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La croisade de Moussa Mara contre la fraude fiscale

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Pour l’ancien Premier ministre malien, en limitant la fuite des capitaux et la fraude qui lui est liée, il serait possible de remédier à la plupart des maux de l’Afrique. Faire de la question fiscale un objectif significatif des politiques publiques du continent lui paraît donc essentiel.

 

La fiscalité fait rarement l’objet de débats lors des compétitions électorales, les dirigeants n’étant pas élus aux élections présidentielles sur la pertinence de leur projet en la matière. Cela est aussi et surtout valable en Afrique. Hélas ! Car s’il existe une thématique essentielle pour les regroupements humains, c’est bien celle de la contribution de chacun à l’essor du groupe. En cela, la fiscalité est absolument cruciale pour tout pays ou toute collectivité.

 

Redistribuer les richesses

La fiscalité est la clé en matière d’équité économique ou sociale. Elle permet de faire en sorte que ceux qui gagnent davantage de ressources contribuent plus que les autres à l’effort collectif. Elle offre également à l’autorité publique la latitude de redistribuer les revenus des plus nantis vers ceux qui sont faibles dans une société donnée. Cela stabilise la collectivité, crée de l’empathie entre ses membres et forge un sentiment d’appartenance indispensable à son essor.

 

La fiscalité est le déterminant le plus important de la souveraineté régionale et nationale. L’indépendance d’une région ou d’un pays se fonde prioritairement sur sa capacité à s’affranchir de l’aide des autres. Les attributs de souveraineté pèsent très peu face à la dépendance économique et financière. Comme le dit un proverbe, « la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit ».

 

Si les gouvernements parvenaient à limiter la fuite des capitaux et la fraude fiscale, il serait possible de remédier à tous les maux de l’Afrique

 

L’indépendance économique des pays émergents est liée à leur aptitude à générer des ressources internes leur permettant de faire face à leurs besoins fondamentaux, ce qui ne peut être possible sans une fiscalité appropriée. Cela est aussi bien valable pour un pays que pour un continent comme l’Afrique. Alors qu’en de nombreux endroits du monde, le taux de collecte des ressources fiscales dépasse facilement 30 %, dans la plupart de nos pays il atteint péniblement 15 % de la richesse nationale. Il en résulte une fragilité importante et un besoin de ressources extérieures pour financer nos priorités. Nous devons, par conséquent, faire de la question fiscale un objectif significatif de nos politiques publiques.

 

La fiscalité est enfin la clé de la justice internationale. De nombreuses multinationales s’affranchissent de leurs obligations fiscales via des montages particulièrement complexes et la présence de certaines de leurs filiales dans des paradis fiscaux. Dans certains secteurs économiques de pointe, elles profitent de la faiblesse des administrations publiques, voire de leur sensibilité à la corruption, pour se soustraire à la loi fiscale et payer moins d’impôts, ou ne pas en payer du tout.

 

À cet endroit également, l’Afrique souffre de nombreux handicaps. Selon un rapport de la fondation Osiwa, le montant de la fraude fiscale des multinationales dans la zone Cedeao, de l’ordre de 210 milliards de dollars, dépasse celui reçu via l’aide au développement. Autrement dit, si les gouvernements parvenaient à limiter la fuite des capitaux et la fraude fiscale qui lui est liée, il serait possible de remédier à tous les maux de l’Afrique.

 

Civisme fiscal

La morale et l’éthique doivent être les fidèles compagnons de tous les leaders du continent et ces valeurs doivent être imposées à l’ensemble des multinationales présentes sur le continent africain. D’ailleurs, la norme Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), convention internationale pour la bonne gestion des ressources pétrolières, gazières et minières, mise en place sous l’impulsion de la campagne « Publiez ce que vous payez », en 2003, a imposé un certain comportement aux multinationales. Dans le cas contraire, il serait difficile d’imposer un civisme fiscal aux populations africaines. Cette avancée serait sans commune mesure dans l’Histoire.

 

Ce qui précède ne relève heureusement pas de l’utopie, bien au contraire ! La lutte contre la fraude fiscale nécessite une volonté politique et une gouvernance de qualité au sein des pays et dans le concert des nations. Une fois cet objectif atteint, il convient ensuite d’engager des activités d’identification de toutes les fraudes fiscales et des sanctions. L’initiative de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), inspecteurs des impôts sans frontières, a montré la voie vers laquelle se diriger aux pays africains.

 

Pour finir, il est souhaitable qu’au niveau international, les institutions comme l’OCDE ou le FMI proposent des solutions à leurs membres en vue d’instaurer une harmonisation totale des systèmes fiscaux, et mettre fin à la concurrence fiscale entre les pays. Cet espoir est conforté par le projet de taxe minimale de 15 % sur les revenus globaux des sociétés multinationales.

 

L’Informateur avec J.A

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