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Ibrahim Ikassa Maïga à l’Aube : « Le chronogramme doit être l’ultime étape d’un processus ouvert…! »

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Dans une interview accordée à L’AUBE, Ibrahim Ikassa Maïga, Coordinateur National du M5-RFP, se prononce sur le chronogramme du referendum et des élections générales. L’Aube : Que vous inspire ce chronogramme ?

 

Ibrahim Ikassa Maïga : C’est tout simplement une fuite en avant du Gouvernement. Oui, ce chronogramme des élections générales exposé ce jeudi 15 avril 2021 est une tentative désespérée pour les autorités gouvernementales de se plier aux exigences de la Communauté internationale qui tient à la durée maximale 18 mois de la Transition. Pourtant, le Ministère de l’Administration territoriale était dans un semblant de concertation avec les partis politiques juste 48 heures avant, soit le mardi 13 avril, sans nécessairement rechercher le consensus sur les conditions de tenue d’élections générales.

La crise de la démocratie malienne a son épicentre dans la mauvaise tenue des élections, et la manière de procéder du Gouvernement exclut toute possibilité de parvenir à un redressement du système et du mécanisme électoraux, à plus d’un titre.

D’abord, aucun débat franc n’a été institué par le Gouvernement pour associer les forces et sociales ainsi que des organismes nationaux d’observation du processus électoral pour identifier les tares et insuffisances des textes et convenir des modifications et réglages à opérer.

Ensuite, aucun consensus n’a été recherché pour faire ce chronogramme gouvernemental, qui semble plutôt se soucier de satisfaire les autorités de pays étrangers et de la Communauté internationale.

Puis, il est de notoriété que les préalables à la tenue d’élections sont les réformes consensuelles pertinentes : Constitution le cas échéant (respect de l’article 118), loi électorale avec la mise en place de l’organe unique de gestion des élections, charte des partis politiques, loi organique déterminant le nombre de sièges de députés avec corrélativement la finalisation de la réorganisation territoriale, etc.

Et enfin, une des conditions sine qua non de la tenue d’élections est la sécurisation du territoire national, pour le retour de l’Administration et des services sociaux de base, et surtout le recouvrement de l’intégrité territoriale nationale (notamment pour permettre la tenue éventuelle d’un Référendum).

Pour parvenir à tout cela dans le cadre d’une Transition politique comme la nôtre, il est impératif de rechercher une légitimité à travers des cadres de large concertation nationale, au niveau politique, sociale, syndicale, économique, … à travers un système électoral remanié et adapté, assorti d’un fichier électoral intègre, propre et accepté de tous.

Ceci devrait normalement s’obtenir à l’issue de travaux de réflexion de concertation dans le cadre du COS (Comité d’orientation stratégique sur les réformes politiques et institutionnelles, dont la nature et les prérogatives doivent être renforcées) initié par le Premier ministre, avant tout travail effectif d’harmonisation des textes concernés. Mais nous assistons malheureusement à une démarche du Ministère de l’Administration territoriale qui méconnait une telle nécessité voire l’existence même du COS.

Ce chronogramme électoral est-il tenable ?

Ce serait une véritable gageure que de tenir dans de tels délais, car les étapes à franchir sont complexes : il s’agit d’un consensus national sur les réformes d’ordre constitutionnel avec le nécessaire retour de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, pour être conforme à l’article 118 de la Constitution. A défaut, les mêmes raisons qui ont mobilisé le Peuple en 2017 contre la tentative scabreuse de relecture unilatérale du texte constitutionnel par le régime IBK, prévalent toujours et produiront les mêmes actions de rejet et de défiance.

Si cela est, la nécessité d’obtenir le consensus de la classe politique avec les forces sociales ne permettra pas tenir les délais et dates annoncés. D’ailleurs, le chronogramme doit être l’ultime étape d’un processus ouvert, consensuel et inclusif, et non une camisole de force qui ne tient compte d’aucun impératif politique, démocratique et républicain. C’est dommage qu’on soit à ce niveau, mais le chronogramme est infondé et intenable en l’état.

Avez- vous des suggestions à faire pour la bonne organisation des échéances électorales programmées ?

Nous au M5-RFP avions été constants dans l’exposé des attentes du Peuple face à un processus de Transition malheureusement lancé sur une mauvais piste depuis l’entame. Ainsi, il urge aujourd’hui d’aller rapidement à une « rectification » de la trajectoire dangereuse qu’a pris la Transition, à travers des actions résolues pour « assurer la continuité de l’Etat, redresser la gouvernance et faire face aux urgences ». Le constat accablant et désolant à ce niveau est la poursuite de la gabegie au sommet de l’Etat pour le seul confort des autorités de la Transition et leurs protégés et complices, en oubliant même de rendre justices aux victimes des tueries.

Dans la même optique, il convient également d’assurer la sécurité des personnes et des biens, à travers des mesures urgentes contre l’insécurité urbaine, péri-urbaine et sur l’ensemble du reste du territoire national, le redéploiement des services de l’Etat pour répondre aux besoins des populations, principalement sécuritaires, … et assurer le retour des réfugiés et des déplacés, l’accélération des processus de cantonnement et de DDR, et la dissolution des groupes armés. La militarisation à outrance de l’administration est aux antipodes d’un tel dessein, condition sine qua non de la sortie de crise.

Par la suite, il y a lieu d’aller à la « refondation » qui est la matrice des réformes structurelles de l’Etat, à travers notamment la tenue d’Assises Nationales pour la Refondation (ANR) garantissant une participation largement inclusive, devant plancher sur un état de la Nation établi sur la base d’un diagnostic partagé de la gravité et de la profondeur de la situation nationale, des enjeux, défis et périls. Cela permettra de faire une revue de toutes les précédentes rencontres thématiques, sectorielles et nationales (Concertations, Etats généraux, Forums, Assises, Dialogue, etc.), afin de faire émerger une vision commune de la Transition permettant de poser les jalons d’un véritable changement pour un Nouveau Mali.

Ce cadre de débat national permettra de jeter les bases de l’élaboration des paramètres de la refonte de la gouvernance, et de procéder aux réformes politiques et institutionnelles, notamment une révision de la Constitution, en observant le principe de séparation des pouvoirs, la nécessité d’une rationalisation du nombre des institutions, le coût de leur fonctionnement et le renforcement du mécanisme de leur régulation et équilibre, une réadaptation des textes à la décentralisation, à la charte des partis politiques, de la loi électorale afin d’organiser des élections libres, transparentes et crédibles, sur la base d’un fichier électoral véritablement biométrique, sous la responsabilité d’un organe unique et indépendant de gestion du processus électoral.

Par une remise en cause profonde et résolue de la marche actuelle de la Transition que nous pourrons sortir de ce malaise grandissant d’un Peuple désemparé par les tâtonnements d’autorités militaires visiblement perdues en chemin, et de plus en plus prises dans l’étau des groupes armés irrédentistes et de la communauté internationale de plus en plus pressante sur l’absence de résultats tangibles et la consommation des délais concédés de la Transition. Elles simplement revenir dans le giron du Peuple, c’est-à-dire dans la ligne directrice des propositions du M5-RFP.

Propos recueillis par C H Sylla

SourceL’Aube

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