Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Abdoulaye Diop a prononcé un discours ce lundi 13 juin, au siège des Nations Unies, à l’occasion de l’examen par le Conseil de sécurité du rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la situation au Mali. Ce fut l’occasion pour lui de s’opposer, au nom du gouvernement du Mali, à l’intervention des forces françaises sur le sol malien.Les observations du Mali sur le rapport de la Minusma
« Je voudrais commencer par dire que le Gouvernement du Mali est surpris que le rapport relève que les mouvements signataires ont dénoncé l’enrôlement de 2000 nouveaux éléments devant être déployés dans les régions du nord dans le cadre du recrutement spécial. Le Gouvernement n’a reçu aucune plainte d’un quelconque groupe dans ce sens », a déploré le ministre. Pourtant, selon lui, le recrutement spécial initié par l’État-major général vise les éléments des groupes d’auto-défense ainsi que la récupération des armes. « En aucune manière, ce recrutement ne saurait interférer avec le processus de Désarmement, démobilisation et réintégration/réinsertion de l’Accord (DDR), qui concerne les combattants des mouvements signataires de l’Accord, déjà enregistrés dans la base de données de la Commission nationale DDR », précise le chef de la diplomatie malienne qui ajoute que de sa signature à nos jours, la mise en œuvre de l’Accord a connu des avancées notoires qui ont été accomplies notamment sur le plan politique, sécuritaire, du développement, de la justice et de la réconciliation. Pour Diop, les recommandations des Assises nationales de la refondation de décembre 2021 participent de l’engagement du Gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord, notamment celles relatives à l’élaboration d’une nouvelle constitution, pour instituer, entre autres, le sénat, et l’accélération du processus de décentralisation et de déconcentration de l’État.
Cette tribune a été l’occasion pour le ministre Diop de déclarer que « sur la situation sécuritaire, le Gouvernement indique qu’avec la montée en puissance des forces armées maliennes (FAMa), des résultats probants ont été enregistrés sur le terrain, notamment : la neutralisation d’importants membres de Katibats terroristes, la récupération des matériels, la libération des localités du joug des terroristes, la destruction des sanctuaires terroristes et le retour de populations déplacées ».
Le renouvellement du mandat de la Minusma
Concernant le renouvellement du mandat de la Minusma, le Mali a fait des observations. Pour Diop, il est « essentiel que le mandat soit centré sur la protection des populations civiles et l’appui au rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire ». Le Mali trouve indispensable de mieux définir et articuler la notion de protection des civils dans un contexte de guerre asymétrique. Aussi, recommande-t-il de clarifier contre qui on veut protéger les populations. « Dans ce contexte, le mandat de la Minusma doit obligatoirement prendre en compte la montée en puissance des forces de défense et de sécurité du Mali, qui sont désormais en première ligne face aux groupes terroristes », a indiqué le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.
Durant ce nouveau mandat de la Minusma, le Mali pose des conditions : l’interdiction de l’intervention de Barkhane son territoire. « De même, dans le cadre du renouvellement sus-évoqué du mandat de la Minusma et la demande d’appui aérien de Barkhane, le Gouvernement du Mali exprime son opposition ferme à l’intervention sur son territoire de la force française Barkhane, après la décision unilatérale de retrait de ladite force et la dénonciation par le Mali des Accords de défense avec la France. Nous en appelons au respect de la souveraineté du Mali et des décisions prises par les autorités maliennes à cet égard », a déclaré le ministre Abdoulaye Diop.
Il a également souligné la nécessité d’une meilleure coordination des actions de la Minusma avec l’Etat malien de manière à assurer une pleine efficacité dans l’accomplissement de son futur mandat. « Le Gouvernement du Mali souligne également la nécessité pour la Minusma de travailler étroitement et véritablement avec les autorités et les parties prenantes maliennes pour aider le Mali à protéger ses populations civiles et à restaurer son autorité sur l’ensemble de son territoire », précise Diop. Le gouvernement du Mali a aussi démenti les restrictions sur la Minusma. « Sur les allégations de restrictions imposées à la Minusma, il est à préciser que le Gouvernement malien n’a pris aucune mesure restrictive visant particulièrement la Minusma. La mise en place de mesures de restriction temporaire sur une partie de l’espace aérien national, qui est une décision souveraine, vise un double objectif », a déclaré le ministre Abdoulaye Diop. Le premier, c’est de protéger les forces maliennes engagées dans une nouvelle posture dynamique et offensive pour reprendre l’initiative et réduire la capacité de nuisance des groupes terroristes sur les populations maliennes.
Le deuxième objectif est, dit-il, de maîtriser les risques pour le trafic aérien, liés à l’utilisation intensive de la troisième dimension par les forces maliennes, notamment avec des vols d’aéronefs militaires, y compris sans pilote, et des tirs d’artillerie fréquents. Il affirme que la sécurité et la sûreté des usagers de l’espace aérien malien constituent une responsabilité régalienne de l’Etat. « Il est à noter que tous les vols demandés par la Minusma sont autorisés dès lors que la coordination nécessaire est faite, que les risques à la circulation aérienne sont maîtrisés, et que cela n’interfère pas de manière négative avec les opérations militaires en cours », a affirmé le ministre Diop.
En ce qui concerne le retour à l’ordre constitutionnel, le ministre Diop a rappelé les efforts du gouvernement malien.
Par ailleurs, le ministre Abdoulaye Diop a attiré l’attention du Conseil sur les risques de politisation et d’instrumentalisation des droits de l’Homme aux fins d’agendas cachés et sur la multiplicité des mécanismes des droits de l’Homme et leurs poids croissant sur le fonctionnement de l’Administration malienne, dont les cadres doivent répondre à leurs sollicitations nombreuses, simultanées et souvent pas coordonnées, au moment où les populations ont le plus besoin de leurs services.
La rencontre d’hier a été également l’occasion de rejeter les allégations de violations des droits de l’Homme au Mali. « Pour clore ce chapitre des droits de l’Homme, je tiens à rappeler que le Gouvernement du Mali a rejeté certaines allégations de violation et d’atteinte aux droits de l’Homme attribuées aux Forces de défense et de sécurité maliennes, dans la dernière note trimestrielle de la Minusma », a laissé entendre le ministre Diop qui précise qu’à l’issue d’enquêtes minutieuses, « nous nous sommes rendus compte que ces allégations sont tendancieuses, non recoupées, rapportées selon des témoignages non contradictoires et ne s’appuyant sur aucune preuve tangible. Je saisis cette occasion pour rejeter totalement la fausse impression que cette note trimestrielle de la Minusma donne et selon laquelle les violences exercées par les Forces maliennes ciblent des personnes appartenant à certaines communautés ethniques. « D’évidence, ces allégations ont pour objectif de ternir l’image des Forces armées maliennes et de les discréditer vis-à-vis des populations et de la communauté internationale », déplore Diop.
Sur le retrait du Mali du G5 Sahel, Diop a été on ne peut plus clair : « Je voudrais leur rappeler qu’il s’agit là d’une décision souveraine du Mali, en réponse aux violations des traités fondateurs de l’organisation, à la politique de deux poids deux mesures et aux ingérences extérieures hostiles à l’égard d’un Etat membre fondateur ». Selon lui, le retrait du Mali a été formellement notifié aux instances du G5 Sahel.
B. Guindo
Source: Le Pays