Depuis la sortie, il y a quelques jours, du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA), la question de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation nationale issu du processus d’Alger a réanimé les débats publics. A cause de la fréquente récidive de cette question, beaucoup d’observateurs estiment que cette période de transition est l’occasion parfaite pour tirer au clair la question du nord au Mali.Apres une courte période d’accalmie, la fameuse question du nord refait surface pour renforcer la crise sociopolitique profonde que vit le Mali depuis un moment. Apres leur refus de prendre part aux Assises Nationales de la Refondation certains groupes armés du nord n’ont pas manqué d’exiger de l’Etat malien la clarification de sa position par rapport à l’accord pour la paix et la Réconciliation Nationale issu du processus d’Alger. Un document dont le contenu est jugé critique pour l’unité de la nation malienne d’où toute la difficulté autour de sa mise en œuvre. Cette question continue de faire polémique au sein d’une frange importante de la population près d’une décennie après la signature l’accord.Un accord signé sous pression
Commencée juste deux ans après l’indépendance du Mali en 1062 pour refuser l’autorité du président Modibo Keita, la rébellion du nord continue de faire saigner la mère patrie. Elle se poursuit successivement malgré des périodes d’accalmies imposées ou obtenues à travers des accords de cessez-le-feu consensuels.
En effet, C’est dans cette dynamique que les accords de Tamanrasset ont été signés le 6 janvier 1991 en Algérie par le colonel Ousmane Coulibaly, chef d’état-major général des armées, pour le gouvernement malien, et le même Iyad Ag Ghali à l’époque secrétaire général du Mouvement Populaire de l’Azawad, en présence du ministre algérien de l’Intérieur. Puis, le pacte national a été signé le 11 avril 1992 à Bamako dont le processus va conduire à la fameuse flamme de la Paix le 27 mars 1996 du président Alpha Oumar Konaré à Tombouctou. Un évènement gigantesque et symbolique au cours duquel 3 600 armes des anciens rebelles sont détruites et un monument érigé avec le reste des armes fondues au nom de la paix. La cérémonie avait a été assisté par le président Ghanéen de l’époque, Jerry Rawlings. Mais 20 ans plus tard, ce conflit reprend de plus belle. L’effondrement de la Lybie a conduit les indépendantistes à s’associer avec d’autres groupes extrémistes pour mettre totalement à genou le Mali. Il a fallu l’intervention de la France, le 11 janvier 2013, à travers l’opération Serval pour arrêter l’avancée fulgurante des groupes radicaux extrémistes sur Bamako.
Une opération salué par certains mais qualifiée de légitime par d’autres du fait que Paris figure parmi les principaux acteurs de la crise Lycienne. Cette défaite de l’armée malienne va maintenir l’Etat malien dans une position de faiblesse jusqu’à la signature de l’accord d’Alger en 2015. Malgré la signature, ce document restera décrié par bon nombre de Maliens qui le considèrent déséquilibré et largement à l’avantage d’une extrême minorité de la population malienne. C’est pourquoi d’ailleurs la relecture de l’accord a été proposée par les forces vives de la nation lors des Assises Nationales de la Refondation, en décembre dernier.
Mise en place du Cadre stratégique Permanent (CSP)
Attachés à l’application intégrale de cet accord pour la Paix et la Réconciliation, les mouvements armés du nord continus de réunir leur efforts afin d’être plus solide. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger, bien que progouvernementale, ont fait une annonce de création du Cadre stratégique Permanent (CSP) à l’issue d’une série de rencontres tenues du 5 au 6 avril, à Rome (Italie) sous l’égide de l’Organisation non gouvernementale italienne “ARAPACIS”. Si les objectifs annoncés de cette nouvelle alliance sont notamment de « concrétiser la mise en synergie des efforts en faveur de la mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger » et « d’opérationnaliser les mécanismes conjoints de lutte contre l’insécurité sous toutes ses formes afin de garantir la libre circulation des personnes et de leurs biens », il faut souligner que les Maliens dans leur majorité ont manifesté leur crainte quant à la finalité de ce mouvement qui veut réunir tous les acteurs de la question nord y compris les plus sceptiques. D’ailleurs, la dernière rencontre du CSP en Italie sur invitation de l’ONG ARAPACIS a suscité beaucoup de débat au Mali. Il a même fallu les précisions du ministre en charge de la réconciliation Ismaël Wague pour calmer les tensions. Par la dernière sortie du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA), l’inquiétude des Maliens sur la bonne foi des ex-rebelles d’enterrer définitivement les haches de guerre et vivre en parfaite symbiose dans un Mali de paix semble de loin écarté, surtout que leur allié de longue date, la France, n’est plus en bon termes avec les autorités actuelles du Mali. Le 27 février, le HCUA a tenu une session extraordinaire à Kidal aux termes de laquelle il a exigé que l’Etat malien éclaircisse bien sa position par rapport à la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, bien que le document soit décrié par une bonne partie de la population. Une situation qui place les autorités de la transition devant le fait accompli, c’est à dire entre le marteau et l’enclume, d’un côté les Ex-rebelles prêtent à rajouter leur problème à la crise profonde que vit le Mali, et de l’autre, la population opposée à la mise en œuvre intégrale de l’accord. Le dernier épisode illustrant de ce fait, date du retrait de la question de la police territoriale parmi les projets de loi soumis au CNT. Aussi, une association de la région de Gao dénommée « Gao-Lama Borey » s’est exprimé après le communiqué du HCUA pour dénoncer la sortie du HCUA. Elle estime que les ex-rebelles sont « dans la provocation », en attisant la flamme d’une cause perdue d’avance. Par conséquent, elle a invité le HCUA à « s’inscrire dans la logique du gouvernement sur les questions de défense et de sécurité en générale, et sur l’accord en particulier », sinon « tout autre comportement serait suicidaire pour le HCUA » selon elle.
En tout cas, les autorités de la transition doivent pour leur part s’assumer comme elles ont été capables à le faire avec la France et les autres opposants politiques.
Issa Djiguiba
Source: Le Pays