Accueil Politique IBK – CNSP – CEDEAO: ce qu’il faut taire…

IBK – CNSP – CEDEAO: ce qu’il faut taire…

209
0
PARTAGER

Dans un entretien réalisé ce mercredi 26 août 2020 par Kaourou MAGASSA, correspondant de TV5-MONDE au Mali et diffusé ce même mercredi, le colonel-major Ismaël WAGUE, porte-parole du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) a affirmé : « l’ancien Président a dit clairement qu’il a démissionné sans pression, de façon spontanée. Et la vacance du pouvoir a été constatée. Ça veut dire tout simplement qu’on n’est pas dans l’architecture d’un coup d’Etat. En principe les chefs d’Etat de la CEDEAO ne devraient pas mettre en place les sanctions par rapport à ça. Ensuite il y a la liesse populaire. C’était un soulagement pour la population après ce changement qu’il faut prendre en compte.»

Comme tout bon porte-parole, le Colonel-major Ismaël WAGUE a le nez un peu trop dans ses éléments de langage. Il est excellent dans l’exercice.
Il faut dire aux Maliens que la CEDEAO fait de l’ingérence dans les affaires internes du Mali, expliquer à satiété qu’elle n’avait aucun droit, en tout cas, aucune légitimité surtout obligation de sanctionner et de mettre notre pays sous embargo avec tous les problèmes qu’on connaît déjà. Il faut dire et redire, (la répétition étant pédagogique) et le rappeler (« Et le rappel profite aux croyants ») qu’il n’y a pas eu de coup d’Etat au Mali, que le Président n’a pas été renversé, qu’il a démissionné de son plein gré…
Mais, c’est là où la musique communicationnelle devient moins poétique voir un peu injurieuse pour l’intelligence. Parce que la mélodie trompeuse et manipulatrice bute sur les faits qui sont têtus.

De la com à l’intox
Lorsque le porte-parole officiel des tombeurs du Président IBK regroupés au sein du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) affirme haut et fort, la main sur le cœur, avec un faciès angélique, que «l’ancien Président (IBK) a dit clairement dit qu’il a démissionné sans pression, de façon spontanée. Et la vacance du pouvoir a été constatée », on est tenté a priori de la croire. Mais sauf que déclaration n’est soutenue par aucun preuve. En effet il est aisé pour la junte de montrer à la télé le président IBK disant ce qu’on lui fait séquentiellement sur les réseaux (« min yé min tigui la yé). Avec les déclarations périodiques qu’on ne cesse de rechasser sur le caractère volontaire de la démission du président IBK enregistré nuitamment dans une caserne, il est clair qu’on n’est plus dans la communication de crise, mais la désinformation dans tous ses états.
En effet, il faut donner acte au porte-parole de la Junte quand il dit que le président n’a pas démissionné le pistolet sous tempe. Nulle mention nulle part ne fait état d’une quelconque violence ou brutalité physique sur le président IBK âgé de 75 ans. Sauf à partager avec le bon sens que la démission volontaire d’un chef d’Etat, idéalement ne se fait pas nuitamment dans une caserne. Mais on veut nous faire croire que le Vieux (Boua) a pris sa voiture la nuit pour aller à Kati rendre de lui-même sans contrainte sa démission.
Les faits se sont passés, presqu’en direct sur les réseaux sociaux. Dans une partition putschiste bien connue, un commando surarmé vient cueillir le Président chez lui, l’amène sans son avis et consentement (même si on dit que cela a été fait dans l’élégance martiale et le respect dû à son âge) dans une caserne militaire et lui demande de démissionner…
Prenant acte de l’intervention de l’armée pour mettre fin à son mandat, et voyant qu’il n’a d’autre choix que de se plier, le vieux président (Boua comme on l’appelle) quitte toutes ses fonctions avec toutes les conséquences de droit. «Si aujourd’hui, il a plu à certains éléments de nos forces armées de conclure que cela devait se terminer par leur intervention, ai-je réellement le choix de m’y soumettre». Avant d’ajouter : «car, je ne souhaite qu’aucun sang ne soit versé pour mon maintien aux affaires.
C’est pourquoi je voudrais en ce moment précis tout en remerciant le peuple malien pour son accompagnement le long de ces longues années, la chaleur de son affection, vous dire ma décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions à partir de ce moment, et avec toutes les conséquences de droit, la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement. Qu’Allah aide et bénisse le Mali ! Je n’éprouve aucune haine vis-à-vis de personne, mon amour pour mon pays ne me le permet pas. Que Dieu nous sauve. Merci» Voici ce qu’il a dit exactement. Et ça, c’est loin de vouloir dire comme le dit le porte-parole de la junte «qu’il a démissionné sans pression, de façon spontanée ».

