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VOTE : Le Mali s’accroche à ses législatives malgré l’insécurité et le coronavirus

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Difficile d’imaginer pire timing pour organiser un scrutin national. Le jour où le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, annonçait le maintien des élections législatives, mercredi, les premiers cas de personnes atteintes de coronavirus étaient enregistrés à Bamako et Kayes, la grande ville de l’ouest du pays. Quelques heures plus tard, le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, était enlevé sur une route de la région de Niafunké, dans le Nord, où il menait campagne.

Le garde du corps du président de l’Union pour la république et la démocratie (URD) a été tué par les ravisseurs tandis que deux de ses accompagnateurs, au moins, ont été blessés au cours du rapt. Soumaïla Cissé, candidat malheureux du second tour de la présidentielle de 2018, et six membres de sa délégation «sont au Mali, en bonne santé», a toutefois précisé un porte-parole de son parti lors d’une conférence de presse. «Ils ont été kidnappés par un groupe armé encore non identifié.»

«Scrutin illusoire»

L’insécurité qui prévaut au nord et au centre du Mali rend la campagne «très compliquée» et l’organisation d’un scrutin libre et transparent «illusoire», se désole un député sortant, candidat à sa réélection.

Une large partie du territoire est en proie à des violences jihadistes ou intercommunautaires quasiment quotidiennes et plus de 350 000 personnes ont fui leur domicile. «Dans certains villages, il faut négocier avec les groupes armés ou d’autodéfense simplement pour coller une affiche, explique-t-il. Les cartes d’électeurs ne peuvent pas arriver partout, je ne vous parle même pas de l’observation des résultats.»

Le vote de dimanche, qui vise à renouveler les 147 sièges de l’Assemblée, avait déjà été reporté plusieurs fois. Le recensement des premiers cas de personnes atteintes de Covid-19 renforce les doutes sur son bien-fondé, alors que le président de la République vient d’instaurer un couvre-feu et d’interdire les rassemblements de plus de 50 personnes.

Sur les quatre cas de coronavirus confirmés jeudi, trois sont «importés» de France. Mais les malades ont circulé dans le pays avant d’être testés positifs. Le dernier, un homme de 59 ans, n’a pas voyagé à l’extérieur du Mali. Aucun ne présente actuellement des signes de détresse respiratoire.

«Nous sommes engagés dans une course contre la montre, explique à Libération le ministre de la Santé, Michel Hamala Sidibé. Nous menons une investigation rapide pour identifier toutes les personnes avec qui ils ont été en contact. Depuis un mois, nous anticipons. Nous avons essayé de mettre en place un système d’alerte précoce et de suivi dans les centres de santé communautaires.»

 

Chacun le sait : les structures hospitalières, moins nombreuses et surtout moins équipées que celles de l’Europe, risquent d’être rapidement débordées en cas de progression de l’épidémie. Le Mali dispose de 27 lits en soin intensifs et «200 lits avec une prise en charge en oxygène pourraient être mobilisés dans des brefs délais», précise le ministre, qui s’inquiète aussi du faible nombre de tests disponibles : 2 500 actuellement.

«Ebola revient»

«Notre système de santé est très fragile. Et ici, la promiscuité, dans les transports, dans les maisons, est beaucoup plus forte qu’en Europe. Mais ce qui va aider, c’est le comportement de la population, estime Aly Barry, spécialiste en santé publique. Les Maliens ont conscience de la réalité du virus, de sa dangerosité. Tout le monde a en tête Ebola.

On entend beaucoup: “Ebola revient avec un autre nom”, même si les gens disent que la maladie est moins humiliante qu’Ebola car elle ne donne pas la diarrhée.» Pour le chercheur, la décision de maintenir les élections, comme en France avec les municipales du 15 mars, est «inappropriée». «De la même façon, ce couvre-feu est étrange. A quoi sert-il ? La nuit, 90% de la population malienne est chez soi. Le virus ne se déplace pas que la nuit !»

En 2013, le taux de participation officiel des élections législatives avait été de 38%. A l’époque, les jihadistes, chassés par l’opération Serval, ne contrôlaient aucune portion du territoire, un sursaut démocratique agitait Bamako après le coup d’Etat de l’année précédente, et personne n’avait jamais entendu parler d’une maladie appelée coronavirus. Ce dimanche, le taux de participation risque lui aussi un effondrement.

Célian Macé

Libération

SourceLe républicain mali

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