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Traite des enfants talibés ou la mendicité

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Malgré l’adoption par le Mali depuis 1990 de la charte des droits de l’enfant. Les enfants talibés, que nous croisons, avec leur petite boite de conserve aux feux rouges, ou bien blottis les uns contre les autres, couchés sous les étals des marchés de Bamako, couverts de plaies, habillés de loques, vivent dans des conditions proches de l’indigence. Une équipe du Journal l’Impartial a tendu son micro a l’un d’entre eux pour s’enquérir de ses conditions de vie et d’apprentissage. Et une note à nos lecteurs, nous avons changé le nom de notre interviewé pour protéger son identité.

 

Le journal l’impartial : Pouvons-nous connaître ton nom ? Et ou est-ce que tu habites ?

 

 

Le talibé : je m’appelle M.T, j’habite à Hamdallaye, chez mon maître coranique.

 

 

L’impartial : ton maître ne va pas te punir s’il découvrait que tu as parlé aux journalistes ?

 

Le talibé : non, il nous dit souvent de parler de nos conditions de vie aux gens afin que nous puissions bénéficier de l’aide.

 

L’impartial : d’où est-ce que tu viens ? Ou sont tes parents et pourquoi tes parents t’ont envoyé ici chez le maître coranique ?

 

M.T : je viens de Mopti, mon père et ma mère sont là-bas au village. Depuis a bas âge, mes parents m’ont confié au maître coranique pour apprendre le coran afin de devenir un érudit ou marabout dans l’avenir.

 

L’impartial : Pourquoi es-tu dans la rue a pareille heure ?

 

M.T : comme mon maître jouit d’une pleine confiance de la part de mes parents, il a droit de vie et de mort sur ma personne et il n’a pas les moyens de subvenir à mes besoins. Donc après les cours du matin de 08 heure à 10 heures, ils nous demandent d’aller mendier afin de trouver de quoi à manger et à subvenir à nos besoins. Nous sommes donc obligés d’aller quémander des pièces de monnaie aux usagers afin d’apporter quelque chose au maître le petit soir.

 

L’Impartial : est-ce que le maître vous exige une recette journalière ?

 

M.T : Oui si nous n’apportons pas quelque chose le soir on risque des sanctions souvent sévères de la part du maître.

 

L’impartial : vous gagnez un peu d’argent dans la rue ?

 

M.T : oui, des fois on gagne un peu, surtout les vendredis. Mais des fois aussi c’est dur on ne gagne rien du tout.

 

 

L’impartial : êtes-vous nombreux chez le maître ? Quelles sont vos conditions d’hébergement ?

 

M.T : nous sommes plus d’une centaine d’élèves chez le maître a Hamdallaye. Nous occupons une grande cour dans laquelle il n’y a qu’une seule chambre (appartenant au maître et sa femme) et une latrine entourée de paille que nous utilisons avec le maître et un puits aussi.

 

Dans la cour il y’a un grand hangar entouré de paille qui nous sert de salle de classe la journée et de dortoir la nuit. La nuit on dort au moins à trois quatre sur une natte de prière dans la cour et ce pendant toutes les saisons de l’année. Des fois les moustiques nous fatiguent beaucoup la nuit car nous ne dormons pas sous moustiquaire faute de moyens. Et pendant l’hivernage ce n’est pas du tout facile de dormir dehors et pendant la fraicheur aussi c’est très dur quand tu n’as pas de couverture.

 

L’Impartial : comment tu trouves cette vie de mendicité ?

 

M.T : c’est une vie qui est très dure, des fois si tu ne gagnes rien, tu peux passer toute la journée sans rien manger, et puis c’est fatiguant aussi car nous sillonnons à pied presque tous les quartiers de Bamako, des fois sous le soleil ardent, sous la pluie et sous la fraîcheur aussi en quête de nourriture ce n’est vraiment pas facile.

 

L’impartial : Que souhaites-tu devenir dans l’avenir ?

 

M.T : je compte devenir un grand marabout très respecté, un “haffis-couran” dans l’avenir, retourner au village afin de m’installer là-bas.

 

L’impartial : merci M.T

 

Après les témoignages du talibé, le Journal l’Impartial a rapproché les autorités en charge de la question pour plus d’éclairage sur la situation de ces enfants marginalisés par l’état et la société toute entière.

 

C’est ainsi que le Directeur National du Développement Social du Mali, en la personne de M. Ibrahim Abba Sangaré , sans rentrer dans les détails, nous révèle les actions engagées par l’état pour pallier ce problème de mendicité au Mali. Selon M. Sangaré,la stratégie de lutte contre la mendicité des enfants talibés, tourne autour de trois volets : «Volet réinsertion : il consiste à placer des enfants auprès d’un certain nombre de maîtres artisans ou à orienter ces enfants sur des filières des filières porteuses. Le deuxième volet retenu par l’état est le volet formation. Le dernier volet qui sera le dernier acte : c’est le volet répression, La mendicité est un délit il faut qu’on soit très claire sur cela, mais on ne peut pas systématiquement appliquer cette mesure, nous pensons que cette mesure doit être appliquée que lorsqu’on aurait complètement épuisé les autres volets surtout le volet réinsertion. Il faut continuer à travailler sur la question malgré, malgré que la loi interdit la mendicité sous toutes formes».

 

Malgré le témoignage d’un ancien coordinateur de projet du ministère du développement social du Mali, sur l’impact positif de la création de cantines dans le cercle de Bandjagara sur la mendicité des enfants Talibés : « La création des cantines a permis de réduire considérablement la mendicité dans le cercle de Bandiagara. Car elle permet aux élèves coraniques de venir manger à la cantine et retourner directement à l’école, sans se promener dans les rues en quête de nourriture ».

 

 

Malheureusement, le représentant de l’état, M. Sangaré, affirme que cette action a montré ses limites. Tant bien que mal certaines organisations non gouvernementales telles que, le Bureau National Catholique pour l’Enfance (BNCE), Caritas et la Fondation pour l’Enfance au Mali essaient de soulager la souffrance de ces enfants défavorisés.

 

Selon le représentant du Bureau National Catholique pour l’Enfance M. Michel Dembele :«BNCE a Mopti intervient auprès des mendiants en leur offrant un cadre de vie dans le domaine hygiénique et sanitaire ou ils peuvent bénéficier des activités de lessives et de bains deux fois par semaine pour améliorer leurs conditions de vie.»

 

Si toutefois selon le Directeur National du Développement Social, M. Sangaré, la pratique de la mendicité est interdite, la convention relative aux droits de l’enfant adoptée et ouverte à la signature, ratification et adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989. Entrée en vigueur le 2 septembre 1990, conformément à l’article 49 cité dans son préambule « convaincus que la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour jouer pleinement son rôle dans la communauté. Reconnaissant que l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité ,doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension.»

 

Il est grand temps alors pour nos autorités d’agir et vite car l’avenir de nos pays en dépend.

 

Cet article est publié avec le soutien de

 

JDH « Journalistes pour les Droits Humains et le Fonds des Nations Unies pour la Démocratie. »

 

Diop Oumar

Source: L’Impartial

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