La dernière sortie du Premier ministre, Dr. Choguel Kokalla Maïga, qui a critiqué devant les militants de son parti, le MPR (Mouvement Patriotique pour le Renouveau), la gestion du pouvoir, a fortement déplu aux responsables de l’Adéma-Pasj (Alliance Démocratique du Mali- Parti Africain pour la Solidarité et la Justice). Les observateurs, et même le citoyen lambda, ont noté une brusque montée d’adrénaline sur le front politique. Mais est-ce cela la seule raison de l’accélération des tensions entre les deux partis politiques que tout oppose ?
Question importante à un moment où la proclamation par la Cour constitutionnelle des résultats provisoires du référendum du 18 juin passé soumis à elle sont attendus avec fébrilité, singulièrement par la minorité qui a appelé à voter NON, laquelle nourrit encore le mince espoir d’un rejet de tout afin de leur donner une chance encore de rebelote. Ceux-là qui n’ont récolté que trois pour cent des suffrages exprimés ne sont pas seuls à souhaiter un tel rebondissement. Les formations politiques de l’ancienne classe politique, venues en masse à titre de renfort pour le OUI éclatant à l’issue du référendum, semblent avoir été désillusionnés après la proclamation des résultats provisoires par l’AIGE, en tout déçus de n’avoir pas pu élever le taux de participation contrairement aux taux des trente dernières années, afin d’en tirer toutes les dividendes politiques. Et c’est pendant que les uns et les autres cogitaient sur les meilleures attitudes à adopter après le déroulement du référendum que le Président de la Transition, Colonel Assimi Goïta, a rendu publique la composition du nouveau gouvernement conçu dans la plus discrétion jamais connue au Mali. C’était le samedi, 1er juillet, soit deux semaines après le référendum dont les résultats, est-il besoin de le rappeler, attendent d’être homologués par la Cour constitutionnelle. Le numéro 1 de la transition a ainsi dribblé les champions d’un brusque retour au-devant de ceux-là qui n’ont d’arguments que l’inclusivité au nom de l’apaisement social qui n’est en rien réchauffé que par leurs multiples velléités à eux, mais aussi le chef de l’Etat les acteurs du M5-RFP aux préparatifs des prochaines électorales, qui sont les occasions démocratiques pour se tailler des légitimités populaires. Par cette façon de faire, le Président de la transition n’a pas signifié qu’il jetait à la poubelle les ministres M5-RFP comme des oranges pourries ; il les recevra même au grand complet quelques jours seulement après au palais de Koulouba, en leur assurant que ses portes leur restent grandement ouvertes. Cette démarche tout à fait inédite en a ajouté au chagrin des tenants de l’ancienne classe politique pour qui, non seulement Colonel Assimi Goïta ne s’est pas débarrassé de Dr. Choguel K. Maïga pour nommer à sa place quelqu’un d’autre avec qui ils pourraient faire bon ménage, mais en plus il laissent intactes les possibilités d’une bonne entende avec les camarades de l’actuel Premier ministre. Une manière stratégique de signifier que le tandem Assimi-Choguel tient toujours bon et a même de beaux jours devant lui ? Dans tous les cas, le Premier ministre, qui connaît bien celui qui l’a nommé, ne s’est point senti laminé. Bien au contraire, il tient bon et, comme il ne cesse de recevoir des coups, il s’est décidé d’en donner aussi. Et dans la circonstance de malaise et de déception que vit les politiciens d’hier, il a frappé là où cela pouvait faire le plus mal : banaliser Alpha Oumar Konaré, en critiquant vertement sa gestion passée du pouvoir. Choguel, qui n’est pas né de la dernière pluie, a réussi ainsi à remettre au cœur des débats les inconduites d’un passé non encore révolu. Les réseaux sociaux s’enflamment, les choses les mieux cachées refont surface, l’Adéma-Pasj réagit, le MPR réplique. L’arène du landerneau politique national reprend ses habitudes. Les réunions clandestines sont observées çà et là. Chez un dirigeant, des responsables de l’Adéma-Pasj et du Parena se retrouvent pour peaufiner leurs attaques par influenceurs publics, des budgets sont envisagés. Dans tous les cas, il n’est plus question ni de lâcher Choguel, encore moins de laisser dormir tranquillement Colonel Assimi Goïta qui est devenu à leurs yeux, avec la nouvelle constitution, comme un demi-Dieu surgi dans l’arène et qui ne leur fera pas de place. On voit bien que les veillées d’armes seront les attractions des prochaines semaines.
Sy Eric
Source: Le National