L’ancien ministre, Me Baber Gano rompt le silence… –« Nous devons tout faire pour reconstruire l’unité nationale » -« La vraie requalification de l’armée malienne, c’est avec IBK »
Sujets brûlants de l’actualité, montée en puissance de l’armée malienne, le chronogramme électoral, projet de rédaction de la nouvelle Constitution, etc. l’ancien ministre d’IBK, ancien député de Djenné, secrétaire général du parti du Rassemblement pour le Mali (RPM) élu lors du congrès du 23 octobre 2016, Me Baber Gano, dit tout dans cette interview exclusive qu’il a bien voulu nous accorder, le vendredi dernier dans son cabinet sis à Hamdallaye ACI 2000. Interview.
MALI-HORIZON : Actualité fraîche, que pensez-vous de la Commission de finalisation de la nouvelle Constitution?
Me Baber Gano : Je crois qu’il faut prendre le problème à sa source, avant la mise en place de cette commission, il y a eu d’abord un cadre de concertation que le gouvernement avait mis en place, bien avant la désignation de la première commission afin de recevoir les propositions des partis politiques pour lancer le processus des réformes politiques et institutionnelles.
Au moment de cette phase, les partis politiques avaient été réticents dans la forme de la révision constitutionnelle ou même à la rédaction d’une nouvelle Constitution. Ces partis avaient fermement notifié au gouvernement qu’ils ne participeraient pas sous cette forme là. Je pense qu’avec le Cadre de concertation, les partis politiques avaient fait des propositions qui n’ont pas été suivies par le gouvernement. Normalement, la commission de rédaction devait recevoir des propositions des partis politiques. L’ensemble des orientations du président devaient conduire cette commission à élaborer un texte pour le soumettre en référendum. Malheureusement, les partis politiques ont notifié leur désintérêt depuis la formation de la commission de rédaction, qui avait pour mission d’élaborer une nouvelle Constitution et ont exigé que cette révision constitutionnelle soit faite a minima avant d’aborder les échéances électorales en lieu et place d’une nouvelle Constitution.
Cette vision n’a pas été comprise, la commission a engagé les écoutes et les travaux qui ont abouti à un projet de référendum à celui de constitution qu’elle a remise au président de la Transition.
Avec les voix qui se sont élevées dès la publication du projet d’une nouvelle Constitution, le président de la Transition a souhaité certainement de revoir sous une autre forme pour finaliser ce projet, en désignant les membres pour prendre en compte certaines propositions, qui n’avaient pas été retenues dans la version proposée. Si dans cette commission de finalisation, des personnes n’ayant pas donné leurs mandats à la rédaction au départ, se retrouvent au finish, cela paraît un peu comme une incohérence, puisque le Cadre des partis politiques pour une transition réussie n’était pas partant pour ce projet de rédaction d’une nouvelle Constitution. Il était favorable à une révision, mais pas à la rédaction d’une nouvelle Constitution. Mais les personnes appartenant au Cadre désignées pour la finalisation peuvent être là pour leurs titres personnels.
Pensez-vous qu’avec cette situation, le chronogramme électoral sera respecté ? Le référendum pourra-t-il se tenir et permettre d’adopter cette nouvelle Constitution ?
Le RPM n’a pas à se prononcer sur la tenue du projet de référendum. Ceci appartient au gouvernement, car c’est le président, qui envoie son texte au gouvernement, donc nous n’avons pas de position à prendre pour le moment car, nous n’avons pas été concertés. Le mieux pour le RPM, c’est de garder sa neutralité tout en prenant en compte les sympathisants du parti qui doivent faire librement leur choix sur cette question de référendum.
« …Les dates annoncées pour les élections ne sont pas tenables… »
J’ai été invité au cadre de concertation du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation. Au cours de ce forum, j’ai clairement indiqué que les dates indiquées telles qu’elles étaient publiées par ledit ministère, n’étaient pas réalisables, j’avais dit ça. Je prends à témoin la salle, quand le ministre de l’Administration territoriale, à travers sa chargée de communication, que les élections qu’elle souhaiterait faire, n’étaient pas réalisables. Dans ce chronogramme, il y avait également les élections de Mars ensuite les élections communales et régionales en octobre et novembre. En novembre décembre, c’était les législatives et puis en janvier février, c’était les présidentielles. En salle, j’avais suggéré que pour un gouvernement de transition, il fallait se résumer aux élections générales, qui étaient le plus important à mon avis.
