Le cauri est un art divinatoire employé le plus souvent par les femmes. Pour percer ce mystère, nous nous sommes entretenus avec Dr. Fodé Moussa Sidibé, traditionaliste. Selon lui, le cauri, divination généralement féminine, était important dans notre société. Il l’est encore, mais pas comme avant.Mali-Tribune : Qu’est-ce que le cauri ?
Dr F. M. S. : Le cauri c’est un mollusque. Il a été introduit chez nous depuis des millénaires. C’est de couleur blanche et sa forme est bizarre. Une forme bizarre qui rappelle l’organe génital féminin. C’est très important à noter, car, c’est à partir de là que naît le symbolisme africain lié aux cauris.
Maintenant, pour ce qui est de son histoire, comme je l’ai dit tantôt, son histoire se perd chez nous dans la nuit des temps. Parce que le cauri a servi de monnaie et ça il y a trop longtemps parce que c’est ce qui est rare qui devient une monnaie.
La chose qui est rare comme l’or. Mais, à cette époque, la valeur du cauri était adossée à l’or. C’est l’or qui était la mesure de base et les endroits où il y a beaucoup d’or, le cauri ne coûtait rien. Je ne peux pas dire si la symbolique a précédé l’utilisation ou si c’est l’utilisation qui a précédé le côté symbolisme. De toutes les façons, utilitairement, c’était une monnaie et utilitairement, également, ça sert à faire de la divination.
Mali-Tribune : Combien de cauris pour la divination ?
Dr. F. M. S. : On utilise 12 cauris généralement. Mais, il y en a qui vont jusqu’à 48 cauris pour faire de la divination. C’est une divination totalement féminine. Mais, il y a des hommes qui l’utilisent aussi. Mais, c’est quand même un objet de divination qui appartient plus aux femmes qu’aux hommes. Même l’utilisation du cauri dans la spiritualité est en lien avec la femme, car on demande de sacrifier 3 ou 4 cauris.
D’ailleurs, jusqu’à présent, il y a des géomanciens qui demandent à être symboliquement payés en cauris.
Mali-Tribune : Quelles différences entre le cauri d’hier et d’aujourd’hui ?
Dr. F. M. S. : De nos jours, le cauri a perdu de sa superbe. Il n’est plus la monnaie des échanges. Maintenant, personne n’utilise le cauri pour payer à part dans certains rituels. Chez certains, tu payes symboliquement avec les cauris, mais après c’est à toi de voir l’argent que tu peux apporter.
L’homme qui porte un cauri, c’est généralement à l’oreille gauche et fait référence à « koukeni », l’un des fétiches le plus dangereux en milieu bambara. Koukeni veut dire, koloni kelen, cauri unique.
Mali-Tribune : Quelle est son utilité ?
Dr. F. M. S. : Le cauri de façon utilitaire sert d’ornement. Mais, contrairement à ce qu’on voit aujourd’hui, même en tant qu’ornement, il n’était pas porté au hasard.
Les femmes pouvaient arborer dans les cheveux ou comme pendentif au cou pour certaines circonstances bien déterminées. Le nombre est connu. On ne dépasse pas le nombre. Bon, c’est généralement des nombres féminins.
Chez nous, les nombres aussi sont genrés. Il y a le genre dans tous les pays d’Afrique. Personne ne nous a appris le genre. Il y a des chiffres masculins, des chiffres féminins. Pour les hommes, l’utilisation, c’est généralement dans les tenues d’apparats, dans les tenues de scènes, pour certains danseurs, pour certains types de spectacles.
Chez les donzos, on a un nombre de cauris sur les tenues. Le nombre est déterminé par le grade et le statut du chasseur.
Mali-Tribune : Quelles sont les personnes aptes à prédire à travers les cauris ?
Dr. F. M. S. : Les femmes, très rarement, les hommes. Généralement, les cauris ne parlent que d’affaires de femmes. Quand vous allez chez un jeteur de cauris bon, tout ce qui concerne votre vie sentimentale, et même sexuelle, il va tout vous raconter. Ce qui fait que les hommes s’en méfient.
Mali-Tribune : L’utilisation du cauri s’apprend-t-elle ou c’est un don ?
Dr. F. M. S. : Bon, les histoires de don, il faut faire très attention. Il y a très peu de choses qui sont innés chez l’homme. Si tu ne l’apprends pas, tu ne le connaîtras pas. On ne vient sur aucune terre avec aucune connaissance. On vient avec des aptitudes et des réflexes. Le savoir, la connaissance s’acquièrent.
Mali-Tribune : Cet art rapporte-t-il de l’argent ?
Dr. F. M. S. : Je pense que si les gens s’y adonnent, au-delà du plaisir de se retrouver, il y a un gain derrière.
Propos recueillis par
Jeanne Marie Samaké
Source: Mali Tribune