partenariat militaire avec ces pays, a souligné mardi la présidence française. Il ne s’agit pas de déplacer ce qui se fait au Mali ailleurs, mais de renforcer ce qu’on fait au Niger et de soutenir davantage le flanc sud », a-t-elle ajouté.
Selon une source proche de la présidence, la France a promis de coordonner son retrait avec la mission de l’ONU au Mali et la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM), qui continueront de bénéficier d’un soutien aérien et médical français sur place, avant le transfert ultérieur de ces moyens.
Mais ce retrait pose la question de l’avenir de la mission onusienne de 15 000 hommes (Minusma), créée en 2013 pour soutenir le processus politique malien. Le départ de Barkhane et Takuba pourrait entraîner des départs à moyen terme de contingents européens – Angleterre, Allemagne… – qui contribuent jusqu’à présent à cette force des Nations unies, selon des diplomates à l’ONU.
Il va aussi avoir un impact sur les pays de la région menacés par la contagion jihadiste. « Le départ de Barkhane et Takuba crée un vide. Nous serons obligés d’acheter des armes, d’avoir une plus grande professionnalisation mais c’est notre devoir aussi. Les armées nationales doivent régler les problèmes sur nos territoires nationaux et c’est cela notre philosophie », a expliqué mercredi soir le président ivoirien Alassane Ouattara dans un entretien à RFI et France 24.
Le retrait forcé de la France et de ses partenaires européens, longtemps réticents avant d’accepter de s’associer à l’intervention française entamée en 2013, constitue également un cuisant revers, le Mali restant plongé dans une grave crise sécuritaire qui a débordé sur les pays voisins.
Paris compte toutefois poursuivre la lutte antijihadiste dans la région, où les mouvement affiliés à Al-Qaïda ou au groupe État islamique ont conservé un fort pouvoir de nuisance malgré l’élimination de nombreux chefs.
La ministre des Armées Florence Parly s’est rendue à Niamey début février pour s’entretenir avec le président nigérien Mohamed Bazoum, alors que le Niger héberge déjà une base aérienne française.
Paris ambitionne par ailleurs de proposer ses services à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin…) pour les aider à contrer la propagation du jihadisme vers le golfe de Guinée.
Depuis 2013, 53 soldats français ont été tués au Sahel, dont 48 soldats au Mali.
Source: lavoixdunord