Pour le référendum qui était programmé dans la salle, j’avais indiqué que je ne pense pas qu’il y ait une nécessité de faire la rédaction d’une nouvelle Constitution et que moi j’étais favorable à une révision a minima pour prendre en compte certaines modifications de la Constitution. Je voyais un peu l’AIGE (Autorité indépendante de gestion des élections, NDLR), que si la loi électorale venait d’être votée par le CNT, donc il fallait quand même le transcrire dans la Constitution. Je voyais aussi le mode de gestion des élections. Il y a beaucoup de partis qui souhaiteraient les élections générales et législatives. Moi, je voyais tout au plus, une révision constitutionnelle pour que nous puissions être prêts pour ces dates là. La rédaction de la nouvelle Constitution suscite beaucoup de polémiques, donc il faut éviter ça. Chaque fois qu’il s’agit de toucher à une Constitution, les gens se révoltent. –
Au plan sécuritaire, le discours qu’on entend de plus en plus c’est que le pouvoir actuel a fait en quelques mois ce que le régime IBK n’a pas fait en 7 ans. Que répondez-vous à cela ?
Un gouvernement, c’est d’abord une continuité, le dire qu’ « en un an que le gouvernement de Transition a fait plus que le régime antérieur en 7 ans en termes d’équipements d’aéronefs, de renforcement des équipements de l’armée », ne sera peut-être pas vérifiable. Je sais que beaucoup d’acquisition de matériels d’aujourd’hui, ont été préparé sous le régime d’IBK. Beaucoup de matériels avaient commencé à être acquis sous IBK.
« Je n’ai pas dit que la transition n’a pas fait d’effort… »
La vraie requalification de l’armée malienne, c’est avec IBK qui lui a donné aujourd’hui ce professionnalisme. Je n’ai pas dit que la transition n’a pas fait d’effort mais le gouvernement est une continuité. Beaucoup de vision allant dans le sens de l’achat des armements, de la montée en puissance de l’armée, de l’armement moral des militaires, la condition des militaires, les veuves des militaires, tous les textes ont été adoptés sous IBK. C’est lui qui est à la base de cette réflexion sur la condition de vie du militaire et de sa famille, rendre l’armée plus performante qui ne peut pas se faire sans doter l’armée de l’équipement. Elever le budget de l’armée, s’engager avec des pays partenaires à venir former des militaires, accepté que d’autres unités que le Mali n’avait pas, soient créées. La FORSAT (force anti-terroriste, NDLR), et beaucoup d’autres unités spéciales ont été créées sous IBK et ça a rendu l’armée plus forte, plus efficace et surtout que l’objectif fondamental à l’époque était de faire face au terrorisme et la guerre asymétrique. Pour le terrorisme et la guerre asymétrique, il fallait que l’armée soit prête à affronter l’ennemi sur le terrain. J’attends que les procédures qui sont en cours et les enquêtes qui ont été engagées pour mettre en exergue ce qu’on reproche à Loi d’orientation du programme militaire (LOPM). Une chose est de dire quelque chose, une autre est de la prouver. Pour le moment, on parle beaucoup sur les malversations autour de cette LOPM. Mais nous sommes encore devant les faits présumés, les enquêtes sont déjà en cours et la justice est également à pied d’œuvre. Si toutes les conclusions convergent vers ce que les gens disent, en ce moment on saura qu’il ya eu quelques choses d’irrégularités ou de KO par rapport à LOPM. Pour le moment, je reste positif que le régime IBK a été un régime qui a beaucoup pensé aux militaires et qui a beaucoup réfléchi à la condition de vie des militaires et qui a pris beaucoup de textes courageux pour rendre l’armée aujourd’hui plus performante en faisant beaucoup de dépenses. Ce qui a fait que le budget de l’armée a été élevé pour qu’elle puisse être dotée et devenue comme étant la première armée de la sous-région, c’est pourquoi aujourd’hui elle est être dotée des matériels sophistiquées et de première génération.
Je salue les performances de l’armée, actuellement qui ont permis de récupérer beaucoup de villages, qui étaient tombés sous les mains des terroristes des Djihadistes. Ce progrès et ses résultats qui sont palpables, vont certainement conduire vers la tenue des échéances électorales paisibles et libres. Nous ne devons pas se contenter de tenir des discours, alors que la faisabilité des élections, au plan sécuritaire, était encore incertaine. On peut se féliciter aujourd’hui que l’armée a pu avoir fait beaucoup de progrès sur le plan sécuritaire.
Aujourd’hui, l’on sent un découragement au sein des militants, quel discours pourriez-vous tenir pour remobiliser vos troupes lors des prochaines élections ?
