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Ébullition du front social et politique

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Depuis l’arrivée des jeunes colonels au pouvoir à la faveur du coup d’Eta du 18 août 2020, le peuple malien, dans sa grande majorité, a manifesté son soutien à la transition fondant l’espoir sur un Mali meilleur. Deux ans après, malgré la rectification de la trajectoire de la transition avec l’arrivée de Choguel à la Primature, les Maliens ont vite déchanté. A l’évidence : le rêve du Mali nouveau peine à se réaliser et le pays est dans une impasse qui est en train de plomber tout le tissu économique. Conséquence : de Kayes à Kidal en passant par Bamako, c’est la galère dans tout le pays. Tout le monde souffre y compris les soutiens de la transition.

 

Les autorités de la transition avaient un excès de confiance qui les a poussés à la faute avec l’augmentation prochaine des budgets de certaines institutions de la Transition. Ce faisant, elles ont ouvert la boite au Pandore en déclenchant une série de préavis de grèves. Les Maliens qui avaient supporté la faim et la soif en suspendant les revendications syndicales ont compris que la transition est loin de donner le bon exemple de patriotisme et de don de soi. Au moment où on demande aux gens de serrer la ceinture, le gouvernement a prévu d’augmenter le budget du Conseil national de transition (CNT) et celui de la Présidence.

 

Dès lors, les grèves sont revenues sur la scène avec l’Aeem qui a débrayé 5 jours durant à tous les niveaux de l’école malienne. Cette grève a paralysé les établissements scolaires et universitaires du pays. Elle a mis fin à une longue trêve. Et c’est la faute du gouvernement dont les ministres auraient oublié qu’ils ont le devoir de veiller sur les acquis du soulèvement contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Si la transition n’avait pas oublié les objectifs du changement, l’espace scolaire allait rester calme. Les enseignants aussi veulent partir en grève après les élèves et étudiants. En effet, dans son préavis de grève de 72 heures, la synergie des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 (Sypesco, Syneb, Synefct, Synesec Syldef, Fenarec et Coses) exige du gouvernement l’application de l’article 39 de la loi N°2018-007 du 16 janvier 2018 portant Statut du personnel enseignant de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale. La synergie mettra son mot d’ordre de grève de 72 heures à partir du mercredi 14 décembre 2022.

 

Il y a aussi un mouvement de grève en vue chez les magistrats qui avaient aussi suspendu leurs revendications. Le 9 novembre 2022, le Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la Magistrature (Sylima) ont adressé un courrier à la ministre du Travail, de la Fonction publique et du Dialogue social, Mme Diawara Aoua Paul Diallo, pour un mémorandum de préavis de grève. Le SAM et le Sylima ont porté à la connaissance de la ministre les motifs de leur mot d’ordre de grève à partir des dispositions de la loi N° 87-47 AN/RM du 10/08/1987 relative à l’exercice du droit de grève dans les services publics. Le SAM et le Sylima annoncent un mouvement commun d’arrêt de travail dans toutes les juridictions de la République du Mali à compter du 29 novembre 2022 à 07h30 pour une durée de 5 jour ouvrable, reconductibles en cas de besoin.

 

Tout est parti du fait que les magistrats ont appris l’adoption en Conseil des ministres en sa séance du 2 novembre 2022, du projet de loi portant modification de la loi 2016-046 du 23 septembre 2016 portant la loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle et que ledit projet de loi vise à modifier l’âge de départ à la retraite des membres de la Cour Suprême.

 

Pour les magistrats, cela est une violation, d’une part, de l’article 82 de la Constitution du 25 février 1992 qui dispose que « le Conseil supérieur de la Magistrature veille sur la gestion de la carrière des magistrats et donne son avis sur toute question concernant l’indépendance de la magistrature ».

 

Le SAM et le Sylima réclament l’abandon de tout processus d’adoption du projet de loi portant modification de la loi 2019-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle. Ils réclament la relecture de la loi N°02-054 portant statut de la magistrature et l’adoption des projets de décret portant plan de carrière des magistrats et celui fixant classement des juridictions.

 

Même son de cloche du côté des greffiers et secrétaires de gref qui vont commencer leur grève en début décembre prochain. Il y a aussi le comité syndical du Snesup de la Faculté de médecine et d’odontostomatologie (Fmpost) et de la faculté de pharmacie (Faph) de l’Université des Sciences et des Technologies de Bamako.

