Sollicité par Bamako pour jouer les médiateurs avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dans un contexte où le Mali fait l’objet de pressions internationales pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, le chef de l’État togolais, Faure Gnassingbé, a accepté le challenge.C’est ce qu’ont déclaré, le 4 mai dernier, le chef de la diplomatie togolaise et son homologue malien en visite à Lomé, à la tête d’une délégation d’envoyés spéciaux auprès du locataire du palais de Lomé II. « Nous avons, au nom du président de la transition, sollicité le président Faure Gnassingbé (…) pour faciliter le dialogue avec les acteurs régionaux et plus largement, le dialogue avec l’ensemble de la communauté internationale pour trouver un compromis pouvant nous permettre de sortir de la crise », a notamment déclaré le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop. Poursuivant que l’objectif primordial du gouvernement de transition demeure le rétablissement de l’ordre constitutionnel dans un délai de 24 mois, à la suite d’élections libres, transparentes et crédibles.
Sa mission de bons offices paraît à la fois difficile et délicate
Quand on sait que le principal point d’achoppement avec la CEDEAO, porte sur la durée de la transition que l’institution d’Abuja veut de 12 à 16 mois, l’on imagine que la mission du chef de l’État togolais consistera, pour l’essentiel, à trouver le compromis nécessaire à la levée des sanctions de l’institution sous-régionale, qui ne sont pas loin de plonger le Mali dans un état d’asphyxie économique. L’autre volet de sa médiation est de permettre à Bamako de se rabibocher avec la communauté internationale dans son ensemble, pour sortir du cercle de l’isolement. Une mission qui paraît d’autant plus exaltante que son aboutissement concourrait sans nul doute au rayonnement de la diplomatie togolaise. Mais quelles chances de succès pour le président togolais ?
La question est d’autant plus fondée que sa mission de bons offices paraît à la fois difficile et délicate, pour des partenaires qui semblent tous deux avoir déjà abattu toutes leurs cartes. Difficile parce que, pour la CEDEAO, tout porte à croire qu’il n’est pas question de passer par pertes et profits les 20 mois de transition déjà écoulés et prétendre encore aller au-delà de 16 mois. Alors que pour les autorités intérimaires de Bamako, qui ont largement revu leurs ambitions à la baisse en passant de cinq ans à quatre pour finir à deux, les 24 mois semblent incompressibles pour tenir le calendrier de sécurisation du territoire et de l’organisation des élections dans des conditions acceptables. La mission est aussi délicate parce que tout médiateur qu’il est, Faure Gnassingbé est collégialement partie prenante des sanctions des chefs d’État de la CEDEAO qui clouent au pilori les tombeurs d’Ibrahim Boubacar Keïta. Que va alors faire le président togolais ? recours à un médiateur au moment où le dialogue direct entre Bamako et la CEDEAO est loin d’être rompu, ne manque pas d’interroger
Va-t-il s’évertuer à travailler à infléchir la position de ses pairs de l’institution sous-régionale à l’effet de faire preuve de compréhension et de mansuétude à l’égard du Mali ? Ou bien va-t-il, au contraire, user de son influence auprès de ses «amis » maliens pour les amener à ne pas s’arc-bouter aux 24 mois et à s’aligner sur la position de l’institution sous-régionale ? Dans l’un ou l’autre des cas, la tâche s’annonce difficile.
En effet, la couleuvre des 24 mois supplémentaires demandés par la transition malienne, paraît pour le moins difficile à avaler par la CEDEAO. Alors que rien ne dit que les autorités de Bamako sont prêtes, de leur côté, à renoncer à leurs ambitions et à revoir de nouveau le délai de leur transition à la baisse, pour entrer dans les bonnes grâces de la CEDEAO. Comment trouver le juste milieu ?
Telle semble l’équation de cette médiation togolaise qui s’annonce comme un pari difficile pour le président Faure Gnassingbé. Surtout qu’en la matière, il s’agit de travailler à ne pas exacerber les tensions ni à en créer de nouvelles, encore moins à faire perdre la face à l’une ou l’autre des parties. Sur un plan plus large, la question de la facilitation du dialogue avec l’ensemble de la communauté internationale, ne paraît pas une tâche moins ardue. Surtout au regard du degré de dégradation des relations entre les autorités de la transition et des partenaires stratégiques comme la France ou encore l’union européenne. Et rien ne dit qu’en matière de respect des principes et des valeurs démocratiques, certains partenaires ne trouveront pas à redire sur le profil du facilitateur. En attendant, ce recours à un médiateur au moment où le dialogue direct entre Bamako et la CEDEAO est loin d’être rompu, ne manque pas d’interroger. Qu’est-ce qui coince pour que les autorités maliennes aient recours à un facilitateur, en la personne du chef de l’État togolais ?
En attendant d’avoir la réponse à cette question, c’est l’option d’une diplomatie souterraine qui subodore une réalité beaucoup plus difficile que Bamako ne semble vouloir l’avouer, en lien avec l’embargo économique qui met le Mali au bord de l’apoplexie. Comme quoi, « on ne peut pas cacher le soleil avec un doigt ».
Source: Le Nouveau Réveil