Le Mali n’a pas un problème de création d’entreprise ou de jeunes diplômés sans emploi. Il a un problème d’honnêteté.
Le premier président Modibo Keïta a laissé un héritage plus de trente (30) usines à la progéniture. Mais hélas ! Pour des raisons de mauvaise gestion, toutes ont mis la clé sous le paillasson. Aujourd’hui, le plus grand défi à relever dans nos sociétés et entreprises n’est pas la puissance de l’infrastructure. Le plus grand défi à relever, c’est d’avoir le personnel honnête.
«Tous ceux que nous embauchons semblent avoir pour mission de voler autant que possible, de par des factures gonflées, enregistrant moins que le nombre réel d’unités produites. Le pire dans tout cela c’est que toutes les fraudes que nous avons découvertes ne sont pas commises par une seule personne, ce sont généralement de nombreux membres du personnel qui s’entendent les uns avec les autres, de la production aux ventes, en passant par les finances, même la direction.
J’ai révisé la gestion trois fois en un an. Démarrez une ferme avicole, ils voleront vos œufs. Certains vont jusqu’à tuer les poulets afin qu’ils soient autorisés à les ramener à la maison». L’homme qui tient ces propos est un banquier, ancien directeur général de l’ancienne Banque régionale de Solidarité (BRS).
Pourquoi toutes les sociétés et entreprises de l’État au Mali sont toutes parties en faillite ? Pourquoi l’État ne songe pas à les relancer ? Pourquoi le gouvernement malien a accepté le Programme d’ajustement structurel (PAS) de 1984 à 1994? Pourquoi l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) a accepté le PAS qui aurait compressé plus de cinquante mille travailleurs des sociétés et entreprises d’État ?
Pendant la période 1975 à 1985, le tableau de gestion des entreprises publiques est catastrophique. Les scandales financiers sont nombreux.
Nous n’en citerons que quelques-unes parmi les plus exemplaires: ITEMA (Industrie textile du Mali), Mali Lait, HUICOMA (Huilerie cotonnière du Mali), COMATEX-SA (Compagnie malienne des Textiles), Farako Thé, SONATAM (Société nationale de tabac et allumettes du Mali), EDIM (Éditions et imprimeries du Mali).
Le nombre d’entreprises disparues ne fait que des riches. Le procédé est souvent simple: on liquide l’entreprise, on fait fuir le directeur général. Dans un tel système, les scandales sont permanents.
La vie économique de ce grand pays de 20 millions d’âmes est ponctuée de gigantesques détournements de deniers publics sur lesquels la lumière est rarement faite. Chaque fois que les limiers remontent les filières conduisant aux vrais coupables des ordres ou des pressions retiennent leur curiosité.
La situation politique malienne n’est pas pour autant assainie. Les populations demeurent dans l’ensemble, très réservées vis à vis du régime de transition. “Démarrez une ferme avicole, ils voleront vos œufs. Certains vont jusqu’à tuer les poulets afin qu’ils soient autorisés à les ramener à la maison”. Bref, la transition peut, peut-être, réussir ce que ses prédécesseurs n’ont pas pu mener à bien: rassembler peu à peu les Maliens autour du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) et bâtir enfin une véritable nation malienne.
La composition du gouvernement et celle du Conseil national de transition (CNT) ne rassurent pas les Maliens. Les obstacles sont nombreux, méfiances accumulées, ambitions personnelles dans l’armée, et hors de l’armée, sans parler de la difficulté qu’il y a toujours à libéraliser un pouvoir fort sans être taxé de faiblesse.
Amy SANOGO
Source : Inter de Bamako