L’acquisition de nouveaux équipements, la formation et l’entrainement des militaires, les multiples victoires de l’armée malienne sur les forces terroristes, la libération des localités sous embargo des terroristes, la coopération militaire avec la Russie, la rupture de la coopération avec la France, la question de Moura et Gossi, les perspectives dans la lutte contre le terrorisme…aucune question n’a été omise par le ministre de la Défense et des Anciens combattants lors de son passage dans l’émission Mali kura Taa sira. Nous vous proposons l’intégralité de cette intervention que nous transcrite !Le Colonel Sadioo Camara : Grace aux efforts fournis par le gouvernement et le peuple malien, la situation est sous contrôle. La dynamique offensive déclenchée par la FAMa a enregistré des résultats importants. Aujourd’hui, nous assistons à la destruction de plusieurs bases terroristes, la récupération de matériels, la libération des localités des jougs des terroristes, le retour des populations déplacées.
Monsieur le ministre, quel est aujourd’hui l’état actuel de l’armée malienne ?
Grace à la vision du président de la transition traduite par le Programme d’Action Gouvernementale, les forces armées maliennes sont mieux équipées, mieux formées à hauteur de souhait pour répondre aux aspirations des Maliens. Le soutien de la population est indispensable pour la réussite de notre mission.
Par le passé, nos camps étaient attaqués, les villages brulés. Les ripostes n’étaient pas à hauteur de souhait. Les FAMa dépendaient en partie, notamment de l’appui aérien ou d’évacuation sanitaire des partenaires. Mais aujourd’hui, avec l’intensification du recrutement, l’acquisition de matériels, notamment le vecteur aérien, la formation, l’entrainement, l’amélioration des conditions de vie des militaires, les FAMa peuvent aujourd’hui mener leurs opérations en toute autonomie. C’est-à-dire, si nous avons un camp qui est attaqué, nos propres aéronefs peuvent apporter l’appui nécessaire à ces hommes qui sont sous le feu. On ne le souhaite pas, s’il y a aussi des blessés, nos propres avions peuvent faire des évacuations sanitaires. Donc aujourd’hui, nous pouvons dire que la montée en puissance de l’armée malienne est devenue une réalité.
Aujourd’hui, les FAMa détiennent l’initiative sur le terrain. Par le passé, ce sont les groupes armés terroristes qui nous attaquaient. Mais aujourd’hui, avec la montée en puissance de l’armée malienne, nous les traquons jusque dans leur dernier retranchement. Nous pouvons dire que la peur a changé de camps.
Le coup de la montée en puissance de l’armée ?
La Sécurité n’a pas de prix. Le gouvernement a fourni beaucoup d’efforts pour mettre les moyens à la disposition du ministère de la Défense et des Anciens combattants. Le prix des matériels que nous achetons est connu. A chaque fois que nous faisons la réception de nos matériels, nous tenons à éclairer la lanterne des Maliens et des Maliennes. Pour ce qui concerne l’acquisition en cours, je préfère ne pas parler du prix au risque de dévoiler le secret défense. C’est un processus en cours. Nous avons reçu un premier lot, un deuxième lot. Nous attendons de réceptionner tous les lots pour ensuite communiquer sur les prix.
Les opérations en cours ?
L’État-major général des armées maintiendra cette dynamique. Le rôle du ministère de la Défenses et des Anciens combattants, c’est de mettre les moyens nécessaires à la disposition de l’État-major général des armées qui a en charge les opérations. Nous allons continuer à le faire comme en témoigne les récentes acquisitions par les FAMa.
Relations entre Bamako et Moscou ?
Bamako et Moscou entretiennent des relations diplomatiques franches, dynamiques, bénéfiques pour nos États qui ne datent pas d’aujourd’hui. Nous avons récemment redynamisé cette coopération. Le soutien de la Russie au Mali est basé sur le respect de notre souveraineté et la préservation de nos intérêts vitaux.
Sur le terrain, comment se matérialise cette coopération avec les instructeurs russes ?
