Le Nord du Mali regorge de nombreux groupes armés et milices, pour la plupart fragmentés à la suite de redditions partielles ou d’alliances brisées. A côté des plus ou moins structurés, plusieurs autres – souvent sans hiérarchie établie ni objectifs militaires ou politiques bien définis – ont également fait leur apparition au fil des mois. Le dernier né est le Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA). Mais, en réalité, la création de groupe armé relève d’une stratégie de défense d’intérêts personnels que ceux de leur communauté respective, pour lesquelles ils prétendent tous se battre. C’est tout simplement devenu un business. Conséquence : le pays reste divisé, sous le contrôle de groupes autonomes qui s’affrontent ou pactisent. Un échiquier dangereux qui ne favorise pas un éventuel retour à la paix.
Le 15 mai et le 20 juin derniers, un accord de paix a été conclu entre le gouvernement malien et les groupes armés du nord du Mali. Depuis, rien de concret. Les islamistes extrémistes, censés être définitivement isolés par cet accord, se sont redéployés et contrôlent des zones entières qui échappent toujours aux forces maliennes et étrangères. Et les groupes armés se créés à tour de bras, sur fond de jeux d’intérêts sordides. Aujourd’hui, à côté des groupes plus ou moins structurés, plusieurs autres – souvent sans hiérarchie établie ni objectifs militaires ou politiques bien définis – ont fait leur apparition au fil des mois. On y trouve des milices d’autodéfense ou à caractère tribale.
Moins de cinq en 2012, le Nord et Centre du Mali compte aujourd’hui au moins une bonne dizaine de groupes armés. L’enjeu ? S’attirer l’attention du gouvernement et de la communauté internationale, afin de se faire une place à table de partition du Mali et ses ressources.
Dans le startingblock de ce jeu aux allures complotiste, certaines communautés du Nord du Mali, notamment les Ifogas de Kidal. De véritables habitués aux prébendes qui font et défont les alliances et groupes armés au gré de leurs intérêts. Qui ne se souvient pas des débuts du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), grand déclencheur de cette dernière rébellion. Il est né le 16 octobre 2011 de la fusion du Mouvement national de l’Azawad (MNA) et de l’Alliance Touareg Niger-Mali (Atnm), mouvement responsable de rébellions de 2006 à 2009.
Tendance à la fragmentation…
Pendant la guerre, d’autre mouvements apparaîtront comme le Front national de libération de l’Azawad (Fnla) d’Ahmed Ould Mamoud, un mouvement arabe ni sécessionniste ni islamiste qui c’était fait connaître en avril 2012 avec sa prise de contrôle de Tombouctou.
En janvier 2013, à la suite de l’opération Serval, un groupe de transfuges d’Ansar Dine – dirigé par un autre Ifogas qui opérait de conserve avec les rebelles de Kidal – se rapproche du Mnla et fonde le Mouvement islamique de l’Azawad (Mia). Quelques mois après, le mouvement est dissout et rallie le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (Hcua) de Mohamed Ag Intalla qui lors de sa fondation le 2 mai 2013 s’appelle initialement le Haut conseil de l’Azawad (Hca). L’Aménokal Intalla Ag Attaher est désigné président et son fils Mohamed Ag Intalla en est le secrétaire général. A la création du Hca il déclare: « C’est un mouvement pacifique qui ne réclame pas l’indépendance d’une partie du nord du Mali et est contre toute idée de partition. (…) Nous sommes également contre le terrorisme. Nous voulons mettre ensemble tous les fils touareg du Nord et les autres frères pour faire la paix avec le Sud, avec tous les Maliens. » Il s’agissait là d’adapter le discours aux vœux de la France. En réalité, le Hca était sécessionniste dans ces actes et a continué à entretenir ses relations avec le groupe terroriste Ansar Dine. Dans la foulé, un autre mouvement rebelle arabe a vu le jour. Il s’inscrit dans la même logique que le Mnla et le Hcua. Et en 2014, les trois groupes rebelles pactisent et forment une alliance baptisée la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Etant ce qu’ils sont, la cohabitation entre les différents responsables fut long feu. Le 18 mars 2014, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh divorce avec le Mnla et créé son propre mouvement rebelle politico-militaire : Coalition du peuple pour l’Azawad (Cpa) pour peser dans les négociations avec Bamako. Plusieurs anciens membres du Mnla, du MAA et du Hcua ont depuis rallié la CPA.
En septembre 2016, deux autres cadres du Mnla, Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi, ont claqué la porte du mouvement. Et ils créent leur propre groupe armé : le Mouvement pour le salut de l’Azawad (Msa).
