Pour mettre en commun nos talents afin de réinventer le Mali, il nous faut impérativement apprendre à définir notre présent par le futur, à construire ensemble et non par les oppositions du passé. Notre passé récent nous a laissé trop de querelles à gérer. Les différentes «audiences publiques organisées par la Commission Vérité Justice et Réconciliation l’ont illustré. Depuis l’indépendance à la transition actuelle, trop d’abus et de fautes ont été commis à tous les niveaux. Et à chaque changement de régime politique, les règlements de compte gagnent sur une véritable démarche de construction d’un Mali harmonieux.Les « PSP » en veulent aux « US-RDA ». Les « US-RDA » en veulent aux « UDPM ». Les « UDPM » en veulent au « Mouvement démocratique». Les mouvements rebelles en veulent à l’armée… Aujourd’hui, ces différends sont en train de prendre de nouvelles formes. Ils sont en train de devenir ethniques, syndicaux, territoriaux, culturels, financiers… Même notre transition a été malheureusement rattrapée par cette mauvaise dynamique.
Cette mauvaise dynamique nous empêche d’inscrire notre pays dans une réorganisation systémique. Elle participe à l’entretien d’un système mafieux qui permet les règlements de compte et l’accaparement des richesses en dehors de toute règle.
Nous souffrons de nous voir dans cette situation, si contraire à ce que nous croyons au fond de nous-mêmes. Si nous voulons nous arracher à ce que nous avons de bas, il nous faut donner une chance à ce que nous avons de grand.
Et il nous faut sortir de ce cercle infernal ! De ce perpétuel recommencement ! Nous n’avons plus le temps d’attendre pour réinventer notre pays. Nous sommes un pays trop neuf pour laisser à notre jeunesse (75% ont moins de 25 ans) un tel héritage de dysfonctionnement et de défiance. Il nous faut une nouvelle dynamique, un événement politique majeur. Il ne faut pas que cela soit par la violence. Nous n’avons plus de ressorts pour y faire face. Toutes les nations qui veulent vraiment se sortir d’un désastre doivent choisir des solutions inédites. Il faut repartir de zéro. Cela ne peut concrètement se faire sans un coup d’éponge sur le passé. C’est injuste ! Si pour passer à une étape nouvelle et retrouver la grandeur qu’il porte en lui, le Mali doit remettre les comptes à zéro, on doit le faire. Toutes proportions gardées, c’est par un tel coup d’éponge et malgré l’immensité des dommages que l’Afrique du Sud a pu se sortir – sans nouvelle guerre inutile – de l’apartheid, que la France et l’Allemagne sont aujourd’hui amies, que le Rwanda a transcendé les affres du génocide. C’est de cette façon que nous aussi, nous pourrons repartir sur de nouvelles bases pour sortir tout de suite de notre défiance généralisée.
Les institutions et les décisions sorties de ce redémarrage à zéro auront la force et les moyens d’une vraie sévérité contre ceux qui, à l’avenir, reviendraient aux anciennes pratiques, la force et les moyens d’une vraie sollicitude pour tous ceux qui n’ont qu’une hâte : se consacrer au bien commun et en même temps améliorer honnêtement leur existence.
A la semaine prochaine pour l’expression d’une vision d’un Mali réconcilié pour se réinventer.
Mohamed Salia Touré, ancien ministre
Le Témoin