Alors que l’argent s’invite dans la campagne, décryptage philosophique et historique de ses relations avec la politique.
La philosophie, depuis les Grecs, s’est attachée à éclairer les relations entre passion pour l’argent et exercice du pouvoir. Au livre III de La République, Platon pose les termes de l’antagonisme entre amour du gain et gouvernement juste : « Le fait d’élire l’argent comme bien suprême corrompt l’âme et est incompatible avec la vertu, explique la philosophe Corine Pelluchon.
L’individu est tyrannisé par des désirs non naturels et nécessaires, dévoré par des passions tristes comme le ressentiment, la haine, car il n’a jamais assez d’argent et les autres en ont trop. Il n’y a plus aucune limite à ses désirs ; l’amour de l’argent destitue l’amour de la vérité et de la justice, instrumentalisant la raison et rendant l’individu instable. Un tel être ne peut ni se gouverner soi-même ni gouverner autrui de manière juste. » La relation à l’argent dessine ainsi différents régimes politiques, du plus souhaitable au plus redoutable. « C’est la dévotion à l’argent qui déclenche le passage de la timocratie (régime de l’honneur) à l’oligarchie, puis à la démocratie et à la tyrannie, poursuit la philosophe. Ces trois régimes ont en commun ce même amour de l’argent. Mais, alors que l’oligarque est parcimonieux, son fils, le démocrate ne maîtrise plus ses désirs. Le chaos engendré dans la Cité explique le succès du tyran qui opposera à ce désordre un semblant d’ordre ou un ordre monstrueux. »
Le chemin vers la démocratie serait pavé de bonnes élections. Sur ce point, l’Afrique vote massivement. La gouvernance qui en résulte est supposée garantir une régulation du système social par un jeu de normes stables et non négociables. Mais de nombreuses mises en garde s’imposent. La qualité des processus électoraux demeure en effet suspecte au Mali où ces procédures sont toujours entachés de fraudes et d’irrégularités, en raison de la généralisation des pratiques d’achat de votes, de trucage, de la faiblesse ou de la partialité des organes de gestion des élections ou des contestations des résultats. En fin de compte, le vote n’est pas la démocratie. Mais il peut y contribuer.
Assi de DIAPE
Source: Le Point