Dans un mémorandum, le gouvernement réagit au dernier rapport trimestriel couvrant la période de janvier à mars 2023 du secrétaire général des Nations unies sur la situation au Mali. Occasion pour le ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de déplorer, au nom du gouvernement, la suspension de la participation des mouvements signataires aux mécanismes de suivi de l’Accord. A cet égard, le gouvernement réitère aux partis signataires de l’Accord pour qu’ils rejoignent le processus. Voici l’intégralité du mémorandum.
Le Gouvernement de la République du Mali a pris connaissance du rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation au Mali, couvrant la période de janvier à mars 2023, conformément aux dispositions de la résolution 2640 (2022) portant mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA).
En observation d’ordre général, le Gouvernement du Mali note que le Secrétaire général fait état dans le rapport d’événements factuels notamment sur la situation sociopolitique du pays, la mise en œuvre de l’Accord, la situation sécuritaire, la situation des droits de l’homme et humanitaire et les défis opérationnels de la MINUSMA.
Ainsi, les progrès salués par le Secrétaire général au titre des réformes politiques et institutionnelles, y compris dans la mise en œuvre du chronogramme de la transition, ont été obtenus à travers l’engagement du Gouvernement qui conduit de manière participative et inclusive l’ensemble du processus des réformes afin de parvenir à un plus large consensus possible autour des questions clés de la transition.
Parallèlement, les opérations en cours de sécurisation des personnes et de leurs biens et de stabilisation du territoire national, menées par les Forces de défense et de sécurité du Mali (FDSM) dans le strict respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire, contribueront à renforcer les acquis des dividendes de la paix en faveur des populations.
De manière spécifique, le rapport appelle les observations ci-après de la part du Gouvernement :
Au plan politique
Le Gouvernement du Mali salue la reconnaissance par le Secrétaire général des avancées dans le processus des réformes politiques et institutionnelles, notamment la validation le 16 mars 2023 du projet de Constitution et sa présentation, par Son Excellence Le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat, le 20 mars courant, aux forces vives de la nation comprenant des représentants des partis politiques, de la société civile, des mouvements signataires de I ‘Accord et des chefs religieux et traditionnels.
Face aux inquiétudes évoquées par le Secrétaire général concernant l’opposition d’organisations et acteurs maliens à la réforme constitutionnelle ainsi que le retrait de la CMA du processus d’adoption de la nouvelle Constitution, le Gouvernement du Mali rappelle que le processus de réforme politique s’est inscrit, de sa conception à sa mise en œuvre, dans une démarche participative et inclusive, conformément aux directives du Chef de l’Etat, et, sous son leadership, le Gouvernement poursuivra les efforts auprès des acteurs et parties prenantes
concernées, afin de parvenir à un large consensus autour de la nouvelle Constitution rassemblant les maliens et apportant une solution durable à l’instabilité politique et institutionnelle dans le pays.
Il convient à cet égard de souligner que cet exercice demeure respectueux de la liberté d’opinion et d’expression permettant aux acteurs politiques et aux membres de la société civile de s’exprimer, sans aucune forme de restriction, sur le projet de nouvelle Constitution. Cela constitue un signe de vitalité de la liberté d’expression au Mali contrairement à certaines allégations.
Comme souligné dans le rapport, la mise en œuvre diligente du chronogramme de la transition demeure une priorité des autorités maliennes. Ainsi, le report annoncé du référendum constitutionnel, initialement prévu le 19 mars 2023, participe de la volonté du Gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue d’une bonne organisation dudit référendum à travers la pleine opérationnalisation de l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections (AIGE), y compris la mise en place de ses sections régionales et la vulgarisation du projet de Constitution.
L’engagement des Autorités de la Transition à poursuivre les avancées politiques dans la conduite de la Transition s’est manifestée en outre par l’adoption par le Conseil national de la Transition (CNT), des textes portant révision de la loi électorale, dont les amendements visent notamment la participation effective de tous les citoyens maliens aux consultations électorales, l’introduction de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée pour prévenir la fraude électorale, la réduction du temps de mise en place des démembrements de l’AIGE, qui est passé de 6 mois, à trois au plus, en vue de respecter le délai de la Transition.
La mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles se poursuivra dans le cadre du renforcement de la concertation et du dialogue avec la CEDEAO et l’Union africaine en vue du retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé dans le délai convenu.
Sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger :
Tout comme le Secrétaire général, le Gouvernement du Mali déplore la suspension de la participation des mouvements signataires aux mécanismes de suivi de l’Accord et, à cet égard, a pris des mesures résolues pour avancer dans la mise en œuvre de l’Accord. Le Gouvernement a notamment adopté, le 29 mars 2023, deux projets de décret pour un meilleur fonctionnement des structures essentielles au mécanisme de suivi de l’Accord, à savoir la Commission nationale de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion et la Commission nationale d’Intégration.
Le Gouvernement a également saisi la médiation internationale, y compris par lettre officielle en date du 24 février 2023, adressée à l’Algérie, en sa qualité de chef de file de la Médiation internationale et que le Mali remercie au passage pour ses efforts constants. Par cette correspondance, le Gouvernement appelait la médiation à jouer pleinement son rôle notamment en dénonçant les violations.
Le Gouvernement du Mali réitère son appel pour la tenue sur le territoire national d’une session ministérielle du Comité de Suivi de l’Accord et salue la reconnaissance par le Secrétaire général, de la prise en charge de dispositions de l’Accord dans le projet de
Constitution, qui, à titre de rappel, est la matérialisation des attentes largement exprimées par les Maliennes et les Maliens lors des Assises nationales de la Refondation.
L’engagement du Gouvernement pour la mise en œuvre de l’Accord s’est traduit, en outre, par la poursuite des travaux entre la Commission nationale DDR et la MINUSMA qui a, entre autres ,permis l’identification et le cantonnement de 900 femmes associées aux groupes armés dans les régions de Gao, Kidal, Ménaka et Tombouctou.
En dépit du retard accusé dans le processus DDR et le plan d’action 2022-2024, on enregistre à ce jour, 2 750 ex-combattants réintégrés au sein des forces de défense et de sécurité nationales.
Parallèlement, l’opérationnalisation du Fonds pour le développement durable (FDD) s’est poursuivie à travers plusieurs initiatives visant le financement des projets et programmes retenus à cet effet. La stratégie élaborée dans le cadre de la Zone de développement du Nord sert de référence pour la prise en charge des questions liées au développement des régions concernées.
Par ailleurs, les textes de création et d’organisation de la structure de gestion des réparations en faveur des victimes viennent d’être adoptés en Conseil des Ministres le mercredi 1t mars 2023, suite au dépôt du rapport final en fin 2022 de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation. Ceux relatifs au Centre pour la Promotion de la Paix et de l’Unité suivent le circuit d’adoption.
Au plan sécuritaire :
Le Secrétaire général reste préoccupé par la situation « sécuritaire volatile » dans le pays, particulièrement dans les régions de Ménaka et Gao, marquée par les activités criminelles des groupes terroristes le JNIM et I’EIGS contre les populations civiles et les FDSM.
Bien qu’il indique que « les Forces armées maliennes ont maintenu la cadence » en dépit des attaques dirigées contre elles par les groupes terroristes, comme les précédents, le présent rapport ne donne aucune indication sur les résultats encourageants et les progrès réalisés dans le cadre de la sécurisation du territoire et la protection des civils à travers le plan «MALIKO» et l’opération « Keletigui». Ces offensives menées durant la période sous examen ont favorisé l’amélioration de la situation sécuritaire à travers des escortes des transports en commun et patrouilles des FDSM sur les théâtres des opérations ainsi que la sécurisation des activités agro-pastorales dans les localités du Centre (Ségou et Mopti). Les grands chantiers de développement, à l’instar des routes Gomacoura-Léré et Nara-Mourdiah-Kwala sont davantage sécurisés. La réduction des conflits intercommunautaires alimentés par les groupes armés terroristes et la restitution de milliers de bétails aux autorités administratives et locales au profit de leurs propriétaires constituent également des critères de progrès réalisés dans la sécurisation du territoire, tout comme le soutien accru aux activités humanitaires, à l’image du transport aérien des personnes, des vivres, des produits pharmaceutiques et de l’assistance médicale.
