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Au Mali, selon Cheick Oumar Sissoko, “le régime d’Ibrahim Boubakar Keïta est à la dérive, pour le malheur des Maliens”

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La contestation au Mali maintient la pression sur le pouvoir. Une nouvelle manifestation aura lieu ce vendredi 10 juillet, avec toujours la même exigeance : la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta. Ce dernier a renouvelé son offre de gouvernement national lors d’une récente rencontre avec l’opposition. Offre repoussée. Que veulent ses opposants ? Jusqu’où iront-ils ? Nous avons interrogé Cheick Oumar Sissoko, cinéaste renommé, ancien ministre de la Culture, aujourd’hui coordinateur du mouvement de la société civile, Espoir Mali Koura (EMK).

TV5MONDE : Le président Ibrahim Boubacar Keïta a indiqué ce mardi qu’il pourrait nommer au Sénat les candidats malheureux qui briguaient un siège de député aux récentes élections. Quelle est votre réaction ?

Cheik Oumar Sissoko : C’est la preuve une fois encore que nous avons raison de demander son départ. Il vient de montrer qu’il dispose entièrement des institutions. Premièrement, il reconnait que les élections ont été bâclées. Il reconnaît la légitimité de ceux à qui il a proposé des postes au futur Sénat. Deuxièmement, il décide tout seul à qui il va donner ces sièges. Il reconnait donc que les candidats spoliés ont raison.

La Constitution qui doit être révisée pour introduire le Sénat, doit nécessairement préciser comment les sénateurs seront désignés. C’est pathétique ce que nous avons vu mardi ! Et ce n’est pas dans le respect des fondements démocratiques. Est-ce à dire que c’est lui qui va imposer les règles de fonctionnement du Sénat dans la prochaine Constitution ? Il n’y a pas de séparation des pouvoirs. Il est l’exécutif mais il peut aussi être le législatif et le judiciaire. C’est un aveu de sa part : cela montre qu’il ne respecte pas la forme républicaine de l’Etat.

Un gouvernement d’union nationale, ça ne réussit pas. Nous devons avoir beaucoup plus d’ambition pour le continent !
Le Président IBK a aussi proposé en fin de semaine dernière la constitution d’un gouvernement d’union nationale. Là aussi vous pensez que c’est une mauvaise idée ?

Le gouvernement d’union nationale est une recette galvaudée sur le continent. Elle a été tellement proposée quand un peuple conteste un régime dictatorial ou un régime qui n’arrive pas à gérer convenablement la vie publique. Et lorsque cela a été accepté, cela a permis aux régimes dictatoriaux de reculer pour mieux sauter et peu de temps après d’éjecter tous les participants au gouvernement d’union nationale. Ça ne réussit pas. Nous devons avoir beaucoup plus d’ambition pour le continent.
Regardez combien de pays végètent car a été proposée cette recette qui n’est absolument pas miraculeuse et qui ne participe pas au changement auquel s’attendent les populations africaines. M5-RFP n’accepte pas cette solution qui est éprouvée.

Une nouvelle manifestation a lieu ce vendredi 10 juillet. A quel rythme souhaitez-vous manifester. Jusqu’où irez-vous ?

L’article 121 de la Constitution autorise le peuple qui est souverain à la désobéissance civile si la forme républicaine de l’Etat n’est pas respectée. Nous irons jusqu’à la démission du président. En fait nous voulons que tout le système économique, politique et social mis en place – qui n’assure plus un mieux-être des populations et la sécurité du pays – soit mis à la porte.

“Détermination”
Les responsables du mouvement de contestation du 5 juin – M5-RFP- ont rencontré dimanche 5 juillet le président malien Ibrahim Boubakar Keïta. Cette coalition de responsables religieux et de personnalités de la société civile et du monde politique, réclame depuis des semaines la démission du chef de l’Etat, au pouvoir depuis 2013. La rencontre qui se voulait au départ constructive a tourné court et le mouvement a réaffirmé dans la foulée “sa détermination à obtenir par les voies légales et légitimes la démission pure et simple” d’IBK.