Pour les échéances électorales, nous disons qu’il n’y a pas de démocratie sans pouvoir politique et il n’y a pas de pouvoir politique sans les partis politiques. Pour ce faire, les discours que j’aurai à tenir si on était en face des électeurs pour les échéances électorales, seraient les mêmes que nous avons toujours tenus.
« Reconstruire l’unité nationale… »
Nous allons parler de notre projet de société, qui ira dans le sens de la reconstruction nationale, de rendre les secteurs dynamiques, plus dynamiques qui sont entre autres l’économique, la culture, l’éducation, l’agriculture, la santé, la défense de l’intégrité territoriale du pays.
Ce sont des aspects que tout homme politique, lors des élections, doit défendre. Car, notre unité nationale, notre intégrité territoriale, notre souveraineté sont pour moi aujourd’hui les questions plus chères aux Maliens. Si on ne gagne pas la bataille de la question de souveraineté, on ne pourrait pas bâtir une démocratie, encore moins une société raciale multiethnique avec une éducation et épanouissement de nos enfants. Ce qui doit tous nous préoccuper, quand nous serions en face des électeurs, c’est de tenir des discours d’apaisement, de réconciliation des Maliens, parce que le tissu social, honnêtement ces derrières années, s’est beaucoup affaibli. Nous devons tout faire pour reconstruire notre unité nationale
Le parti RPM traverse une tempête avec un certain nombre de divergences. Pourriez-vous nous faire le point ?
Me Baber Gano : Je rends hommage à notre père fondateur, le président feu Ibrahim Boubacar Keïta, qui nous a tous unit au sein de cette formation politique dans la cohésion, dans l’union jusqu’à la réussite du parti qui a conquis le pouvoir en 2013.
Après l’évènement douloureux du 18 août 2020, le régime qui a amené le RPM au pouvoir a été confronté à des problèmes sociopolitiques qui nous ont conduits à un coup d’Etat avec la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale. La suite de cet événement a fait que le parti est rentré dans beaucoup de turbulences dont le décès du président fondateur du parti feu Ibrahim Boubacar Keïta qui est survenu un an après le coup d’Etat. Actuellement comme remarqué par beaucoup d’observateurs, le parti RPM est à la croisée des chemins que je considère comme une étape du parti qui n’est pas insurmontable. Cela fait que le parti est en train d’assister à un conflit de leadership et générationnel. Cette mutation du parti est heurtée à beaucoup de confits à l’interne qui ont provoqué des départs et des démissions de part et d’autres. Mais, nous pensons que ce moment est surmontable en stabilisant notre appareil politique qui sera face aux nombreux défis dont les échéances électorales qui attendent le parti.Selon vous, c’est cette crise interne qui impacté la section commune V du district de Bamako ayant conduit à la démission de l’honorable Moussa Timbiné et de nombreux jeunes du parti ? Dans quelles conditions ?
Moussa Timbiné est un historique du parti tout comme moi et tous ceux qui font parti de la création du parti en 2001. Il est une figure de jeune du parti, qui malheureusement, a pris son départ suite à des raisons que lui même a évoqué compte tenu de la vision qu’il ne partage plus avec le sommet et la hiérarchie du parti, M. Timbiné a préféré créer un mouvement que moi même j’ai vu à la télé qui s’appelle Convergence 2023.
Mais, j’ignore les vraies raisons profondes, mais une chose est certaine puisque lui même a cité quelques raisons parmi lesquelles il pense que la gestion actuelle du parti n’est pas dans la vision qu’il attendait sur le plan respect des textes et des valeurs qui ont toujours uni les membres du parti. Il a été impatient et a préféré ne pas attendre la fin de la crise que le parti traverse actuellement.
Dans ces conditions, le RPM pourra-t-il présenter son candidat à la prochaine élection présidentielle ?
Pour le moment, ce sont des réflexions que nous devons mettre sur la table car tout cela fait partie des problématiques que les membres doivent partager dans les instances dirigeantes du parti.
A cet effet, au moment opportun nous allons appeler les militants et l’ensemble des structures du parti à se prononcer sur cette problématique de la candidature en externe ou interne du parti, en tout cas, ramener dans une décision à travers une instance suprême.
Votre mot de la fin ?
Je voudrais appeler tous les Maliens à l’optimisme, c’est vrai que nous sommes tombés dans une situation de crise très profonde, mais nous ne devons pas désespérer du pays. Chaque Malien, où qu’il se trouve, doit apporter sa pierre à l’édifice national et agir tous les jours pour poser des actes constructifs dans le sens de la souveraineté nationale afin de gagner la bataille de la nation.
Réalisé par L.BAGAYOGO/A. GNISSAMA
Source: Mali Horizon