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Chute du régime d’IBK (2èpartie) : La barbarie dans tous ses états

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Ils étaient des centaines de milliers de citoyens à la Place de l’Indépendance, le vendredi 10 juillet 2020, pour répondre à l’appel du Mouvement du 5 juin du Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) sous l’égide des Responsables du Comité directoire dudit mouvement. Cette journée a été marquée par une fureur populaire à travers la capitale. Aux occupations de l’Ortm et de l’Assemblée nationale, les forces de sécurité ont répondu par une répression féroce qui a fait de nombreuses victimes. Le bilan est lourd : des morts et de nombreux blessés. Retour sur les tueries des journées folles des 10, 11 et 12 juillet 2020. Ce crimes odieux resteront-ils impunis ?

 

Le mot d’ordre de cette manifestation est l’exigence de la démission du Président IBK pour raisons de mauvaise gouvernance, d’incapacité à résoudre la double crise sécuritaire et scolaire, de mettre fin à l’occupation des régions du Nord et du Centre par les groupes rebelles et terroristes, le tripatouillage des résultats du scrutin législatif 2020, la corruption et le phénomène de népotisme érigé en système. A la veille, le jeudi, 9 juillet, au siège de la CMAS, le collectif des femmes du M5-RFP avait tenu une conférence de presse à la faveur de laquelle un appel pressant a été lancé à toutes les femmes du Mali pour rendre la mobilisation totale. Appel massivement répondu par les femmes.

Au cours du rassemblement, les organisateurs ont livré un message d’instructions axées sur dix (10) commandements essentiels devant être pacifiquement observés et exécutés à la lettre.

Ainsi, à l’issue de cette forte mobilisation, certains manifestants s’en sont donnés à l’obstruction des voies publiques, au sabotage des édifices et symboles de l’Etat…

Ainsi, un groupe de manifestants s’est dirigé vers la Cité administrative, un deuxième vers le siège de l’Assemblée nationale, un troisième vers l’ORTM, un quatrième sur le pont des Martyrs (ou 1er pont), un cinquième sur le pont Fahd (dit 2e pont), un sixième vers la Direction nationale de la Fonction publique, un septième vers la Tour d’Afrique et le huitième sur l’Aéroport Senou-Bamako…

Dans la journée du samedi 11 juillet, les affrontements sont devenus plus intenses entre éléments des forces de l’ordre et jeunes manifestants déterminés à faire aboutir leurs revendications. Et les foyers de tensions se sont multipliés à travers la ville de Bamako.

Dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 juillet, un groupe de manifestants  a débarqué dans les locaux de l’ancienne primature abritant le siège des Collectivités Territoriales et de l’ancien cabinet du ministère de l’Economie et des Finances où dossiers, meubles et équipements bureautiques avec consommables ont été emportés. Aux Collectivités Territoriales, un magasin contenant de céréales et autres denrées alimentaires destinées à l’intérieur du pays a été complètement pillé, selon des sources concordantes.

Qui a donné l’ordre de tirer ?

Le 10 juillet 2020,  plusieurs responsables du M5-RFP sont arêtes, Les choses ne tarderont pas à s’envenimer. Les citoyens, malgré une pluie battante, ont continué dans la journée du samedi les actes de désobéissance civile. Toujours, les forces de l’ordre ont fait usage d’armes en tuant plusieurs personnes dans différents endroits de BamakoLe summum a été atteint chez l’imam Mahmoud Dicko où, selon plusieurs sources, au moins dix-sept personnes ont perdu la vie en s’interposant devant les agents envoyés pour arrêter le religieux et non moins autorité morale de la contestation populaire. Sept des victimes ont été enterrés le dimanche, 12 juillet, après la prière mortuaire  dirigée par Mahmoud Dicko lui-même en la mosquée de Badalabougou.

Vague de condamnations

Dans le souci d’une accalmie et une résolution à la crise du Mali, surtout le bras de fer entre le président IBK et le M5, la CEDEAO avait tout tenté pour sauver le Roi fainéant et son trône. L’organisation sous-égionale avait demandé la cessation des manifestations et inviter les parties au dialogue. C’est dans cette optique qu’elle a initié une rencontre entre les principaux protagonistes. Le M5-RFP a posé des conditions avant cette rencontre, notamment, la libération des prisonniers politiques, des excuses publiques du président de la République au M5-RFP et à l’imam Dicko, et l’ouverture des enquêtes libres et transparentes sur les tueries des 10, 11 et 12 juillet.

Goodluck Jonathan le médiateur de la CEDEAO a eu une rencontre dans la journée du jeudi13 Aout 2020 à l’hôtel Salam avec une délégation du M5-RFP. Il ressort de cette rencontre la nécessité d’avoir un tête-à-tête entre le président de la République et le M5-RFP. Informé de cette initiative, le M5-RFP pose des préalables. « Le M5-RFP ne saurait rentrer dans une logique de discussions avec Ibrahim Boubacar Kéita aussi longtemps que ses militants feront l’objet de chasse à l’homme par les forces de répression du régime et de condamnations expéditives à de lourdes peines de prisons faisant ainsi d’eux de véritables prisonniers politiques. Le M5-RFP exige par conséquent leur libération pure et simple », explique Me Mountaga Tall, membre de la délégation du M5-RFP.

