Depuis l’arrivée de la COVID-19, les théories conspirationnistes ont repris une place de choix dans le débat public. Au Sahel, avec l’arrivée des vaccins anti-Covid, la situation a empiré.
Entre la mi-février et la mi-mars de cette année[1], d’une manière globale, les théories complotistes occupent autant le web sahélien que les informations que l’on peut qualifier de correctes et vérifiées. La thématique du complot observe un regain considérable les 11 et 12 février, soit quelques jours avant que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) n’homologue en urgence le vaccin anglo-suédois AstraZeneca. Parmi ces théories les plus en vue sur la toile sahélienne, il y a celles visant la Fondation Bill et Melinda Gates très active dans la recherche sur les maladies et les vaccins en Afrique. Elles prétendent que la Covid-19 aurait été créée par le fondateur de Microsoft pour réduire la population mondiale, s’enrichir davantage et la vaccination aurait été depuis planifiée. De même, ces théories qui prétendent que les vaccins anti-Covid seraient nuisibles pour la santé se font également entendre.
Début mars et plus précisément le 3 du mois, les théories du complot recommencent à pulluler sur la toile sahélienne. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la réapparition très remarquée de ces thèses. Parmi eux, la réception par le Soudan, à cette même date, de 828 000 doses du vaccin AstraZeneca grâce au dispositif onusien Covax.
Même sentiment de défiance au Sénégal. A cette même période, une vidéo pour le moins curieuse a fait le tour de la toile sénégalaise. Dans cette vidéo, l’on peut voir plusieurs personnalités en pleine séance de vaccination, dans une maison attribuée à la Première Dame sénégalaise, Marième Faye Sall. Selon plusieurs internautes, la Première Dame aurait organisé une séance à huis clos de vaccination. S’en est suivie une vive indignation collective sur la toile sénégalaise, fustigeant une « vaccination de privilégiés ». D’autant plus que certains membres du personnel médical comme des étudiants en médecine, pourtant en contact permanent avec les malades, se sont vus refuser le vaccin dans le même temps.
Au Sahel, le pic de cette effervescence complotiste va s’observer le 5 mars, date où le Mali reçoit ses 396 000 doses de vaccin AstraZeneca. La tendance dure deux jours, puis s’amenuise considérablement par la suite. Par ailleurs, le ministre tchadien de la Santé publique et de la Solidarité nationale, Abdoulaye Sabre Fadoul, a remercié le 22 mars dernier la Chine pour un don de vaccins Sinovac contre la COVID-19.
Il est urgent de combattre les théories complotistes plus ou moins farfelues qui infestent le débat public au Sahel. Car, elles constituent un autre virus, qui ne tue pas certes de manière concrète, mais qui manifestement, pollue les esprits déjà éprouvés en ce contexte de pandémie. Concernant les campagnes de vaccination, elles ont débuté dans nombre de pays. Même si la polémique autour de l’AstraZeneca a entretemps sans doute freiné les ardeurs des populations, la situation semble commencer à progressivement rentrer dans l’ordre.
[1] Le Timbuktu Institute, le CESTI et Sayara International ont mis en place une veille de l’opinion publique digitale concernant la pandémie de la COVID-19. Grâce à notre plateforme de veille, nous analysons des milliers de publications qui émanent des réseaux sociaux, des sites d’information et des blogs, et qui, chaque jour, sont diffusées dans 8 pays du Sahel (Sénégal, Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Soudan).