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Moussa Mara, ancien Premier ministre et Maire : « Évitons l’industrialisation de la prise d’otages dans le Sahel ! »

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La libération récente de plusieurs otages dans le Sahel, dont Soumaila CISSE, une personnalité politique malienne de premier plan en contrepartie de l’élargissement de plusieurs centaines de terroristes présumés et du versement de rançons de plusieurs milliards de FCFA, a suscité une grande controverse parmi les populations sahéliennes et au sein de la sphère médiatique occidentale. Les uns estiment que la libération des otages, aussi importants soient-ils, a été trop fortement monnayée. Ils critiquent sévèrement les efforts consentis pour ces libérations et leurs incidences probables en termes de destructions, d’attentats ou encore de prise d’autres otages, en raison de la personnalité des terroristes libérés et des moyens importants que les groupes terroristes ont obtenus. Les autres pensent qu’il est bien normal de faire des efforts pour obtenir la libération d’otages en raison de la charge émotionnelle que cela suscite et également parce qu’une vie humaine n’a pas de prix.

Chacune de ces positions est défendable et de ce fait, les polémiques et débats se multiplieront, avec d’autant plus de véhémence que les enjeux seront lourds de sens pour les pays sahéliens comme le Mali qui ont en outre de nombreux autres défis à relever.

Il est de ce fait utile de sortir de l’émotion et de poser les questions de fond que cet évènement soulève, pour ensuite essayer d’y répondre, afin de préserver la stabilité de nos États et d’éviter qu’ils ne subissent de nouveaux facteurs déstabilisants. La France est en train d’aller dans ce sens avec la perspective de la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire devant questionner, entre autres, la doctrine de ce pays dans ce domaine. De nombreuses interrogations peuvent être soulevées par la libération récente d’otages, certaines en rapport avec leurs incidences géopolitiques ou leurs implications sur les négociations sociopolitiques que cela peut préfigurer entre le Gouvernement du Mali et le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM). Une autre interrogation concrète qu’il convient d’émettre est la possibilité que cette étape ouvre une perspective d’industrialisation de la prise d’otages au Mali et la spécialisation d’acteurs dans ces réseaux comme cela fut le cas au début des années 2000. Cette perspective fragiliserait profondément le Mali et tout autre pays sahélien qui la subirait et menacerait clairement les possibilités de paix et de réconciliation. Ce sujet mérite qu’on s’y attarde d’autant plus qu’il ne s’est jamais véritablement posé, les questions d’otages concernant essentiellement les Occidentaux jusque tout récemment. Ceux-ci se faisant rares, il est possible que des cibles nationales potentiellement importantes les remplacent, déplaçant la question vers le grand banditisme et la professionnalisation des acteurs au gré des prix payés pour obtenir la libération des personnes enlevées.

Il est impératif que les autorités maliennes définissent les règles de conduite en matière de libération d’éventuels otages nationaux. Cela ne serait que justice par rapport à d’autres otages, moins célèbres que ceux libérés et dont les proches pourraient être choqués par ce qui vient de se passer. Ces règles doivent être établies avec l’objectif principal de rendre pratiquement nulle la valeur marchande des otages maliens. C’est uniquement cela qui réduirait les tentations de l’enlèvement de nos citoyens. Dans cette perspective, certains principes sont à affirmer et surtout à observer.

Ne jamais verser de rançon est un principe à instaurer. Le paiement de rançon est le premier encouragement à la prise d’otages. Il n’est pas concevable d’utiliser des ressources publiques dans une action aussi contreproductive que la libération d’otages. Ne jamais libérer de terroristes ayant du sang sur les mains constitue également un principe à respecter. Si la vie de tous les citoyens a la même valeur, il est difficilement acceptable de relâcher l’assassin d’un citoyen pour obtenir la libération d’un autre.

Ensuite, dans le cadre de possibles négociations, nous devons fixer des règles qui encadreront l’action des négociateurs et autres intermédiaires comme la fixation de quotas de personnes libérables en rapport avec les éventuels otages, et en fonction de leur importance symbolique, etc.

Nos pays doivent également travailler sur la qualité des négociateurs en accordant une place de choix aux leaders religieux et aux autorités traditionnelles locales et nationales. Ces acteurs ont démontré leurs aptitudes au cours des dix dernières années. Ils sont souvent cruciaux quand ils interviennent de manière précoce, car les enlèvements sont d’abord le fait de groupes disposant d’attaches locales dans les zones où ils interviennent.

Les règles établies devraient être portées à la connaissance des citoyens, en particulier de celles pouvant être cibles d’enlèvement. Il convient de mettre en garde les civils, les politiques et les autres personnalités contre les déplacements dans des zones sensibles quand leurs fonctions ou responsabilités ne les y obligent pas. Dans l’hypothèse où ils enfreindraient ces règles et en cas d’incident, ils seront seuls responsables de la situation. Ce dispositif doit être envisagé en parallèle au renforcement de la protection des fonctionnaires et agents de l’État qui servent dans les zones sensibles. Il doit également être mis en place un système de protection pour les personnalités qui pour des raisons précises (campagne électorale, activités nationales…) sont amenées à s’y déplacer.

La question des otages et de leur libération est sensible sous tous les cieux. Des États puissants tiennent quelques fois un double discours en agissant contrairement aux principes martelés officiellement. Des efforts importants et des moyens massifs sont ainsi employés pour obtenir la libération d’un otage, car cela a un impact sociopolitique significatif pour leurs leaders. Les fondements et la stabilité de ces États ne sont nullement menacés par ce phénomène. Il en serait autrement pour des pays comme le Mali. C’est pourquoi il est hautement souhaitable que ces derniers agissent pour tarir les sources de financement du terrorisme agissant sur leur territoire. Il leur est tout aussi indispensable d’agir dans ce domaine pour éviter la frustration d’une frange de la population du fait d’initiatives de libérations au moyen d’efforts jugés exorbitants. C’est ce qui justifie la prise de mesures fortes contribuant à contrecarrer les velléités des groupes terroristes et de réseaux de profiteurs gravitant autour d’eux.

Moussa MARA

www.moussamara.com

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