En plus, il exige également que la lumière soit faite sur les tueries lors de la désobéissance civile. « Nous exigeons la mise à la disposition de la justice des commanditaires des auteurs et complices des tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020 qui devront ainsi répondre devant les juridictions nationales et internationales de leurs actes criminels », demande Me Tall. S’ajoutent à cela, « des excuses publiques du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, pour ses « propos diffamatoires »à l’endroit du M5-RFP et de son autorité morale, l’imam Mahmoud Dicko. Propos tenus lors du dernier sommet des Chefs d’Etat de la CEDEAO par visioconférence, où le correspondant de RFI au Niger avait révélé les propos du président IBK indiquant que l’imam Dicko veut instaurer au Mali un Etat islamique. Lesquels propos, faut-il le rappeler, avaient été démentis par la présidence dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux.

Aussi,  dans un communiqué, Amnesty International a dénoncé “les restrictions de libertés”, telle la censure de l’internet. L’ONG de défense des droits de l’Homme regrette “l’usage de la violence” et exige “une enquête indépendante” pour établir la lumière sur les manifestations. : « Les autorités maliennes doivent immédiatement enquêter sur les circonstances de la mort d’au moins 11 personnes dont un mineur de 15 ans, au cours des manifestations du week-end. Elles doivent se conformer à leurs obligations constitutionnelles et internationales en matière de respect de la liberté de réunion pacifique et d’interdiction de l’usage excessif de la force » a déclaré Samira Daoud, directrice pour l’Afrique de l’Ouest et Afrique centrale à Amnesty International

« Au moins 80 manifestants ont été blessés lors de la répression par les forces de sécurité. Il faut mener dans les meilleurs délais une enquête rigoureuse, impartiale et indépendante et déférer à la justice toutes les personnes suspectées d’homicides ou autres violations des droits humains contre les manifestants.

« Les personnes arrêtées en lien avec ces manifestations doivent être libérées ou présentées devant un juge. Tous les individus interpellés doivent être présumés innocents. Les droits à la vie, à l’intégrité physique et de se faire représenter par un avocat lorsque détenu, sont fondamentaux et ne sauraient être compromis.

« La décision de perturber l’accès à Internet et aux réseaux sociaux comme Facebook, WhatsApp, Twitter ou Messenger pendant les jours de manifestations constitue une violation du droit à la liberté d’expression ».

En outre, l’organisation de défense des droits de l’homme condamne le fait que certains des détenus n’aient pu avoir accès à leurs avocats au cours du week-end et le refus des autorités de permettre à la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) d’accéder au camp 1 de la gendarmerie où ils sont détenus.

L’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH) a condamné l’utilisation des balles réelles contre des populations ayant occasionné des pertes en vies humaines- et les actes de pillages des biens publics et privés par des manifestants occasionnant des dégâts matériels. Selon un communiqué de cette association, au regard de cette situation très préoccupante l’AMDH estime que, ni les actes de vandalisme ou le saccage des propriétés publiques et privées encore moins les arrestations, les emplois disproportionnés de la force dans le maintien d’ordre, ne constituent des solutions à la crise actuelle. : « Par conséquent, l’AMDH invite les forces de défense et de sécurité à observer le respect strict des droits humains dans le maintien d’ordre en s’abstenant de recourir à des balles réelles et aux forces armées dont la mission est aussi de sécuriser les populations civiles ».

Ainsi, l’AMDH attire également l’attention des autorités sur la nécessité absolue de faire preuve de discernement dans les arrestations en cours et à observer les droits élémentaires des personnes faisant l’objet d’arrestation, notamment la présomption d’innocence, le droit d’accès des avocats à leurs clients, interdiction de la torture sous toutes ses formes.

Aussi, l’AMDH demande des enquêtes indépendantes pour faire la lumière sur des violations graves des droits de l’Homme qui ne doivent pas aussi rester impunies dans un État de droit.

Dans une déclaration conjointe, les représentants de l’ONU, de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union africaine (UA) et de l’Union européenne (UE) au Mali déclarent regretter « que des édifices publiques et privés soient pris pour cible avec des violences ayant entrainé des pertes en vies humaines, de nombreux blessés et la dégradation des biens de l’Etat et des particuliers ».

Ils présentent « leurs condoléances les plus attristées aux familles éplorées et souhaitent un prompt rétablissement à tous les blessés ». Ils « condamnent avec vigueur toute forme de violence comme moyen de règlement de crise sociopolitique ».

Les représentants de l’ONU et des organisations partenaires condamnent également « l’usage de la force létale dans le cadre du maintien de l’ordre et invitent toutes les parties prenantes à la retenue et leur demandent de toujours privilégier le dialogue, la concertation et les canaux pacifiques de résolution des crises ».

Aussi, Ils indiquent leur préoccupation concernant l’arrestation des leaders du Mouvement M5-RFP, à la tête de la contestation, « toute chose qui ne permet pas au dialogue prôné par le Président de la République et le Premier ministre de se tenir en toute sérénité », et invitent le gouvernement malien « à créer les conditions du dialogue politique, notamment par la libération de ces leaders ».

Les représentants de l’ONU et des organisations partenaires se disent « persuadés que les conclusions de la récente mission ministérielle de la CEDEAO posent les bases d’une solution appropriée pour un accord politique de sortie de crise, comme l’a d’ailleurs souligné le Président de la République dans son dernier discours du 11 juillet 2020 ».

Pour sa part, la Cour Pénale Internationale, CPI, indique suivre les évènements de Bamako. C’est du moins ce qu’a affirmé la Procureure Fatou Bensouda. C’était (mardi 14 juillet 2020) à l’ouverture du procès du présumé djihadiste malien Al Hassan Ag Mohamed, poursuivi pour “crime contre l’humanité” pour son rôle présumé dans la crise au Mali pendant l’occupation de la région Tombouctou entre 2012 et 2013. Pour Mme le Procureur de la CPI, ce procès est un message pour toutes parties en conflit au Mali pour le respect des droits des populations civiles en temps de conflit.

Mohamed Sylla

SourceL’Aube

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