Vous voulez aller plus loin que la démission du Président IBK et vous souhaitez un changement radical des institutions maliennes ?

Nous voulons mettre en place une transition qui va déterminer l’avenir économique, politique et social du Mali. Tous les Maliens vont être associés à cela. Nous allons organiser des concertations nationales durant la période de transition que nous souhaitons mettre en place. Elles vont discuter des problèmes du Mali, dégager des priorités et mettre en place les organes de la transition. Ce sera une décision unanimement acceptée afin de renforcer la démocratie.

Vous appelez à une démocratie plus participative ?

Ce serait la meilleure forme mais ce n’est que mon avis personnel. Le principe est simple : les élus doivent travailler au compte-rendu de leurs actions auprès de la base, expliquer leurs actions. Le peuple doit savoir ce qu’il se passe dans le pays. Il doit y avoir un aller-retour pour amener les idées de la base vers l’assemblée de transition afin que l’on puisse se saisir des besoins profonds de la population malienne.

Nous allons réussir à convaincre la communauté internationale si ce n’est pas déjà fait.
Quel rôle peut jouer la diaspora malienne ?

Elle joue déjà un rôle énorme car elle est mobilisée, sur tous les continents où elle se trouve, par son apport intellectuel, les réflexions qu’elle produit, le soutien matériel et financier, sa mobilisation au Canada, aux Etats-Unis ou en France… C’est un vivier de gens pétris de connaissances et de savoir-faire lié à la situation des pays dans lesquels ils se trouvent. Ils peuvent jouer un rôle aussi avec leur participation aux organes de la transition. Aujourd’hui, nous tenons à ce que toutes les catégories sociales du Mali et de la diaspora soient associées afin que les Maliens soient au centre de tous les programmes de développement futurs.

Le président malien est soutenu par la communauté internationale, n’est-ce pas un obstacle ?

C’est beaucoup dire qu’il est soutenu par la communauté internationale. Elle a le souci des règles établies sur le plan international. Et ces règles établies disent que c’est un président qui a été démocratiquement réélu, en 2018. Il importe donc de le laisser finir son mandat…. Mais nous sommes aussi en contact avec la communauté internationale et nous rendons compte de la situation explosive au Mali : toute la détresse du peuple malien, le pays est en train d’être gagné par les terroristes et le régime – à tous les niveaux – ne respecte pas la Constitution, la corruption est énorme, les ressources de l’armée sont détournés… et toutes les institutions sont entre les mains du président de la République. Nous allons réussir à convaincre la communauté internationale si ce n’est déjà fait.

N’avez-vous pas peur que les manifestations déstabilisent un peu plus le Mali déjà en proie aux violences djihadistes ?

Absolument pas. Tous les Maliens conviennent qu’il faut un changement. Il suffit de voir le monde qui se rassemble à la place de l’Indépendance (au centre de Bamako, NDLR). Imaginez le nombre de personnes qui sont à domicile, qui n’ont pas les moyens de se déplacer et qui n’en pensent pas moins. Evidemment il y a aussi ceux qui soutiennent le régime en place mais c’est une minorité. Ils ont du mal à se mobiliser. La seule fois qu’ils ont réussi à le faire c’était au palais des sports de Bamako, fin juin, et ils étaient eu nombreux.

Vous avez évoqué la concentration des pouvoirs, la corruption… diriez-vous que le régime malien aujourd’hui est à la dérive ?

Le régime malien est à la dérive, pour le malheur des Maliens. Les institutions ne sont pas respectées. La Constitution est violée. Et l’argent est constamment détourné. Cette gabegie est montrée avec tellement d’ostentation. Trop c’est trop. Je ne dis pas que ce régime n’a rien fait mais il a montré aujourd’hui ses limites. Ce qu’il se passe pour l’armée est extrêmement grave. Nos militaires sont envoyés au front et ils servent de chair à canon. Ils n’ont ni les moyens militaires, ni les moyens de vivre décemment. Tout manque : les fusils et les munitions, le bon matériel de transport, la couverture aérienne car les avions et les hélicoptères sont cloués au sol… et ça la communauté internationale et les bailleurs de fond du Mali le savent.

Source : TV5

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