La vacance dans tous ses états
Le Colonel-major, certainement mal coaché par tous ces grands spécialistes cachés de la Communication, va trop loin quand il dit : «et la vacance du pouvoir a été constatée ». La question est quand, où et dans quelle forme la vacance du pouvoir a été constaté ? En tout cas pas dans la forme et en le lieu qu’indique la Constitution du 25 février qui n’est pas suspendue, et qui nous donne encore la liberté d’opiner.
Est-ce une simple bourde ou des éléments de langage toxiques qu’un de ces excellents conseillers a glissé au Colonel-Major Ismaël WAGUE ? Voyons ce que préconise en la matière l’article 36 de la Constitution de notre pays : ‘’lorsque le Président de la République est empêché de façon temporaire de remplir ses fonctions, ses pouvoirs sont provisoirement exercés par le Premier Ministre. En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour Constitutionnelle saisie par le Président de l’Assemblée Nationale et le Premier Ministre, les fonctions du Président de la République sont exercées par le Président de l’Assemblée Nationale. Il est procédé à l’élection d’un nouveau Président pour une nouvelle période de cinq ans. L’élection du nouveau Président a lieu vingt et un jours au moins et quarante jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l’empêchement. Dans tous les cas d’empêchement ou de vacance il ne peut être fait application des articles 38, 41, 42 et 50 de la présente Constitution’’.

Comment, où et quand le Président de l’Assemblée nationale, Moussa TIMBINE et le Premier ministre, Boubou CISSE ont-ils pu de leur lieu de sécurisation s’entendre pour saisir conjointement la Cour constitutionnelle pour constater la vacance du pouvoir sans rendre un arrêt comme en 2012 ?
Si l’on en croit le porte-parole du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), le Colonel-Major Ismaël WAGUE, de deux choses l’une :
-Pour que la démission du Président soit valable et entérinée par la Cour il aurait fallu que la vacance soit constatée par la Cour constitutionnelle (ce qui n’es pas le cas) saisie par le président de l’Assemblée nationale, Moussa TIMBINE et le Premier ministre, Boubou CISSE. Dans ces conditions, les fameuses conséquences de droit rattachées à cette démission énoncées par le Président IBK dans sa déclaration à la télévision nationale, à savoir ‘’la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement’’ sont nulles et de nul effet. Parce que simplement il ne peut pas, étant démissionnaire, dissoudre l’Assemblée nationale et le gouvernement de la République du Mali. Aussi si comme veut le faire croire la Junte et son porte-parole il n’y a pas eu de coup d’Etat et la démission a été volontaire et la vacance du pouvoir constatée, le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) n’a rien à faire sur la scène politique ; il doit se retirer dans ses quartiers et laisser le jeu constitutionnel se poursuivre. Dans cette hypothèse « les fonctions du Président de la République sont exercées par le Président de l’Assemblée Nationale », Moussa TIMBINE.
-Pour que la fable de la Junte prospère, il faudrait accepter alors contrairement à ce qui est présenté jusqu’ici qu’il y ait eu un coup d’Etat, ne serait-ce que constitutionnel. Comme ça, le Président IBK ait dissout d’abord (le 18 août) l’Assemblée nationale et le Gouvernement avant de rendre sa démission diffusée le 19 aout à la télé. C’est l’histoire qu’on tente d’accréditer officiellement.
Or chacun sait que dans le système politique de la cinquième République le président ne peut pas démettre le Premier ministre en raison de l’article 38 de la Constitution qui dit : ‘’le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions. Et suivant l’article 42 de la même Constitution, le Président de la République ne peut, prononcer la dissolution de l’Assemblée Nationale qu’après consultation du Premier Ministre et du Président de l’Assemblée Nationale.
Comment ces chefs d’institutions qui ont refusé de démissionner et ont tout fait pour se maintenir ont-ils pu par un coup de baguette magique renoncer à leur charge ? Et IBK, et Boubou CISSE et Moussa TIMBINE chacun était à un moment une partie de la solution du problème politique. Chacun d’eux avait été sollicité pour démission et chacun avait refusé de démissionner. IBK par le peuple de l’Imam, Boubou CISSE par l’Imam lui-même et une bonne partie de la classe politique et Moussa TIMBINE par la CEDEAO et une partie de la classe politique.

