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Au Nigeria, le Covid-19 donne un nouvel élan à la défense du pangolin

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La forte attention portée sur le pangolin, en raison de la pandémie de Covid-19, a renforcé la prise de conscience, sur le plan international, de la nécessité de protéger cette espèce en danger. Au Nigeria, principal carrefour mondial du trafic de l’animal, malgré les résistances culturelles, les défenseurs du pangolin se sentent renforcés et plaident plus facilement contre son exploitation.

Le campus de l’Université d’Ibadan est loin de son agitation habituelle. Ce haut lieu du savoir et de l’excellence est une ruche en temps normal. Une ville autonome dans l’une des plus étendues métropoles africaines. Cette année, la trêve estivale y est d’un calme olympien. Depuis le deuxième trimestre de 2020, enseignants et étudiants ont déserté largement les amphis, les salles de travaux dirigés et les laboratoires pour cause de pandémie de Covid-19.

Seuls quelques personnels administratifs et techniques arpentent encore les allées des départements silencieux. Pourtant, la professeure Olajumoke Morenikeji met un point d’honneur à venir au moins deux fois par semaine. « J’ai lancé une recherche de terrain avec un groupe d’étudiants, indique-t-elle, nous allons dans la forêt d’Omo, dans l’État d’Ogun. On observe sur le terrain des pangolins. Il y a quatre espèces en Afrique, ils ont quatre espèces en Asie. Sur les quatre espèces africaines, deux sont maintenant en voie de disparition. »

« Je vivais chaque mort de pangolin comme un drame personnel »

C’est presque par hasard que cette experte en zoologie est devenue l’une des plus grandes spécialistes nigérianes du pangolin, un animal dont la viande est très recherchée en Asie ainsi que ses écailles pour de présumées vertus médicinales. Longtemps directrice du zoo universitaire d’Ibadan, la seconde ville du Sud-Ouest, elle est confortée dans sa mission par la capacité de ses équipes à élever et préserver divers animaux dans les enclos. La diversité de cette faune est la source du succès populaire de ce parc animalier. Pourtant année après année, elle se rend à l’évidence : le pangolin est la seule espèce à mourir au bout de quelques jours de captivité.

En 2016, elle décide donc de se remettre en cause et d’étudier spécifiquement ce mammifère myrmécophage, se nourrissant de fourmis comme le tatou. « Je vivais chaque mort de pangolin comme un drame personnel. Finalement j’ai compris que le pangolin était un animal solitaire. Incapable de survivre en dehors de son habitat naturel. Ce fut comme une révélation. En poussant mes recherches, j’ai découvert que le pangolin était en voie d’extinction sur la planète », détaille la professeure Morenikeji.

Un espace naturel protégé dédié aux pangolins

Toujours cette même année, un peu plus de trois tonnes d’écailles de pangolin sont saisies en Chine, en provenance du Nigeria. Il s’agit à l’époque de la plus grosse prise jamais effectuée dans le pays. L’enseignante lance alors un programme de conservation avec le soutien de son université. Elle se voit octroyer plusieurs hectares d’un premier terrain dans une zone forestière à proximité d’Ibadan.

Un espace naturel protégé qu’elle dédie aux pangolins subsistant encore au Nigeria : le pangolin terrestre creuse des terriers, alors que le pangolin arboricole grimpe aux arbres. « Le pangolin géant a quasiment disparu, ici dans le sud-ouest du pays. Il est beaucoup plus gros et grand que les autres catégories de pangolins. Il a parfois la taille d’un chien moyen. En plus, il se tient sur ses deux pattes arrières. Le dernier spécimen aurait été vu ici il y a 20 ans », explique l’enseignante activiste.

La professeure Olajumoke Morenikeji  dans un laboratoire du département  zoologie à l'Université d'Ibadan.
La professeure Olajumoke Morenikeji dans un laboratoire du département zoologie à l’Université d’Ibadan. RFI/ Moïse Gomis

Tout près de Addo Road à Ajah, à quelques dizaines de mètres de la lagune de Lagos, un bâtiment se distingue par les sons émis, par intervalle plus ou moins régulier, par des animaux : le Saint Mark Animal’s Hospital and Shelter. Au milieu d’une zone résidentielle, le Dr Mark Ofua et son équipe de cinq personnes se relaient jour et nuit pour soigner chiens, chats ou encore perroquets. Mais aussi souris, serpents. Un bébé pangolin et un pangolin adulte comptent parmi les pensionnaires de cet établissement privé.

