L’offensive russe sur l’Ukraine, qui résiste avec acharnement, se poursuit et, dimanche 27 février, Vladimir Poutine a brandi la menace nucléaire. En Russie, les premiers effets des sanctions commencent à se faire sentir pour la population.Avec notre correspondante à Moscou, Anissa El Jabri Dès dimanche soir, la télévision d’État faisait le service après-vente de cette menace avec le passage en revue du potentiel nucléaire du pays, le plus puissant du monde, disait-on, capable « de garantir la destruction des États-Unis et de l’Otan »… En réalité, cet ordre de mise en alerte des forces de dissuasion est avant tout symbolique, parce que, très concrètement, elles sont déjà censées être en alerte en permanence. Cette menace traduit, en tout cas, aussi la nervosité du pouvoir face à une offensive qui rencontre des difficultés sur le terrain.Il avait été promis à Vladimir Poutine une guerre éclair, et des gains territoriaux rapides et avec très peu de pertes. Voir revenir des cercueils et notamment ceux de jeunes conscrits envoyés au front – sans même en avoir été informés –, c’est un des facteurs qui peut faire bouger l’opinion publique russe. Ce week-end, la chaîne de télévision indépendante Dojd rendait ainsi public le témoignage d’un père et ses mots : « Je ne veux pas que mon fils serve de chair à canon. » Après des jours de silence total sur ce sujet, le ministère de la Défense a enfin reconnu des pertes ce dimanche, mais sans en préciser le nombre.
Des sanctions massives dont les premiers effets se font sentirVladimir Poutine a justifié sa décision par la nécessité de se défendre face aux « déclarations belliqueuses de l’Otan » et aux sanctions des Occidentaux. L’UE a ainsi annoncé hier le déblocage de 450 millions d’euros pour acheter des armes pour l’Ukraine et la fermeture de l’espace aérien européen aux avions russes.
Des sanctions qui pèsent déjà sur la monnaie, le rouble, qui a perdu 30% de sa valeur face au dollar ce lundi 28 février au matin. Les cartes bancaires étrangères ne fonctionnaient plus dimanche et, comme tout le monde, on a fait le tour de Moscou pour trouver de l’argent liquide : il était devenu impossible de retirer des euros et des dollars, uniquement des roubles. La monnaie nationale a commencé une chute vertigineuse et inédite et la Banque centrale a suspendu toute transaction jusqu’à 15h et pourrait étendre la mesure à toute la journée. La Sberbank, la banque nationale russe, est en très grande difficulté et les salaires des fonctionnaires ne sont versés que sur un compte dans cette banque.Pourtant, ce n’est pas de ces conséquences lourdes et en partie encore imprévisibles dont parlent le plus les Russes. Dans la rue, dans les commerces, ce week-end encore plus que depuis le début du conflit, les gens s’adressent à RFI, parce que je suis étrangère. On m’a beaucoup dit deux choses, d’abord : « S’il vous plaît, dites au monde que nous sommes contre la guerre. Dites au monde que nous sommes nombreux à être pris en otage par un vieil homme devenu fou. » Il est impossible de savoir si cette opinion est majoritaire, mais elle existe. Ensuite, on m’a parlé à mots plus couverts de cette peur profonde, celle de l’isolement, d’être coupé du monde et d’entrer dans une nuit épaisse où le pouvoir réprimerait dans un silence assourdissant.
RFI