La « Place du cinéma Vox » située non loin de la Cathédrale de Bamako est le terminus des transports en commun «Sotrama». J’ai emprunté ce jour comme d’habitude, un minibus pour rentrer chez moi au quartier «Sébénikoro». à l’entame du voyage, au niveau du «marché Dibidani» de Bamako Coura une jeune commerçante détaillante de forte corpulence lance ces mots à deux reprises: « la refondation de notre Maliba est aussi facile que boire un verre d’eau.» Elle enveloppe les passagers de son regard interrogateur. Tétanisés peut-être par une affirmation aussi osée, aucun passager ne pipe mot.
Nous étions six personnes âgées dans la cabine. Quatre hommes et deux femmes. La jeune commerçante pose la main droite sur la main gauche de l’une des vieilles assise à côté d’elle. Et elle ajoute : «Est-ce que le Mali volera en éclats?». La vieille enserre les épaules de la détaillante. Elle la serre contre elle et déclare : «Je prends la parole en demandant l’autorisation de tous mes maris vieux et jeunes. Ma coépouse rassure toi. Je suis convaincue que notre génération vous léguera un Mali réunifié.
Les prières, les vœux murmurés dans les mosquées, les églises, les bois sacrés seront exaucés, parce que des «cœurs purs constituent la presque totalité de tous les villages de ton Mali.» Cette déclaration fut le déclic pour lancer les débats.
J’ai retenu la plaidoirie du jeune diplômé sans emploi B.K. qui arpente les alentours du «Marché rose» pour écouler son stock de friperie à l’orée du 1er janvier 2021. Il demande la parole et assène ces propos : «J’écoutais distraitement notre hymne national. à la «place de l’Indépendance» j’avoue que je restais muet. Après «les événements du 18 août 2020» j’ai sorti un ancien cahier qui porte le texte intégral de l’hymne national du Mali.
J’ai appris par cœur. Et j’avais des frissons quand je prononçais ces mots : «Debout sur les remparts, nous sommes résolus de mourir/ Pour l’Afrique et pour toi Mali… Depuis, je bénis tous les jours l’Armée malienne.»
Avant de se rendre au marché, B.K chante l’hymne en solo dans sa chambre. Il sort fièrement de chez lui, convaincu que le diplômé sans emploi aussi est utile à son pays dans tous les segments de la chaîne du travail. Il conclut que l’erreur est de vouloir obtenir à tout prix l’emploi correspondant à son diplôme. à chacun sa nuance de patriotisme.
Sékou Oumar DOUMBIA
Source : L’ESSOR