Contrairement à certaines idées, la présence des instructeurs et des conseillers russes au Mali ne date pas de maintenant. Depuis les années 1960 avec la première République, l’Union soviétique a envoyé des centaines d’instructeurs et de conseillers russes pour aider le Mali à mieux organiser son armée et son administration. Aujourd’hui, nous avons redynamisé la coopération avec la Russie et la présence des formateurs ici au Mali est essentiellement basée sur l’entrainement de nos hommes, la formation de nos pilotes. Les russes qui sont ici au Mali ne participent au combat contrairement à tout ce qui se dit à travers les médias. Nous avons une très bonne coopération avec l’État russe.
Notez-vous déjà des progrès avec l’arrivée de ces formateurs au Mali ? Qu’est ce qui a changé concrètement ?Depuis l’arrivée des instructeurs et des conseillers russes au Mali, nous avons constaté l’amélioration de la situation sécuritaire sur le terrain. Et aujourd’hui, les Russes nous ont aidés à récupérer plusieurs matériels qui étaient en panne ici, notamment des aéronefs, des blindés. Nous comptons vraiment maintenir cette dynamique de coopérations.
On parle de Russie aujourd’hui, mais avant il y avait un pays qui s’appelait la France. Aujourd’hui, on est au bord de la rupture avec la France en termes de coopération militaire. Vous, quel bilan faites-vous de la présence de Barkhane au Mali ?
La France a décidé, de façon unilatérale, du retrait des forces Barkhane et Takuba. Donc il appartient à la France de faire le bilan de son opération. Le gouvernement de la transition a pris acte de ce retrait et des dispositions ont été prises afin d’éviter la création d’un vide sécuritaire. Mais pour les autorités du Mali, un seul critère d’évaluation reste important, à savoir quel est l’impact de cette opération sur le Mali et sur le peuple malien. Et sur ce point, nous pouvons dire qu’après neuf ans de présence massive de forces internationales, malgré quelques victoires tactiques, la situation globale s’est dégradée. L’insécurité qui était concentrée au nord, s’est propagée vers le centre et le sud du pays.Sur le terrain, c’est quasiment l’escalade, c’est très tendu. Est-ce qu’il y a des chances qu’on assiste à des affrontements entre forces armées maliennes et forces de Barkhane sur le terrain puisqu’apparemment la France ne veut pas aller maintenant et tout de suite ?
Nous ne pensons pas que nous allons arriver à ce niveau. J’ai suivi l’intervention d’un sénateur français qui parlé de cette possibilité d’affrontement entre les forces françaises et les FAMa. Mais nous, nous ne sommes pas du tout dans cette logique. Nous avons sensibilisé et nous allons continuer à sensibiliser nos forces dans la mesure du possible à éviter ces incidents.
Quand on parle du retrait de barkhane au Mali, on pense tout de suite à Gossi. Que s’est-il passé à Gossi ? On assiste beaucoup à une véritable guerre informationnelle concernant cette localité.Tout d’abord, je tiens à m’incliner devant la mémoire de cette victime pour le moment inconnue dont les corps ont été découverts dans ce charnier à Gossi non loin de l’emprise qui venait d’être rétrocédé aux FAMa. Le procureur a ouvert une enquête pour faire la lumière sur cette tragédie. Mais certains médias lancent des rumeurs tendant à incriminer les FAMa. Mais nous pouvons dire que l’état de putréfaction avancé des corps au moment de leur découverte exclut toute implication des forces armées maliennes qui venaient d’arriver sur les lieux. Nous déplorons aussi l’utilisation de la mort de nos concitoyens par certaines puissances étrangères qui n’hésitent à utiliser des moyens subversifs et illégaux en violation flagrante de notre espace et de notre souveraineté pour tenter de discréditer nos actions et nous empêcher d’atteindre nos objectifs. Mais aucune manipulation de l’information ne nous fera douter de la justesse de notre combat.
Et Moura, pourquoi la version des FAMa diffère autant de celle des médias occidentaux ?e bruit autour de résulte un peu du même raisonnement infantilisant et contreproductif que nous, nous ne comprenons pas et nous n’accepterons jamais. Les peuples africains ont gagné en maturité et comprennent le jeu qui se trouve derrière cette manipulation informationnelle. Le Mali est issu des grands empires, nous connaissons la valeur de la vie humaine. Nos ancêtres ont eu à protéger les droits de l’homme avant beaucoup d’autres civilisations. Nos institutions judiciaires fonctionnent et nous n’avons pas de leçon à recevoir.
