De l’aveu même de l’administration pénitentiaire, les conditions carcérales des prisonniers se sont encore un peu plus dégradées après le passage des deux cyclones successifs sur l’île en février. En tout, cinq maisons d’arrêt ont été endommagées, deux particulièrement : celle d’Ikongo, qui a d’ailleurs été entièrement détruite, et celle de Mananjary, la ville d’atterrissage de Batsirai, le premier cyclone. Un mois après, où en sommes-nous ?De notre envoyée spéciale de retour de Mananjary,
Le 11 février 2022, six jours après le premier cyclone, la ville de Mananjary est sens dessus dessous. Des prisonniers sont réquisitionnés pour débiter, à la hache, d’énormes troncs qui entravent les routes.
Ce jeune homme est l’un d’eux. Il se confie : « Notre vie quotidienne en prison, c’est vraiment difficile. Nous sommes en manque de nourriture. On ne mange que du manioc rassis. On manque d’eau. Et nous sommes si sales… Pour dormir, c’est le pire. Comme le toit de la prison s’est envolé pendant le cyclone, on nous a rassemblés dans la chapelle de la prison. On est 416 dans 35 m². On ne peut pas s’allonger. On est obligés de rester accroupis toute la nuit. »Depuis la semaine dernière, toutes les toitures ont été reconstruites. Les cellules ont nettoyées et désinfectées, atteste Blandine Britis, coordonnatrice médicale à la cellule d’urgence à Médecins du monde, habilitée à entrer dans la prison. « Du coup, la réintégration des prisonniers dans leur cellule initiale est imminente. »Néanmoins, au niveau des besoins physiologiques, le tableau est beaucoup plus sombre : « À la suite du passage du cyclone, il y a eu une réponse d’urgence multisectorielle sur la prison, qui a permis d’acheminer de l’eau potable et de la nourriture. Aujourd’hui malheureusement, on est arrivés à échéance de ces initiatives d’urgence. On se retrouve donc dans la même situation qu’avant le cyclone, à savoir, pas d’accès à l’eau potable, des repas qui ne sont pas servis et du coup, une situation très critique pour l’ensemble de ces prisonniers. Ils ont droit à une ration quotidienne de manioc sec et deux fois par semaine, à un repas chaud avec du riz et des légumineuses. Avec ça, les quantités nutritives essentielles de chaque personne ne sont pas comblées. On se retrouve avec des situations de malnutrition sévère et aigüe. Les risques de décès sont réels. Sans compter l’augmentation des pathologies associées (béribéri, tuberculose, …), causées par la surpopulation carcérale [la prison de Mananjary accueille trois fois plus de personnes que sa capacité ne le permet, Ndlr] et le manque d’hygiène. »Des discussions sont en cours pour trouver de nouveaux partenaires. Mais aussi des solutions à long terme. Un puits à proximité de la prison est une piste envisagée, mais la potabilité de l’eau n’a pas encore été testée. La compagnie nationale d’eau a été approchée pour essayer de raccorder la prison au circuit d’eau de la ville ; l’eau distribuée à l’heure actuelle dans la ville est encore saumâtre du fait des conséquences du passage des cyclones.Pour l’administration pénitentiaire, la solution pourrait venir du projet Fanarinana, un programme sur quatre ans financé par l’Agence de développement française à hauteur de 5 millions d’euros, dans lequel l’hygiène et l’alimentation des prisonniers de quatre prisons du pays (Diego Suarez, Mananjary, Manakara et Antananarivo) seront au cœur des objectifs. Démarrage prévu : en avril.
Pour rappel, dans son rapport paru en 2018, Amnesty International avait déjà alerté sur les conditions carcérales « effroyables et inhumaines » des prisons de la Grande Île.
RFI