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, on enregistre, pour la période sous examen, la neutralisation de centaines de terroristes ; l’interpellation et la mise à la disposition de la justice d’une soixantaine de terroristes; la destruction des sanctuaires terroristes notamment
dans la forêt de Ouagadou, dans la zone du Liptako Gourma, et les refuges dans le Delta Central ; la levée du blocus terroriste sur certaines localités, y compris à Songho, Marébougou et Farabougou ; la libération de localités de l’emprise terroriste notamment Ségindara,Tessit, Lelehoye, Tin Hama et Mondoro ; et la reddition volontaire de nombreux terroristes dans les régions de Douentza et Mopti.
Concernant la situation au Centre du pays, le Premier ministre, Docteur Choguel Kokalla MAIGA, a effectivement procédé au lancement officiel, le 17 mars 2023 à Mopti, de la Stratégie de stabilisation des régions du Centre qui ambitionne de faire du centre, une zone stable et prospère où les communautés sont réconciliées et vivent en harmonie entre elles-mêmes.
L’engagement du Gouvernement s’est traduit par la mobilisation, au niveau interne, de 205,5 milliards, représentant 25% du montant global pour la mise en œuvre de la Stratégie dans le cadre du plan d’action triennal (2022-2024). Le Mali manifeste ainsi, une nouvelle fois, son leadership en prenant toute sa part dans cette œuvre de sécurité nationale, régionale et internationale, à hauteur de ses moyens. Le gap de financement appelle un soutien international.
Comme indiqué par le Secrétaire général, la Stratégie enregistre déjà des résultats encourageants dans la mise en œuvre, notamment dans les régions de Mopti, San et Bandiagara.
S’agissant du rétablissement de l’autorité de l’Etat, le Gouvernement salue le fait que le Secrétaire général reconnaisse une augmentation de la présence de l’Etat durant la période sous examen.
Sur la situation des Droits de l’Homme :
Le rapport allègue que la MINUSMA a documenté et vérifié 224 cas de violations des droits de l’homme comprenant des meurtres (82 hommes, 5 femmes, 8 enfants), des blessés (38 hommes, 19 femmes et 30 enfants), des enlèvements ou disparitions (42 tous des hommes).
Il précise également que les groupes extrémistes violents et terroristes sont les principaux auteurs de violence contre les civils.
Concernant les cas imputés par le rapport aux FDSM, le Gouvernement déplore, une nouvelle fois, que le Secrétaire général ne fournisse aucun détail sur les lieux, les dates et les victimes alléguées de ces incidents, afin de permettre, à minima, de corroborer ces graves accusations ou, de manière impartiale, d’offrir aux Forces maliennes mises en cause, la possibilité de mener les enquêtes nécessaires.
Le Gouvernement regrette profondément cette démarche qui ne prend pas les précautions formelles et substantielles indispensables à la crédibilité d’allégations sérieuses qui, de par leur caractère répétitif et omettant constamment de fournir les éléments d’appréciation indispensables à un examen objectif des faits allégués, interrogent sur la motivation réelle des accusations, à ce stade, sans aucun fondement.
Pour rappel, les forces maliennes sont bien outillées en matière de Droits de l’Homme et des Droit international humanitaire. Ces notions sont enseignées aux recrues depuis la
Formation Commune de Base et approfondies lors de toutes les sessions de formations et exercices de pré-déploiement sur les théâtres d’opérations. Dans la dynamique de faire observer ces principes sur le théâtre des opérations, un détachement prévôtal est systématiquement désigné auprès de chaque groupement tactique, sous le contrôle d’un magistrat militaire (ou Conseiller juridique) désigné à cet effet.
Au paragraphe 50 de son rapport, le Secrétaire général indique que des violations des droits humains ont été documentées au cours des opérations militaires conduites par les FAMA, y compris avec l’appui du personnel de sécurité étranger et des chasseurs traditionnels «Dozo».
Cette allégation sans fondement est totalement contraire à la position que le Secrétaire général a exprimée à l’occasion de son entretien avec le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali en janvier 2023 à New York et réitérée lors de sa rencontre avec le Premier ministre du Mali, en mars 2023 à Doha (Qatar). En effet, au cours de ces rencontres, le Secrétaire général a clairement souligné que les relations entre le Mali et ses partenaires ne concernent pas l’Organisation des Nations Unies, car relevant du choix souverain de partenariat de chaque Etat membre. Il convient de rappeler que la République du Mali a des relations anciennes d’amitié et de coopération d’Etat à Etat avec la Fédération de Russie. Il y a lieu également de noter que les forces de défense et de sécurité maliennes opèrent de manière autonome et ne conduisent d’opération conjointe ni avec une compagnie de sécurité privée ni avec des forces non étatiques. Le manque de cohérence de cette allégation avec la position du Secrétaire général amène à s’interroger si le rapport provient véritablement de ce dernier.