Vous voulez nous dire que les FAMa opéré à Moura avec professionnalisme, en toute responsabilité ?
Ce que je voudrais que les Maliens et les Maliennes, les Africains puissent comprendre : ce qui se passe au Mali est complexe. La guerre se fait à plusieurs niveaux : le niveau classique, la guerre informationnelle, le droit de l’homme. Nous comprenons tout cela. Les gens qui accusent les FAMa de manque de professionnalisme ont leurs idées, ils défendent leurs intérêts. Mais je peux vous rassurer que nous avons été professionnels. Professionnels parce que nous sommes là pour défendre nos populations et nous pensons que personne ne peut aimer le Mali plus que les Maliens ; personne ne peut aimer l’union des Maliens plus que les Maliens, eux-mêmes. Donc nous devons faire attention, nous devons être prudents pour ne pas faciliter le travail de ceux qui nous combattent.
Vous avez reçu une délégation du Burkina Faso dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. A quoi faut-il s’attendre dans cette perspective. Est-ce qu’on a en train d’aller vers un G2 sahel entre le Mali et le Burkina ?
Le Mali est un pays ouvert. A l’instar de notre coopération avec la Russie, le Mali reste ouvert à tous les pays qui nous respectent en tant qu’État, partagent notre vision et qui préservent nos intérêts. Nous avons reçu une délégation du Burkina Faso. Nos échanges ont porté sur l’amélioration de la situation sécuritaire. Ce que nous devons comprendre, si le Mali est stable, si nous avons à maitriser notre situation sécuritaire, le travail n’est pas achevé si le Burkina n’est pas stable. Aucun pays seul ne peut lutter efficacement contre le terrorisme.
Notre pays, le Mali a besoin concrètement de quoi pour mettre fin au terrorisme sur le territoire national ?
Nous sommes convaincus que la seule force armée ne peut pas résoudre définitivement le problème du terrorisme. Pour stabiliser notre pays, certes nous devons vaincre les extrémistes la sécurité étant le premier pilier du programme d’action gouvernemental mais nous devons surtout convaincre notre population que le gouvernement reste le meilleur garant de sa sécurité, de son développement et de sa prospérité. Pour cela, nous devons nous réadapter en adoptant des réformes politiques et institutionnelles courageuses permettant l’émergence d’un Mali nouveau espéré par tous les fils du pays.
Quelle est la place des forces armées reconstituées dans la nouvelle armée du Mali ?
Le Mali a une armée nationale. C’est vrai qu’un certain moment de notre histoire, il y a eu des incompréhensions entre les fils du pays. Mais déjà, nous sommes engagés dans un accord et l’accord avance. L’armée nationale du Mali a le devoir de protéger tous les fils et toutes les filles du pays et c’est ce travail que nous accomplissions sans distinction d’ethnies ou de communautés. Nous sommes au service du peuple malien.
En parlant de perspective, à quoi devons s’attendre de votre part à la tête du département de la Défenses et des Anciens Combattants pour renforcer davantage les forces armées maliennes ?
La dynamique actuelle est positive et nous allons la maintenir. Nous allons continuer à renforcer les capacités des forces armées maliennes, à renforcer l’entrainement et la formation, à améliorer les conditions de vie et de travail des militaires.
Si vous avez un dernier message, un appel à lancer à ceux qui vous suivent ou écoutent, ce serait quoi ?
Je voudrais m’incliner devant la mémoire de toutes les victimes, civiles et militaires, maliennes et étrangères de cette barbarie. Le Mali est issu des grands empires, le peuple malien est fier et résilient. Les forces de défense et de sécurité sont issues de ce peuple. La situation sécuritaire actuelle au Mali n’est aucunement une fatalité. Nous sommes sur la voie pour en sortir et nous allons nous en sortir grâce au soutien constant des Maliens et des Maliennes. Nous formulons le vœu qu’Allah le tout puissant nous donne la santé, la force et l’ouverture d’esprit nécessaire pour mieux assumer nos responsabilités pour l’intérêt supérieur du Mali et des Maliens. Qu’Allah bénisse le Mali.
Interview réalisée par l’ORTM
Transcrite par Boureima Guindo