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Burkina Faso: Compaoré n’assistera pas au procès des méfaits de son régime

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Palais de justice de Ouagadougou, au Burkina Faso.

Initialement prévu de s’ouvrir le jeudi 27 avril, le procès de l’ancien homme fort du Burkina, Blaise Compaoré, et de son dernier gouvernement, a été reporté au 4 mai prochain. Ce procès examinera l’implication présumée des accusés dans la répression sanglante de l’insurrection populaire d’octobre 2014 qui avait conduit à la chute du régime. Poursuivis pour «complicité d’homicide volontaire » et « coups et blessures », ils encourent, s’ils sont reconnus coupables entre 10 et 20 ans de réclusion criminelle. L’ex-président Compaoré qui vit exilé à Abidjan, sera jugé par contumace.

Le procès de l’ancien régime qui s’ouvrira le 4 mai à Ouagadougou devant la Haute Cour de justice, est très attendu au Burkina Faso, et cela malgré l’absence certaine de son chef Blaise Compaoré dans le box des accusés. Exilé en Côte d’Ivoire depuis qu’il a été chassé du pouvoir il y a trois ans par des manifestations massives mettant fin à presque trois décennies de règne sans partage, l’ancien homme fort du pays ne comparaîtra pas devant le tribunal sous prétexte de l’irrecevabilité des poursuites engagées contre lui. « Cette affaire est grevée de vices procédurales », déclare l’avocat français de l’accusé Pierre-Olivier Sur. Tout comme Compaoré, six autres de ses anciens ministres sur les 34 personnes poursuivies par la justice n’ont pas répondu aux convocations.

L’ex-président déchu du Burkina Faso, Blaise Compaoré, au milieu de ses ministres qu’il vient de nommer le 4 janvier 2013 © AHMED OUOBA / AFP

Les Burkinabè attendent toutefois avec impatience ce procès qui a toutes les chances d’être « ce grand moment de vérité » qu’appelle de tous leurs vœux les mouvements de la société civile. Les ONG dont le Balai citoyen font depuis trois ans le siège du gouvernement pour que celui-ci accélère les travaux de sa justice, permettant de  déterminer la responsabilité des autorités de l’époque dans la répression meurtrière de l’insurrection de 2014. C’est l’un des dossiers que l’actuel président Roch Marc Christian Kaboré a trouvé sur son bureau après son investiture en décembre 2015.

« Un procès inique et naïf »

Au total, trente-trois personnes avaient trouvé la mort lors des manifestations déclenchées par la tentative de révision de l’article 37 de la Constitution, qui empêchait Blaise Compaoré de briguer un nouveau mandat présidentiel. Selon un communiqué du Parquet général, un conseil des ministres extraordinaire avait eu lieu le 29 octobre 2014 au cours duquel la décision aurait été prise de faire appel à l’armée pour réprimer les manifestants.

Dans l’ordonnance de renvoi, tous les ministres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré, excepté deux qui n’avaient pas participé à ce conseil, sont cités à comparaître devant la Haute cour de justice, seule juridiction habilitée à juger le chef de l’Etat et des ministres pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions. La justice burkinabè accuse le gouvernement en place au moment des événements d’avoir fourni par « réquisition spéciale » aux forces de défense et de sécurité les instruments et les moyens leur permettant de tirer à balles réelles sur des manifestants. L’ex-président Compaoré est cité en sa qualité de ministre de la Défense, portefeuille que le « beau Blaise » cumulait avec sa charge présidentielle.

Pour Me Sur, cette citation relève de « détournement de procédure ». « Blaise Compaoré est cité à comparaître, en tant que simple ministre de la Défense, alors qu’il présidait aux destinées du pays, s’indigne son avocat. Le président Compaoré pourrait répondre de ses actes devant le tribunal en sa qualité d’ancien chef de l’Etat, il ne peut être question pour lui de se présenter en tant que subalterne. » L’ancien bâtonnier du barreau de Paris pointe également du doigt un autre « grave » manquement de la justice burkinabè qui aurait omis d’envoyer à son client la notification procédurale. « Du coup, déclare le défenseur, le président Compaoré n’a pas accès à son dossier et, par conséquent, n’a pas les moyens de se défendre ». Et l’avocat de dénoncer un procès « inique » et « naïf » qu’il conviendra à tout prix de renvoyer !

