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Lutte contre la corruption : constat d’impuissance

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Le Vérificateur général, Samba Alhamdou BABY, a solennellement remis son Rapport annuel 2021 au Président de la Transition, Assimi GOITA, fin novembre. Le rapport annuel 2021 est alimenté par la synthèse de 33 rapports sectoriels qui sont répartis en 20 vérifications financières ou de conformité, huit vérifications de suivi des recommandations, quatre vérifications de performance et une évaluation de politique publique. Ce dernier rapport révèle que le manque à gagner recensé par ce rapport de vérifications de différentes structures bénéficiant de ressources financières publiques tourne autour des dizaines de milliards de F CFA.

 

 

Au-delà de l’ampleur du phénomène qui n’est pas une surprise dans notre pays, nombreux sont les observateurs qui s’interrogent sur les capacités de l’État à endiguer cette corruption qui gangrène la société malienne à tous les niveaux.

 

En effet, malgré quelques « mesures » pour lutter contre ce phénomène, il persiste au sein de la société.

 

Quelle est l’utilité pratique de ces différents moyens de lutte mis en place à grand renfort de publicité ?

 

Le refus de sanctionner la corruption n’est-il pas aussi une forme de corruption ?

 

Dans son allocution introductive, le Vérificateur général du Mali a soutenu que la remise solennelle du Rapport annuel est un évènement hautement symbolique marquant un moment inédit de porter à la haute attention du Président de la Transition, la synthèse des observations, analyses, critiques et suggestions formulées au compte de l’année 2021.

Le Chef de l’État a répondu que : « la lutte contre la corruption et la délinquance financière fait partie des priorités des autorités de la Transition. En témoignent les sollicitations importantes adressées au Bureau du Vérificateur Général par les membres du Gouvernement».

 

Malheureusement, en dépit des discours politiques, au fil des années, on se demande si cette volonté politique n’est pas que persuasive, car nous avons déjà 17 rapports annuels exhibant de gros manques à gagner au préjudice de l’État ou des deniers publics sans que les auteurs ne soient véritablement inquiétés par la justice.

 

Si l’on s’amuse à ressasser les manques à gagner ou les irrégularités financières relevées par les 17 rapports, c’est plusieurs centaines de milliards qui sont concernés. Combien de ces montants ont-ils été restitués au Trésor public ?

 

Le Bureau du Vérificateur général (BVG), à l’image des autres structures de contrôles, a un bilan presque négatif en la matière eu égard aux ressources servant à le faire fonctionner.

 

Pour rappel, le premier rapport annuel du BVG date de 2005, alors que la loi qui le créait date de 2003. La structure a été modifiée par d’autres textes dont le plus récent est la loi du 23 décembre 2021, en vue de renforcer son ancrage institutionnel et faciliter sa saisine.

 

Mais, il semble qu’au décompte, l’addition du manque à gagner découlant des rapports du BVG est toujours salée, voire très salée.

 

L’argent du contribuable est toujours trop mal géré (euphémisme pour dire qu’il est volé et/ou détourné).

 

De 2003 à 2022, 18 ans déjà que le Bureau du Vérificateur général existe dans l’architecture des autorités administratives indépendantes du Mali.

 

Il est, du reste, spécifiquement assis sur le terrain de la traque de la délinquance financière et de la lutte contre la corruption. Mais son bilan d’activités est plutôt mitigé.

 

De l’attribution des marchés publics au niveau des ministères aux simples contrôles de formalité sur les voies publiques par les policiers, tous les domaines sont fouillés.

 

C’est quasiment l’indifférence vis-à-vis des vérificateurs ; car les missions de vérification financière ou de performance n’effraient plus aucun agent public.

 

De nos jours, bon nombre des cadres et des citoyens ordinaires prétendent qu’il est vain de s’époumoner à lutter contre la corruption et invoquent tantôt la fatalité, tantôt la nécessité pour justifier leurs actes répréhensibles. Est-ce une fatalité ?

 

En tout cas, ses effets touchent toutes les couches sociales, ce qui freine, considérablement le développement du pays à tous les niveaux. Les causes de la persistance de la corruption sont nombreuses, et cela va du plus haut sommet de l’État à la société civile.

 

Ainsi, on assiste à l’expansion des réseaux de corruption et de détournement des fonds publics qui vivent indubitablement leur printemps dans le Mali d’aujourd’hui.

 

En effet, l’exigence de transparence dans la gestion des affaires publiques est devenue une obligation en matière de gouvernance démocratique.

 

Selon l’ONU, la corruption est un phénomène qui affecte beaucoup de pays et qui a un effet direct sur le développement et le bien-être des populations.

 

Cette problématique est aussi bien présente au Mali et elle semble s’être renforcée ultérieurement à cause de l’instabilité politique et de la crise multidimensionnelle que traverse depuis quelques années le pays comme en témoigne les données des classements réalisés chaque année par Transparency International et la fondation Mo Ibrahim.

 

Les phénomènes de corruption et de mauvaise gouvernance ont d’ailleurs été l’une des causes du mouvement de protestation populaire qui a abouti à la mise en place, en 2020, d’un processus de transition et cette question figure à juste titre parmi les priorités des autorités actuelles.

 

C’est pourquoi la corruption et l’impunité doivent être combattues et sanctionnées avec rigueur. Le refus de sanctionner, le silence devant la corruption appartiennent aussi à l’ordre de la corruption.

 

La corruption n’est pas une fatalité et la preuve a été donnée par le régime socialiste de la Première République. A l’époque, les cadres nouvellement aux affaires du pays avaient un idéal soutenu par l’idéologie socialiste et les principes encore vivaces qui ont guidé pour l’accession à l’indépendance.

 

L’avènement du Comité Militaire de Libération Nationale à la suite du Coup d’État du 19 novembre 1968, a libéré les instincts des corrupteurs et des corrompus et l’exemple le plus cité est la construction des villas de la sécheresse sur le détournement des dons de l’aide alimentaire.

 

Sous ce régime militaire, la corruption a persisté et a été érigée en système dont le centre de gravité se trouvait dans l’entourage des hautes autorités du pays.

 

Le régime de la Troisième République a fait des milliardaires dans tous les secteurs par la systématisation des 10% dans l’attribution des marchés publics, les exonérations et autres privilèges distribués aux opérateurs économiques avec les retombées qui en découlent.

 

La révolution de mars 1991 et l’instauration du multipartisme intégral auraient dû moraliser la vie publique. Mais hélas, le libéralisme économique a été assimilé par certains opérateurs économiques à une licence à l’enrichissement à outrance et par tous les moyens et même par la corruption.

 

La société civile a un rôle de premier plan dans le processus de bonne gouvernance, car elle a le monopole du contrôle de l’action gouvernementale par ses représentants. Mais lorsque celle-ci s’engouffre dans la pratique de la corruption, cela ne fera qu’encourager les dirigeants à pérenniser dans cette situation mafieuse parce que tout simplement ils n’auront de compte à rendre à personne si ce n’est qu’à leur conscience.

 

Tout d’abord, pour mener à bien cette lutte, il est indispensable de mettre l’accent sur la séparation des différents pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Le système judiciaire est l’acteur « par excellence » de la lutte contre la corruption.

 

La lutte contre la corruption n’aura de succès que lorsque toutes les couches de la société et les autorités politiques et judiciaires s’impliqueront à fond, à savoir l’État à travers les institutions de la République par une volonté politique sans réserve, ensuite les élus par les moyens d’information, d’éducation, de sensibilisation et de vulgarisation des méfaits de la corruption.

 

Par Abdoulaye OUATTARA

 

Source: Info-Matin

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