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Dr. Mohamed Amara, sociologue : « Le Mali prend deux risques en rompant le lien avec le G5 Sahel »

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Après la sortie du Mali du G5-Sahel et sa force conjointe, le Président nigérien, Mohamed Bazoum a annoncé de facto la mort de l’institution. Dans cette interview, Mohamed Amara, sociologue à l’Université des Lettres et des Sciences humaines de Bamako, fait une analyse de la sortie du Mali du G5 Sahel et ses conséquences.Mali Tribune : Comment interprétez-vous le retrait du Mali du G5 Sahel?

 

Dr. Mohamed Amara : Je tiens à dire que c’est un non évènement. D’autant plus que depuis un certain temps, tout le monde savait très bien que la dégradation des rapports entre le Mali et la Cedeao, le Mali et la France, finirait par avoir raison de sa participation dans certaines instances régionales, comme le G5-Sahel. D’ailleurs, le 2e putsch de mai 2021 a rendu sensibles les relations du Mali avec les autres pays membres du G5-Sahel, comme le Niger. Donc, soit les quatre pays membres du G5-Sahel éjectent le Mali, soit le Mali s’auto-éjecte. Le Mali a fini par s’auto-éjecter. Mais, dommage que le Mali quitte un dispositif (G5-Sahel) important de lutte contre le terrorisme, même si la raison avancée par les autorités maliennes, celle de l’instrumentalisation du G5-Sahel par un « Etat extrarégional » reste à vérifier. Toujours est-il que le G5-Sahel reste un cadre de coordination et de coopération des armées des 5 Etats pour lutter contre le terrorisme dans le Sahel.Mali Tribune : La France est-elle derrière cette manœuvre comme le présagent certains observateurs ? Dr. M. A. : C’est l’avis de certains observateurs. Le communiqué du gouvernement précise qu’il y a la main d’une puissance extra régionale « invisible » derrière tout ça. Objectivement, je ne pense pas que la France aurait manœuvré pour sortir le Mali du G5 Sahel. D’ailleurs, la réception, par Assimi Goïta, Président de la transition malienne, du Ministre tchadien de la communication (Abderaman Koulamallah) et du Ministre mauritanien des Affaires étrangères, Dr. Mohamed Salem Ould Merzoug, est un signal fort pour convaincre le Mali de prendre sa place dans le G5-Sahel. D’autant plus que se pose la question de l’élargissement du dispositif à d’autres pays touchés par le terrorisme, tels que la Côte d’Ivoire, le Benin ou le Togo. Par contre, le départ du Mali du G5-Sahel inquiète ses différents voisins et partenaires à cause de sa situation, celle d’un pays sous sanctions, et qui s’isole davantage. Donc, le retrait du Mali du G5-Sahel reste une épreuve douloureuse pour les Maliens lorsque l’on se remémore que le Général malien Didier Dacko était le premier commandant de la force conjointe.Mali Tribune : Y a-t-il des risques pour le Mali ?

 

Dr. M. A. : Le Mali prend deux risques en rompant le lien avec le G5-Sahel. Primo, c’est le risque d’isolement. De plus en plus, le Mali coupe des liens historiques, culturels, politiques et sociaux avec ses voisins et ses partenaires africains. Dommage ! Il y a une espèce de dérive vers l’asphyxie. D’ailleurs, la tentative de coup d’Etat dans la nuit du 11 au 12 mai dernier peut être interprétée comme une alerte aux autorités actuelles pour décrisper la situation.Le 2e risque, c’est celui de la marginalisation. Il y a une forme de « nombrilisme» qui dessert le peuple malien, notamment le peuple des zones rurales, qui attend la résolution de crise sécuritaire ou la levée des sanctions, et qui ne veut pas aussi être mis à l’écart de la marche du Monde. Or, ce retrait du dispositif G5-Sahel contribue à les mettre à l’écart. Hélas ! Certes, les autorités s’en rendent peu compte parce qu’elles ne sont pas dans les mêmes conditions de vie que ces ruraux, première victime du terrorisme. Mais, il urge que l’exécutif change de braquet pour éviter d’exacerber les tensions. Dans ce cadre, lutter contre le terrorisme, c’est protéger les citoyens. Enfin, le retrait du Mali du G5-Sahel amène à se poser la question : pourrons-nous lutter contre le terrorisme et protéger nos populations sans l’apport de nos voisins ?Mali Tribune : La sortie du Mali sonne-t-elle le glas de la fin du G5 Sahel ?Dr. M. A. : Je ne le souhaite pas. Ce que je sais, dans le Sahel, la lutte contre le terrorisme nécessite d’élargir le dispositif G5 à d’autres pays de la région, déjà infectés par le phénomène. Je pense à la Côte d’Ivoire, au Bénin ou au Togo. Presque tout le golfe de Guinée. Il serait intéressant de donner un nouveau visage au G5-Sahel, le réinventer. Certes, le Président nigérien, Mohamed Bazoum, a été agacé par le retrait du Mali du G5-Sahel. D’autant plus que le Mali est son voisin le plus proche culturellement, et en prise avec le terrorisme dans le Liptako-Gourma, quitter le dispositif du G5. Cet agacement a suscité les propos qu’il a tenus, consistant à décréter la mort du G5. Mais rien n’empêchait aux Maliens de reconsidérer leur position, mettre de l’eau dans leur « gnamakoudji », dirait l’autre.

 

Mali Tribune : Dans cet imbroglio, le Sahel peut-il être géré sans l’Algérie ?

 

Dr. M. A. : L’Algérie est l’un des poids lourds de la région économiquement et militairement. Et qu’il est important qu’elle ait une place et son mot à dire dans le contreterrorisme. Dans un probable futur dispositif de contreterrorisme dans le Sahel, l’expertise algérienne serait nécessaire. Il serait inutile de cantonner l’Algérie au rôle de pays pour négocier et signer des accords de paix. Au contraire, elle devra être moteur dans la redéfinition des enjeux sécuritaires et des stratégiques de lutte contre le terrorisme.

 

Propos recueillis par

 

Ousmane Mahamane

Mali Tribune

 

 

 

 

 

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