Le même mois, des responsables du Mouvement arabe de l’Azawad (Maa) de Ber officialisent leur départ de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (Cma). Ils ont rejoint la plateforme. D’autres ont suivi. Et cette semaine, le Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA) a vu le jour dans le nord du Mali. Un autre mouvement politico-armé, composé des Touaregs de la tribu des Kel Ansar. A la tête de ce mouvement, on retrouve deux hommes tous anciens membres du Mnla. Il s’agit de Hama Ag Mahmoud, ancien ministre malien ; et le colonel Abass Ag Mohamed Ahmad, déserteur de l’armée malienne qui a regagné un moment le Hcua, le Mnla avant d’intégrer aujourd’hui le CJA. Qui dit mieux ?
D’autres groupes armés constitués sur une base tribale ou communautaire, pourraient voir encore le jour. Histoire de se positionner en vue de l’installation prochaine des autorités intérimaires.
L’ensemble de ces groupes armés représente moins de danger pour Bamako qu’un mouvement armé fort et cohérent. Mais la prolifération de ces groupes armés constitue une source d’insécurité pour les populations locales et aussi un défi opérationnel pour l’armée malienne.
Sur le terrain, à plusieurs époques, des milices d’autodéfense se sont créées et ont, dans certains cas, appuyé l’action militaire. On se souvient du Mouvement Patriotique Ganda Koi (Mpgk) dirigé par Djibril Diallo, une milice songhaï de Gao, née lors de la rébellion touarègue de 1990-1996, par d’anciens soldats de l’armée malienne. Le mouvement a refait surface et est encore présent sur le terrain.
Autre milice Songhaï et Peule créée en 2012 près de Sévaré, c’est le Mouvement National de libération du Nord Mali plus connu sous le nom de Ganda IZO. Son chef est Ibrahim Dicko.
Le 21 juillet 2012, Ganda Koy, Ganda Izo et les Forces de libération du Nord (FLN) qui poursuivent les mêmes objectifs se regroupent au sein de la Coordination des Mouvements et Front patriotique de résistance (CM-FPR).
Les populations civiles victimes…
Le 14 août 2014, après la défaite de l’armée malienne à Kidal, les combattants loyalistes de la tribu des Imghad (tribus touareg rivale des Ifoghas) annoncent la création du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia). Ce groupe loyaliste (800 à 1000 hommes) est un mouvement opposé à l’indépendance ou à l’autonomie du nord du Mali. Le jour de l’officialisation de la création du mouvement, son secrétaire-général, Fahad Ag Almahmoud, déclare: « Nous venons de créer le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) pour défendre les intérêts de notre communauté dans le nord du Mali, notamment contre le Mnla. Nous sommes pour le processus de paix, nous reconnaissons l’intégrité territoriale du Mali, et nous ne réclamons pas d’autonomie. Nous voulons travailler avec le gouvernement malien pour amener la stabilité du pays. »
Alliée au Gatia, il y également la branche loyaliste du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA loyaliste) qui est un mouvement politique et militaire arabe. Créé pendant la rébellion touarègue de 2012, il s’est d’abord appelé le Front de libération nationale de l’Azawad (Flna) avant d’être rebaptisé vers la fin 2012 le MAA. En 2014, le mouvement est divisé en deux tendances : l’une alliée aux rebelles du Mnla et du Hcua, et une autre, appelée le MAA loyaliste, fidèle à l’Etat malien.
Pendant les pourparlers d’Alger, une branche du MAA se sépare finalement du mouvement et le 30 août 2014, annonce la création du Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad (Mpsa).
Cette multiplication de mouvements armés n’augure rien de bon pour le processus de paix qui accumule les retards. Lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur la situation au Mali, le jeudi dernier, le Secrétaire général adjoint des Nations Unies pour les opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous, a déploré l’absence persistante de progrès concrets dans la mise en œuvre de l’accord de paix et la dégradation de l’environnement sécuritaire qu’il juge « incompatibles avec une stabilisation durable, fût-elle partielle, de la situation ». Sur le terrain, des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères. Les Fama, principalement positionnées le long de la boucle du fleuve Niger, sont encore peu nombreuses sur les points chauds du Nord comme Kidal, Aguelhok ou la région de Taoudéni, seul un petit groupe est déployé sur Tessalit aux côtés des forces françaises.
Aussi, face à cette mosaïque d’acteurs loyalistes ou rebelles, il y a un ensemble plus diffus de mouvements jihadistes dont le projet est pour certains l’instauration d’un Etat islamique au Mali ou pour d’autres la création d’un grand califat mondial. Ces groupes qui se revendiquent aujourd’hui d’al-Qaïda ou de l’organisation Etat islamique empêchent au Mali tout véritable retour à la paix. Pas plus tard que le samedi dernier, dans la matiné, des bandits armés non encore identifiés ont fait une incursion à Tinasben et à Sahene, deux villages de Ménaka. Les bandits, arrivés à bord de véhicules, ont pris pour cible les populations civiles. Il aurait au minimum 2 morts et plus d’une dizaine de personnes enlevées.
Par Laube