Cet établissement est le premier du genre au Nigeria à s’occuper à la fois d’animaux domestiques et de bêtes sauvages dans un lieu fermé. Les espaces de traitement et soin sont bien distincts pour chaque espèce. « Iretil, ce bébé pangolin, ne réagit pas du tout aux aboiements des chiens, assure Mark Ofua, nous l’avons recueilli quelques semaines après sa naissance. En revanche, l’autre pangolin est complètement stressé car il sait que le chien est un prédateur hostile en puissance. Il va lui falloir deux jours pour s’y habituer. »

Bien emmitouflés dans des petites couvertures, les deux pangolins passent leur séjour dans des cages individuelles. Ils sont logés dans une aile du refuge Saint Mark, avec pour seuls voisins des pythons.

Réhabiliter les pangolins

Vétérinaire aguerri, le docteur Ofua a pourtant le sentiment de découvrir son métier en accueillant des pangolins. Après un temps d’improvisation, le vétérinaire s’est formé grâce à la lecture d’ouvrages sur la faune sauvage. Et aussi en rejoignant le Réseau des amis du pangolin mis sur pied par la professeure Olajumoke à Ibadan.

L’enjeu pour Mark Ofua n’est pas simplement militant, mais avant tout d’assister et d’accompagner ce mammifère mangeur de fourmi sur un période courte. « Au bout de deux semaines, nous les relâchons complètement dans la nature. Pas très loin d’ici, j’ai à ma disposition un espace que j’ai clôturé avec le soutien d’amis dans une zone boisée. À terme c’est là que je compte soigner les pangolins dans un environnement naturel. Le seul stress viendra du fait que je leur donne leurs médicaments. Cependant ils pourront s’épanouir avec la proximité de deux ou trois tas fourmilières à l’intérieur de cette enceinte », espère-t-il.

Le docteur Mark Ofua.
Le docteur Mark Ofua. RFI/ Moïse Gomis

Le pangolin, une proie facile pour les braconniers

Depuis son laboratoire de recherche d’Ibadan, la professeure Jumoke Morenikeji demeure très inquiète car malgré le classement en danger de cette espèce et la prise de conscience des autorités nigérianes, les réseaux de trafiquants internationaux continuent de s’approvisionner en pangolin dans le sud-ouest du pays, où pullulent de larges zones forestières.

Le pangolin est notamment victime du fait qu’il soit facile à chasser, même trop facile selon elle. « La seule protection du pangolin, ce sont les écailles couvrant son corps. Mais comme elles ne sont pas nocives, même un enfant peut ramasser un pangolin. En mode défense, le pangolin se met en boule et s’immobilise. Il ne mord pas et ne crie pas. N’importe qui peut le saisir », raconte l’experte.

La demande en écailles de pangolin reste forte en Asie du Sud-Est. En 2019, un bateau parti du Nigeria ayant à son bord neuf tonnes d’écailles a été intercepté lors de son escale à Hong Kong. Sa cargaison, estimée à 8 millions de dollars, représentait environ 13 000 pangolins. « Je pensais que cette année 2020, avec les liens présumés entre le coronavirus et le pangolin, cette espèce serait moins attractive. Malheureusement, c’est difficile de changer des habitudes bien ancrées. Le pangolin est recherché et consommé ici comme viande de brousse raffinée. Le terrain ici est donc propice aux trafiquants qui proposent jusqu’à plusieurs centaines de dollars pour un pangolin. Difficile alors de résister à la tentation de traquer le pangolin pour le marché noir », regrette la professeure Jumoke Morenikeji. Toutefois, la Chine a interdit l’importation du pangolin depuis février 2020.

Sans illusion sur le comportement des adultes, elle fonde désormais ses espoirs sur les centaines d’écoliers qu’elle a reçues. Et surtout, sur les prochains qu’elle recevra pour des visites pédagogiques au parc animalier universitaire d’Ibadan.

RFI

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