La Cour des Comptes vient de publier son rapport d’audit concernant la gestion des fonds liés à la lutte contre la pandémie de coronavirus. Un audit qui concerne 1 818 milliards d’ariarys, soit environ 400 millions d’euros, dépensés dans le cadre de la lutte contre la première vague de Covid-19, en 2020. Les magistrats de la Cour des Comptes pointent, à de nombreuses reprises, des opérations suspectes et une gestion peu orthodoxe de ces fonds par l’exécutif.Avec notre correspondant à Antananarivo,
Abus de paiement en espèces, suspicions de conflits d’intérêts, de prestations fictives, de double facturation, paiements indus ou sans pièces justificatives ou encore cumuls de fonctions incompatibles. La liste des opérations et dépenses irrégulières relevées dans le rapport de 72 pages de la Cour des Comptes est longue. « Malgré la crise et l’urgence, les responsables ne peuvent pas se soustraire au principe de bonne gouvernance et de transparence », notent les juges dans ce document.Un audit qui porte, en grande partie, sur les flux financiers issus des partenaires techniques et financiers ayant fait l’objet d’un protocole d’accord avec Madagascar pour lutter contre le coronavirus.
Si les décaissements des fonds covid-19, « ne présentent aucune anomalie vis à vis des protocoles, il en est autrement des dépenses (…) Ainsi, le seuil global de conformité des dépenses est très faible. Cette faiblesse dénote un déclin important en matière de bonne gouvernance », indique le compte-rendu de la Cour des Comptes. Elle épingle, entre autres, 972 millions d’ariary, soit environ 215 000 euros, de dépenses non justifiées. Une somme utilisée pour payer, notamment, les primes de risque du personnel médical pendant la pandémie. Mais les « états émargés des bénéficiaires », c’est-à-dire les reçus signés qui justifient que ces derniers ont bien perçu ces primes, sont inexistants, remarque la Cour. « Le risque de détournement est élevé », souligne-t-elle.
Des risques de détournement liés aussi à l’abus de paiements en espèces. La cour constate un montant total de 1,9 milliard, soit environ 420 000 euros payés en espèces pour diverses prestations.
Parmi, la liste des paiements qu’elle juge indus, effectués sans aucune base juridique, l’institution s’interroge sur le paiement d’indemnités pour des personnes déclarées ‘faux positifs’ au coronavirus. 29 millions d’ariary, soit près de 6500 euros ont été versés dans ce cadre en faveur de 24 adultes et 10 enfants, remarque la Cour, qui juge l’octroi de cette indemnité réparatrice non conforme et « fixée arbitrairement, entraînant une suspicion de favoritisme. »Si une enveloppe de 100 millions d’ariary, soit 22 000 euros, a été débloquée dans le cadre d’une action sociale à l’égard des conducteurs de cyclo-pousses de la ville de Tamatave (côte Est), « aucun document ne permet d’établir que la somme virée est bien reçue par les jokers de cyclo-pousses »’ explique la cour des comptes. La réponse de l’Administration communiquée à la Cour a mentionné qu’ « il n’est pas possible de faire signer chaque joker sur une feuille administrative étant donné la situation d’urgence de l’époque, d’où la signature par le magasin en charge de la distribution. »L’exécutif a justifié certaines anomalies par « une situation d’urgence extrême. » « Les textes en vigueur n’ont pas permis de faire face à une situation d’urgence extrême telle qu’une pandémie internationale où les procédures nationales sont dépendantes des procédures internationales. En effet, face aux besoins très souvent spontanés, aussi urgents que vitaux, l’Etat, contraint à une obligation de résultat n’avait d’autres choix que de recourir à un processus qui lui permettait de répondre dans l’immédiat auxdits besoins », fait savoir l’Administration malgache dans ses réponses incluses au rapport d’audit.
RFI