Or, quelle que soit la suite qui sera réservée à l’affaire par les juges de la Haute cour de justice ce jeudi, le client de Me Sur n’a rien à craindre de la justice burkinabè. Principal protagoniste des événements d’octobre 2014, Blaise Compaoré sera jugé par contumace, les autorités de la Côte d’Ivoire où il a trouvé refuge après sa chute du pouvoir ayant refusé de l’extrader. C’était déjà la réponse opposée par le gouvernement Ouattara au mandat d’arrêt international lancé par le Burkina en 2015 contre son ancien président, pour son rôle supposé dans l’assassinat de Thomas Sankara il y a 30 ans.

L’exil doré de Compaoré en Côte d’Ivoire

L’homme entretient des relations privilégiées avec le pouvoir ivoirien actuel, qui a été le principal bénéficiaire de son travail de sape de la Côte d’Ivoire sous Laurent Gbagbo. Il n’avait pas beaucoup d’atomes crochus avec ce dernier. Guy Labertit qui était à l’époque « Monsieur Afrique » du Parti socialiste français se souvient de l’avoir entendu dire qu’il était un ami de Gbagbo, mais « c’est Alassane (Ouattara) qu’il faut à la Côte d’Ivoire ». Le camp Gbagbo l’accuse d’avoir hébergé la rébellion ivoirienne dite des Forces nouvelle et pro-Ouattara, puis de les avoir aidés à occuper durablement le Nord de leur pays. Il était aussi le mentor de Guillaume Soro qui prendra la tête de la rébellion ivoirienne. Devenu président en 2011 après la guerre civile ivoirienne, Ouattara lui en sait gré de l’avoir soutenu en lui fournissant des armes et des combattants pendant sa longue traversée de désert au cours des années fatidiques 2000-2010.

En retour, lorsque Blaise Compaoré s’est retrouvé en difficulté après l’effondrement de son régime à Ouagadougou en octobre 2014, le président Ouattara a envoyé son hélicoptère personnel pour aller chercher son homologue déchu à la frontière ivoiro-burkinabè, l’accueillant à bras ouverts dans son pays. « Blaise Compaoré peut rester en Côte d’Ivoire le temps qu’il voudra », aime répéter le chef de l’Etat ivoirien à qui veut l’entendre. Il est l’hôte personnel du président Ouattara. Après avoir séjourné un temps à Yamoussoukro, Compaoré vit aujourd’hui en exilé discret dans une confortable villa dans le quartier chic de Cocody.

« Sa discrétion ne l’empêche pas de rencontrer régulièrement les grands

L’ancien président burkinabè, Blaise Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire depuis 2014, a rencontré l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié à son domicile d’Abidjan, le 10 octobre 2016. © ISSOUF SANOGO / AFP

protagonistes de la vie politique ivoirienne qu’il a connus lorsqu’il dirigeait son pays, confie Rodrigues Fénelon, journaliste ivoirien. Il voyage beaucoup et reçoit, notamment son avocat parisien et plus récemment une délégation des partis politiques burkinabè dans le cadre d’une mission de réconciliation nationale au Burkina Faso. »

L’ancien homme fort a aussi acquis la nationalité ivoirienne à laquelle il avait d’ailleurs droit étant marié à une Ivoirienne. Le décret de naturalisation signé par le président Ouattara en personne le protège contre les demandes d’extradition par la justice burkinabè. « La Côte d’Ivoire n’extrade pas ses ressortissants, notamment vers des pays où le code pénal prévoit la peine de mort, ce qui est le cas du Burkina », rappelle le journaliste ivoirien.

C’est sa naturalisation ivoirienne qui explique d’ailleurs que Blaise Compaoré ne sera pas présent ce jeudi au procès qui tient les Burkinabè en haleine. « Son absence n’interdit pas qu’il suit de près l’évolution de son pays, confie son conseil Pierre-Olivier Sur. Il est surtout préoccupé par ce qu’il estime être l’effondrement de l’Etat au Burkina, avec en contrepartie la montée du terrorisme. »

 

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Source: RFI

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