Les chances d’aboutir à un accord sur le budget pluriannuel de l’UE semblaient faibles vendredi à la reprise du sommet extraordinaire entre les dirigeants européens à Bruxelles, après une première nuit de consultations compliquées.
Les 27 attendaient toujours vendredi matin de savoir si une nouvelle proposition chiffrée leur serait soumise pour tenter de sortir de l’impasse.
“Vous me demandez si nous allons résoudre la totalité de la discussion sur le budget ce week-end? Non, je ne le pense pas”, a tranché à son arrivée la Première ministre danoise Mette Frederiksen.
Avec l’Autriche, la Suède et les Pays-Bas, son pays fait partie du groupe des “frugaux”, qui affichent un front commun solide pour défendre un budget limité à 1% du revenu national brut de l’UE.
“Nous avons été très clairs depuis le début: nous n’allons pas payer l’addition”, a martelé le diplomate d’un de ces pays.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, des discussions bilatérales ont été menées par le président du Conseil Charles Michel. Le sommet devait reprendre dans la matinée avec une nouvelle table ronde où se retrouveront l’ensemble des dirigeants.
M. Michel doit encore décider s’il présente une nouvelle proposition chiffrée. Mais compte tenu des profondes divergences entre les 27, il n’est pas certain qu’il soit en mesure de le faire, a confié à l’AFP le représentant d’une délégation.
Un autre sommet spécial serait alors nécessaire, peut-être pas avant le mois d’avril, selon une source diplomatique. L’espace pour un compromis dès le sommet actuel semble en tout cas “très limité”, a estimé cette source.
– La PAC “attaquée” –
Chaque pays a exposé jeudi ses priorités, ses lignes rouges et ses marges de manœuvres à Charles Michel, dont la mission est de trouver un consensus.
“Le montant global du budget a été fortement attaqué par les pays du nord, et la PAC (politique agricole commune) spécifiquement”, a-t-on souligné dans l’entourage de la présidence française.
A deux jours du Salon de l’Agriculture à Paris, le président Emmanuel Macron était arrivé jeudi au sommet en se disant prêt à “se battre” pour la PAC.
Le ministre français de l’Agriculture a affirmé vendredi que la France avait “obtenu” un maintien du budget actuel pour cette politique “historique” dans la construction européenne, mais de manière prématurée.
“Rien n’est fait, aucun montant n’est acté. La PAC a été attaquée par plusieurs pays. C’est notre priorité donc on se bat”, a rectifié une source diplomatique française.
De leur côté les “frugaux” souhaitent, avec l’Allemagne, une répartition des ressources plus favorables aux nouvelles priorités (recherche, défense, protection des frontières extérieures…).
Les 27 doivent trouver un compromis sur le niveau global du budget (2021-2027), ainsi que sur sa répartition entre les différentes politiques de l’UE, tout en tenant compte du “trou” laissé par le départ des Britanniques, contributeurs nets.
– Mille milliards d’euros –
Le Brexit a compliqué la donne de cette négociation, qui a lieu tous les 7 ans. En raison du divorce, le budget 2021-2027 devra se passer d’une somme estimée entre 60 et 75 milliards d’euros sur sept ans.
La proposition de compromis de Charles Michel discutée depuis jeudi représente 1,074% du RNB, soit 1.094 milliards d’euros.
L’Allemagne a indiqué qu’elle n’était “pas satisfaite” de cette proposition “parce que l’équilibre entre les contributeurs nets (qui payent plus qu’ils ne reçoivent) n’a pas encore été correctement négocié”, avait affirmé à son arrivée Angela Merkel.
Autre politique dite “traditionnelle”, la politique de cohésion (l’aide aux régions les moins développés) se trouve elle aussi sous pression.
La cohésion et la PAC mobilisent environ 60% du budget. Mais ces deux enveloppes accusent une baisse globale d’une centaine de milliards d’euros par rapport au précédent budget (2014-2020) dans le compromis de Charles Michel.
Une quinzaine de pays de l’Est et du Sud, dont l’Espagne, la Pologne et la Grèce, réunis au sein des “amis de la cohésion”, refusent une baisse du financement de cette enveloppe.
Les rabais, dont bénéficient aujourd’hui cinq pays – Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Autriche et Suède – sont un autre sujet de contentieux.
Leur montant est de 5 milliards d’euros par an. Mais les pays bénéficiaires sont sous la pression de leurs Parlements, aux majorités fragiles, qui refusent de renoncer à cette disposition.
Les autres capitales, France en tête, voudraient y mettre fin à la faveur du départ du Royaume-Uni, pays qui a imposé cette pratique.
Le président du Parlement européen, l’Italien David Sassoli a aussi fait entendre sa voix, jugeant la proposition de Charles Michel “inacceptable”. Or tout accord devra être voté par les eurodéputés.
AFP