L’équation reste insoluble
Prenons le pari de croire à la junte qui a renversé le régime et qui a détenu une semaine durant ces trois chefs d’institutions à travers un euphémisme insultant (pour leur sécurisation) lorsqu’elle dit que le Président IBK n’a pas démissionné le pistolet sous la tempe, même si ce dernier dit qu’il n’avait pas le choix. De la même manière supposons à travers le scénario que les putschistes nous vendent depuis le 19 août au petit matin que le Premier ministre Boubou CISSE et le président de l’Assemblée nationale Moussa TIMBINE ont accepté de bonne grâce la dissolution de leur institutions, restera tout de même un gros problème.
En effet, ‘’la vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour Constitutionnelle saisie par le Président de l’Assemblée Nationale et le Premier Ministre’’ et ‘’la dissolution de l’Assemblée Nationale après consultation du Premier Ministre et du Président de l’Assemblée Nationale’’ entrainent obligatoirement la mise en œuvre des article 36 et 42 de la Constitution du 25 Février qui imposent des élections anticipées , suivant la règle 21-40 :
-dans le cas du président de la République : ‘’Il est procédé à l’élection d’un nouveau Président pour une nouvelle période de cinq ans. L’élection du nouveau Président a lieu vingt et un jours au moins et quarante jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l’empêchement’’ (article 38).
-dans le cas du Président de l’Assemblée nationale ‘’les élections générales ont lieu vingt et un jour au moins et quarante jours au plus, après la dissolution. L’Assemblée Nationale ne peut être dissoute dans l’année qui suit ces élections’’ (Article 42).
Notre pays est-il aujourd’hui en position, territorialement, économiquement et politiquement, de tenir ce challenge constitutionnel ? Un carcan rigide dans lequel les acteurs du coup d’Etat se sont enfermés par déni en se refusant de suspendre la Constitution, mais en prenant de fait le contrôle de l’Etat. En affirmant avoir acté la vacance du pouvoir, la junte, à travers son porte-parole, s’emprisonne davantage dans le carcan constitutionnel qui l’oblige de mettre Moussa TIMBINE en selle comme Président de la Transition ne serait-ce que pour 40 jours. Parce qu’on ne saurait vouloir une chose et son contraire. Soit on accepte qu’il s’agit bien d’un coup d’Etat, soit on laisse libre cours aux mécanismes prévus par la Constitution qui, rappelons-le, n’a pas été suspendue. Et elle dit bien que dans ce cas la continuité de l’Etat est assurée par le Président de l’Assemblée nationale, qui est l’honorable Moussa TIMBINE.

Affaire à suivre.

Source : INFO-MATIN

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here