Ce 16 mai 2023, les Maliens commémorèrent la disparition de Modibo Kéita, premier président du Mali indépendant. 46 après sa mort, quelles sont les circonstances de son arrestation ? Comment est-il mort ? Quel héritage a-t-il laissé et que retiennent les Maliens de lui ? Eléments de réponse dans ce dossier que nous lui consacrons.
Pour certains historiens maliens, les circonstances de l’arrestation de Modibo Kéita restent toujours floues jusque-là. “Il y a toute une série d’histoires qui circulent autour des raisons profondes de l’arrestation de Modibo Kéita. Mais les militaires qui ont pris le pouvoir ont justifié leur action par la volonté de mettre fin à la dévalorisation de l’armée et aux restrictions des libertés symbolisées par les actions excessives de la milice populaire”, laisse entendre Boubacar Traoré, historien à la retraite.
Sous Modibo Kéita, l’US-RDA est devenu le seul parti politique au Mali se trouvant momentanément hissé sur la scène politique ouest-africaine. Modibo Kéita interdit toute opposition à son régime alors que Fily Dabo Sissoko est à la tête du Parti progressiste soudanais (PSP). Ce dernier s’oppose dès le départ à l’option socialiste prônée par Modibo Kéita. Il est emprisonné en 1962 pour s’être opposé à la création du franc malien.
Condamné à mort pour tentative de déstabilisation de l’Etat, il voit sa peine commuée en prison à perpétuité. Il purge sa peine dans un pénitencier près de Kidal où il meurt dans des conditions mystérieuses en 1964. Plus la situation politique sous Modibo devient tendue, plus il enchaîne les erreurs, selon Boubacar Traoré. “Le président Kéita a dissous unilatéralement l’Assemblée nationale un an avant la date normale de son renouvellement et décide de gouverner désormais par ordonnance et cette situation crée des tensions au sein de son propre parti”, ajoute notre historien à la retraite.
Mais ce sont les événements du 19-20 juin 1968 qui vont tout basculer. De graves incidents surviennent à Ouéléssébougou. Des paysans mécontents refusent de verser les “contributions volontaires”, de participer aux “travaux d’investissement humain” et de livrer du mil à l’Opam, l’organisation qui a le monopole de la commercialisation des produits agricoles.
Certains sont arrêtés, mais l’émeute se déclenche et on les libère. Les heurts font deux morts et de nombreux blessés. L’épisode rend compte du mécontentement général de la population et du développement d’une forte opposition populaire au régime de Modibo. Cette situation combinée à la grave crise économique et sociale attise les tensions et pousse l’armée à franchir le Rubicon.
Un groupe de militaires formé de quatorze officiers renverse Modibo Kéita. Le 19 novembre 1968 alors que le président revient d’une tournée à l’intérieur du pays, des militaires stoppent son convoi à Kayo, à quelques kilomètres de la rentrée de Bamako. Il est amené dans la capitale. Les auteurs du changement de régime sont au nombre de quatorze (14) officieux subalternes, s’organisent au sein d’une instance appelée Comité militaire de libération nationale présidé par le lieutenant Moussa Traoré.
“Au début, les 14 officieux subalternes demandent à Modibo de mettre un terme à sa politique socialiste et de remplacer ses collaborateurs, mais il refuse, arguant qu’il était démocratiquement élu sur un programme socialiste”. Devant son refus, la nouvelle équipe dirigée par le lieutenant Moussa Traoré annonce la chute du régime de Modibo Kéita.
Modibo Keita est arrêté et déporté entre Kidal, Taoudénni et Gao avant d’être ramené à Bamako dans la caserne de commandos parachutes où il meurt en détention le 16 mai 1977.
Ousmane Mahamane
Source: Mali Tribune