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Office central de lutte contre l’enrichissement illicite : Démission en cascade avant et après la prestation de serment

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Les fonctionnaires refusent de se soumettre à la déclaration des biens

Quel avenir pour la structure ?

A peine installé par la volonté du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta,  en vue d’imprimer sa marque dans l’assainissement de l’Administration malienne et la lutte contre la corruption et la délinquance financière, l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI) baigne déjà en eau trouble. En plus de la démission précoce de trois de ses membres dont deux avant même leur prestation de serment, l’Office est secoué par une rébellion du Syndicat national des Travailleurs de l’Administration d’Etat (SYNTADE) qui refuse de se plier aux exigences de la nouvelle structure, plus particulièrement l’exercice de déclaration des biens. Dans une circulaire en date 19 juillet 2017 et signée de son secrétaire général, Yacouba Katilé, le syndicat invite ses militants à ne procéder à aucune déclaration de biens à ladite structure de contrôle et engage avec elle un bras de fer aux conséquences graves.

Sans doute, la bataille en vue s’annonce rude au regard du poids des fonctionnaires (incarnés ici par le SYNTADE) et de la détermination de l’OCLEI à donner un contenu à la promesse de campagne du président IBK de traquer les délinquants des deniers publics. Qui aura le dernier mot? Difficile de le prédire.

En effet, si la création de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite répond à la volonté des plus hautes autorités du pays d’intensifier la lutte contre la corruption et la délinquance financière au Mali (un vœu cher au président IBK),  les fonctionnaires du SYNTADE crient à une atteinte à la vie privée qui les expose à une insécurité, à des conflits, à des dénonciations tendancieuses qui briseraient l’élan de collaboration, de synergie dans le travail et le bon voisinage.

Non à la déclaration des biens !

Le gouvernement parviendra-t-il à exercer l’autorité de l’Etat face aux poids lourds de l’Administration malienne? En tout cas, ceux-ci entendent ne pas se laisser faire.

Ainsi, dans une lettre circulaire du 19 juillet 2017, le secrétaire général du SYNTADE et non moins patron de l’UNTM, Yacouba Katilé, ouvre les hostilités en demandant à ses collègues de ne pas se soumettre à la déclaration de biens demandée par l’OCLEI. « Recommandons à tous travailleurs et travailleuses relevant du SYNTADE de:
• Ne donner aucune suite écrite ou verbale à la demande de déclaration de biens, qui n’existe dans la fonction publique d’aucun pays au monde.
• Signaler aux structures syndicales, toute velléité de répression pour le refus de se plier aux exigences de l’Office central de lutte conte l’Enrichissement illicite.
• Continuer leurs activités professionnelles dans la sérénité, dans la loyauté, et non dans la peur perpétuelle d’être jetés en pâture, et de voir leur honneur trainé dans la boue.
• Tout en adhérant sans réserve à la moralisation de la vie politique, économique et financière, à la lutte contre la corruption et l’Enrichissement illicite, le Bureau Exécutif National du SYNTADE, par votre rejet unanime d’une loi injuste, inéquitable, anachronique, vous assure de sa détermination à entreprendre toute action d’envergure pour imposer le respect de vos professions et de vos personnes »
, dit la circulaire qui montre la détermination du syndicat à croiser le fer avec l’Office.

Le syndicat va plus loin dans sa menace en demandant le retrait pur et simple de la Loi N°2014-015 du 27 mai portant création de l’OCLEI.

De quoi le SYNTADE a-t-il peur ? L’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite vise-t-il plus le SYNTADE que les autres fonctionnaires de l’Etat concernés la nouvelle mesure? La mesure de déclaration de biens est-elle sélective ?

En tout cas, le secrétaire général du SYNTADE dénonce une chasse aux sorcières ciblée: « La politique de discrimination, de stigmatisation des agents des services financiers, d’assiette et de recouvrement, indexés comme étant coupables de corruption, d’Enrichissement illicite et la soustraction volontaire à la loi de certaines catégories de personnes devant être assujetties: le Président de la République, les Ministres, les Députés ». C’est dire qu’une grève des camarades de Yacouba Katilé n’est pas à exclure.

Alors, s’achemine-t-on  vers une crise économique des plus cancérogènes au Mali? En attendant une réaction formelle du gouvernement, le pire est à craindre au regard de la détermination des frondeurs et de leur importance dans le fonctionnement de l’administration malienne.  Car, une éventuelle grève illimitée des travailleurs de l’Administration d’Etat aujourd’hui risque fort de couter cher à l’Etat avec comme conséquence grave la cessation de toute activité économique et même la cessation de paiement.

Il faut noter que le SYNTADE est un puissant syndicat des travailleurs par la qualité de ses membres affiliés dont le syndicat de la douane, un service qui renfloue les caisses du trésor public en ces temps de vache maigre.

Démissions dès le départ

En plus de cette crise externe, l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite fait face aussi à une crise interne. En effet, de  mars 2017 (date de nomination des membres) à nos jours, l’Office a enregistré trois départs dans des circonstances inattendues et (presque) similaires.

La première démission est survenue dès la prise du décret du 10 mars 2017 portant nomination des membres de l’Office central. Selon le président de l’Office, Moumouni Guindo, ce membre a noté qu’il existe, en ce qui le concerne, une situation de conflit d’intérêts avant de demander à être remplacé.

« Le deuxième cas est survenu en avril 2017, lorsqu’un des membres, après avoir examiné les tenants et les aboutissants de la situation, a avisé qu’il ne pouvait exécuter sa mission en suivant l’esprit et la lettre des textes qui régissent l’Office central. Ce membre a été remplacé en juin 2017.

Le troisième cas est survenu en juillet 2017 : un membre a pris l’option d’arrêter ses fonctions au sein de l’Office central pour raisons personnelles, tenant notamment à la continuité de son activité professionnelle », a expliqué le président dans une interview accordée à notre confrère « Aujourd’hui-Mali ».

Dans la foulée de ces démissions en cascade, le président Moumouni Guindo tente de calmer le jeu. A l’en croire, tous les départs concernent des représentants du secteur privé au sens large. Ces représentants éprouvent de réelles difficultés à concilier leur activité professionnelle avec les contraintes imposées par la loi aux membres de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite qui  doivent se consacrer exclusivement à l’Office central pendant toute la durée de leur mandat.

Toutes choses qui font déjà trop de problèmes pour la jeune structure censée balayer au propre devant les portes des structures administratives maliennes. Qui pourra sauver l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite de ce gros tourbillon qui présage de l’emporter dans son berceau?

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Youssouf Z Kéïta

Source: Infos Soir 

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