Dans le domaine de la lutte contre l’impunité, la période sous examen a été marquée par la tenue régulière des audiences correctionnelles et criminelles des juridictions militaires. La condamnation, le 24 janvier dernier, par la Cour d’assises de Bamako, d’une personne reconnue coupable de l’attaque perpétrée contre des Forces de la MINUSMA le 22 février 2019, illustre, si besoin en était, l’engagement des autorités maliennes à traduire devant la justice les auteurs de crimes à l’encontre de la Force onusienne au Mali. Pour ce dossier comme pour d’autres, il est utile de noter que le temps de la justice diffère du temps médiatique et que le traitement professionnel des dossiers nécessite la sérénité et le temps appropriés.
Le Mali reste engagé à pleinement assumer sa responsabilité en ce qui concerne la protection des droits de l’homme, particulièrement en ce qui concerne ses propres populations. A cet effet, le cadre institutionnel s’est enrichi de la création, le 1er février dernier, de la Direction nationale des droits de l’Homme. Cette Direction a, entre autres, vocation à coordonner les politiques publiques des droits de l’homme et à veiller à la mise en place des mesures de prévention des violations et abus des droits de l’homme. Elle complète le dispositif national en la matière, aux côtés de la Commission nationale des droits de l’homme, dont il convient de reconnaitre, l’admission récente au Statut «A», gage de son professionnalisme et de son indépendance.
Au plan humanitaire, le Gouvernement poursuit des actions et programmes en vue d’offrir aux populations affectées un meilleur cadre de vie, notamment à travers la fourniture de services sociaux de base, conformément à la Politique nationale d’Action Humanitaire.
Le Gouvernement reste également convaincu que l’amélioration de la situation humanitaire est liée à la stabilisation du territoire à travers les opérations menées par les
FDSM qui ont favorisé également la réouverture des centaines d’écoles fermées pour raison d’insécurité dans les régions du Nord et du Centre.
De janvier à mars 2023, on enregistre le retour volontaire de milliers de déplacés internes et de réfugiés maliens dans leur localité d’origine et la reprise des activités agricoles.
Sur la question des défis opérationnels de la MINUSMA, le Secrétaire général continue de déplorer « les restrictions » imposées par les autorités maliennes au mouvement de la Mission.
Le Gouvernement note que durant la période sous examen, les demandes de mouvements de la MINUSMA sont satisfaites à plus de 75%. Contrairement à ce qui est véhiculé et qualifié de «restrictions des mouvements de la MINUSMA », les demandes de mouvements de la Mission non autorisées ne constituent pas des entraves à la liberté de mouvement de la Mission, dans la mesure où celles-ci ne respectaient pas la procédure convenue entre les deux parties. Le Gouvernement réitère ainsi son appel à la MINUSMA à se conformer aux conclusions des réunions du 15 novembre 2022 et du 18 janvier 2023.
Conclusion:
Le Gouvernement du Mali reste engagé et disponible pour la mise en œuvre diligente de l’Accord de paix qui demeure le cadre viable pour ramener la paix et la stabilité dans le pays et contribuer de manière croissante à faciliter le retour de l’Administration, la fourniture des services sociaux de base et le retour dans la sécurité et la dignité des déplacés internes et des réfugiés dans leur localité d’origine.
A cet égard, le Gouvernement réitère son appel aux parties signataires de l’Accord à rejoindre les travaux du CSA facilitant la poursuite du dialogue entre parties maliennes et de parvenir de manière consensuelle à la résolution des difficultés qui jalonnent le processus de paix.
Enfin, dans la perspective du renouvellement du mandat de la MINUSMA en juin prochain, bien que le rapport sur l’examen interne de la MINUSMA ne prend pas en compte les attentes, plusieurs fois exprimées, le Gouvernement reste ouvert au dialogue sur cette question spécifique.
Koulouba, 10 avril 2023