La salle de conférence de la Direction Générale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (DGESRS) a servi de cadre, le 19 avril 2022, à l’ouverture des travaux de trois jours de séminaire sur l’employabilité des diplômés du grade de la licence au Mali. Organisés par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, en tandem avec les départements de l’éducation nationale, de l’Entreprenariat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle ; du Travail, de la Fonction publique et du Dialogue social, les travaux ont été coprésidés par le Pr. Amadou Kéita de l’Enseignement supérieur ; Bakary Doumbia de l’emploi ; et Sidibé Dédéou Ousmane de l’éducation nationale. Le Directeur national du travail, Fassoum Coulibaly, représentant son ministre, était à leur côté. Cadres du département du Ministère de l’enseignement supérieur, experts de l’enseignement supérieur, de l’emploi et de la formation professionnelle de même que les spécialistes de la fonction publique et acteurs du secteur privé, se sont réunis autour de ces journées de réflexions sur l’employabilité des détenteurs de licence au Mali, pour apporter une réponse structurelle à la problématique. En effet, l’objectif principal de ces journées est de déterminer des stratégies pour l’employabilité des diplômés de la licence dans le secteur publique et privé. Particulièrement, il s’agit de faire un état des lieux de la situation des diplômés de la licence depuis l’instauration effective du système LMD; proposer des pistes de relecture des textes régissant l’accès à la fonction publique de l’Etat et des collectivités pour la prise en charge des diplômés de la licence; créer des passerelles entre les diplômés de la licence et les secteurs productifs; déterminer, à la lumière du PRODEC II, les conditions de collaboration avec les secteurs en charge de l’éducation et de la formation professionnelle; cartographier les acteurs impliqués et élaborer un cadre conceptuel justifiant la pertinence et la nécessité d’une coopération étroite entre les universités et l’ensemble des acteurs.
Selon le ministre Kéita, c’est à partir des années 2000 qu’il est apparu nécessaire d’engager des réformes et innovations pédagogiques dans le but d’améliorer et d’adapter le système éducatif aux enjeux nationaux et internationaux. Ainsi, en 2008, dit-il, le Mali, pour répondre aux exigences de la mondialisation en matière d’enseignement supérieur, a adopté le système LMD (Licence-Master-Doctorat) par le décret N°08-791/P-RM du 31décembre 2008 portant institution du système LMD dans l’enseignement supérieur au Mali. De son avis, cette réforme visait, entre autres, la promotion d’un système de diplômes universitaires lisibles et l’organisation de l’enseignement supérieur sur la base de grade universitaire dont la licence est le premier niveau. Bien que sa mise en route effective ait été balbutiante jusqu’en 2011, souligne le Pr. Amadou Kéita, la réforme a mis sur le marché de l’emploi une première cohorte de diplômés de la Licence dès 2015. «La grade de licence reste accessible aux étudiants en termes de coûts, mais n’offre pas de garantie sur l’insertion professionnelle même s’il faut reconnaitre que le secteur privé absorbe une grande partie de ces sortants », a déploré le ministre Kéita. Selon les statistiques, indique le ministre, seulement 24,9% des entreprises publiques et parapubliques et 5,3% des ONG/Association/Institutions Internationales recrutent des diplômés de la licence sortant des IES (Institut d’enseignement supérieur) maliens. D’autre part, souligne-t-il, près de 30% des diplômés de la promotion 2015 connaissent un chômage persistant durant les 21 premiers mois de vie active. 28% des diplômés ont un accès durable à un emploi salarié et près de 23% ont fait le choix de continuer leur formation universitaire au niveau Master pour diverses raisons dont la principale reste «la recherche d’un emploi plus satisfaisant ou pour éviter le chômage ». Ces chiffres tristes sont rendus complexes avec l’impossibilité, en plus, pour les diplômés de la licence de prendre part aux concours de la fonction publique.
Cette dernière situation consécutive à plusieurs facteurs dont, dit le Pr. Kéita, les textes régissant le recrutement de la fonction publique, donne à observer des mouvements sociaux de revendication, auxquels il est attendu des réponses concrètes et urgentes. Car, appuie-t-il, lors du dernier concours de recrutement dans la fonction publique, les diplômés de la licence n’étaient pas concernés. Cette situation, en déphasage avec les motivations qui ont sous tendu le passage au système LMD, savoir de refaire, dévaluer le rôle de l’université pour en faire un acteur du développement socioéconomique, commande selon le ministère de l’enseignement supérieur, de dépenser et de prendre en compte la dimension de l’insertion professionnelle.
Pour finir, le Ministre Kéita a mis l’accent sur la volonté collective des différents partenaires et acteurs d’adresser toutes les questions en lien avec le cheminement de nos enfants, de l’école à la vie active.
Pour son homologue Bakary Doumbia, selon le rapport national sur l’emploi auprès de ménage produit par l’Observatoire National de l’Emploi et de la Formation (ONEF) en 2020, le taux combiné du sous-emploi et du chômage de la population active ayant le niveau d’instruction supérieur était estimé à 32,1% contre une moyenne nationale de 14,3%. «Ces statistiques attestent les difficultés auxquelles les diplômés, surtout les détenteurs du diplôme de licence, sont confrontés pour trouver un emploi sur le marché du travail», a fait savoir le Ministre Doumbia.
Le représentant du Ministre du travail, Fassoum Coulibaly, a rassuré les uns et les autres que son département à déjà mis la question sur la table afin de relire le statut de fonctionnaire en vue de l’adapter à cette situation très rapidement.
Il est attendu des travaux qu’un état des lieux sur la problématique de l’employabilité des diplômés de la licence est disponible ; que des amendements sont proposés pour les textes régissant l’accès à la fonction publique de l’Etat et des collectivités ; qu’une cartographie de l’ensemble des acteurs avec un cadre conceptuel facilitant une interaction productive entre ces derniers et les universités ; qu’un cadre de coopération autour du PRODEC II est établi.
Hadama B. FOFANA
Le Républicain