 

L’Untm, la grande centrale syndicale des travailleurs aussi se prépare à déposer des doléances sur la table du gouvernement. L’entrée de l’Untm dans la danse pourrait constituer la perte d’un grand soutien pour le gouvernement dont les priorités semblent être loin du bonheur des Maliens. La population souffre alors que la transition est occupée à poursuivre des chantiers incertains.

 

La classe politique sort de sa léthargie

 

Sur le plan politique, les réformes que le gouvernement entend mener pourraient se solder par un fiasco jamais égalé. L’écriture d’une nouvelle Constitution est l’une de ces réformes dont l’échec est déjà constatable. Plusieurs partis et regroupements politiques ont écrit au président de la transition pour lui demander de surseoir à l’avant-projet de Constitution. L’un des plus grands partis du pays, l’Adema-Pasj, a ainsi écrit pour clairement dire au chef de la transition d’abandonner la nouvelle Constitution pour préserver la paix et la stabilité du pays. Quant à l’URD, à travers son président, Gouagnon Coulibaly, elle demande une analyse attentive du document de l’avant-projet de Constitution pour le bonheur des Maliens.

 

En plus de l’Adema-Pasj et de l’URD, le Cadre des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel est monté au créneau le samedi 26 novembre 2022 pour fustiger la conduite des autorités de la deuxième phase de la transition issue du coup d’Etat du 24 mai 2021. Les griefs du Cadre porte essentiellement sur trois points. Il s’agit de la situation sécuritaire, l’avant-projet de la nouvelle Constitution, la formation d’un gouvernement inclusif de mission et la situation économique.

 

Les responsables du cadre dressent un tableau sombre de la situation sécuritaire, politique et économique du Mali. « L’insécurité se répand sur le territoire national. Le climat social se dégrade de plus en plus avec la multiplication des préavis de grève dans les secteurs de l’éducation, des magistrats et autres travailleurs de la fonction publique à travers l’Untm. La situation économique est délétère et devient dramatique et intenable pour nos concitoyens en raison du renchérissement des produits alimentaires. Dans cette situation d’incertitude, comment ne pas évoquer le cas de la présidence de la transition dans la Loi de finance rectificative de 2022 avec une augmentation de 5 milliards de FCFA sur le budget initial », ont-ils indiqué.

 

Parlant de l’avant-projet de la nouvelle Constitution, le Cadre des partis politiques estime que les bases juridiques de l’élaboration de la nouvelle Constitution ne sont pas remplies. Pour apporter une réponse aux multiples défis, les responsables du Cadre proposent aux autorités de la transition la formation d’un gouvernement inclusif de mission, l’établissement d’une carte électorale sur la base des données sécuritaires, l’audit du fichier électoral. Il invite également le gouvernement à faire la distinction entre la gestion de la situation sécuritaire et celle de la sécurité des élections.

 

Pour l’apaisement du climat politique, le Cadre demande la cessation des arrestations extrajudiciaires, des intimidations et des menaces envers des personnalités politiques et le retour de celles qui ont été contraintes à l’exil.

 

En plus de la classe politique, les démons de l’ancienne rébellion refont surface pour exiger la prise en compte de certaines revendications dans l’avant-projet de la nouvelle Constitution. Dans un document en date du 15 octobre 2022, la Coordination des mouvements de l’Azawad demande l’introduction d’un titre consacré à la région et aux collectivités territoriales. Ce qui conduira sans nul doute à l’autonomisation des Collectivités territoriales.

 

On peut dire, sans risque de se tromper, que rien n’a encore été réussi par la transition qui gagnerait mieux à réunir les Maliens. Elle est maintenant confrontée à la dure réalité de l’exercice du pouvoir qui ne peut pas se passer des compromis utiles et des partis politiques que certaines voulaient combattre. Dans tout cela, il y a le risque de rater la date de février prochain pour le référendum. Sur le terrain, la situation sécuritaire est loin d’être idéale dans les régions du nord et du centre. A cela s’ajoutent les retards administratifs dans la création des circonscriptions électorales et la distribution des cartes d’électeur.

 

Nouhoum DICKO

L’Alerte

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