Dans une interview accordée à RP-MEDIAS, postée le 9 août dernier sur Youtube, l’ancien Premier ministre, Moussa MARA, dénonce une situation de ni paix, ni guerre du fait de l’inapplication de l’Accord ; l’inoccupation du territoire par l’Etat qui ne favorise pas la sécurité ; les faiblesses, les handicaps qui sont liées à nos forces armées qui n’arrivent pas encore à retrouver l’efficacité nécessaire pour sécuriser notre territoire.
Celui qui dit n’être d’aucun camp juge pertinente la révision constitutionnelle pour deux raisons : la nécessité d’actualiser la Constitution ; les éléments positifs de la loi référendaire. Toutefois, le temps d’expurger du texte des éléments négatifs, il demande au Président de reculer, d’écouter les forces vives, notamment la société civile, prendre en compte les doléances et corriger tous les aspects problématiques, négatifs du projet pour ensuite ultérieurement le représenter.
Pour MARA, les Partis doivent retenir de la grogne actuelle, des leçons pour travailler à être plus crédibles et non forcément essayer de la manipuler à leur profit. Aussi, ne voit-il en Ras Bath beaucoup plus une illustration d’une situation de mal-être, d’une situation que les Maliens vivent difficilement qu’autre chose.
Bonjour, monsieur le ministre, merci de nous recevoir pour cette interview. Comment est-ce que vous analysez l’enlisement sécuritaire et politique au Mali ?
Mara : Bon, l’enlisement politique et sécuritaire, c’est deux choses différentes. Il y a la situation politique aujourd’hui qui se caractérise essentiellement par les questions liées au projet de référendum. Je pense que nous allons en parler parce que vous avez un certain nombre de questions là-dessus et il y a la situation sécuritaire qui est la plus importante, parce que c’est ce qui touche la vie des gens. C’est ce qui touche la sécurité, l’insécurité physique de nos compatriotes, c’est en raison de cette situation que des gens perdent la vie, c’est en raison de cette situation que des gens n’arrivent pas à travailler correctement, à commercer. Cette situation est beaucoup plus grave aujourd’hui.
À mon avis, il y a plusieurs facteurs qui expliquent sur le plan sécuritaire que nous n’arrivons pas encore à prendre le dessus aujourd’hui grâce aux moyens intrinsèques de l’État. Je pense que le premier élément c’est la mise en œuvre difficile de l’Accord de paix. L’accord de paix, son objectif justement c’est de faire en sorte que la sécurité soit une réalité sur l’ensemble du territoire.
Aujourd’hui l’Accord de paix n’est pas mis en œuvre à 10%. Il y a des retards de part et d’autre, il y a des retards liés au gouvernement, il y a des retards liés aux groupes armés. Le fait qu’on n’applique pas l’Accord de paix ça crée une situation de ni paix ni guerre qui favorise les fauteurs de trouble, les bandits, les terroristes et tous ceux qui ont intérêt à ce que l’insécurité grandisse. Ça, il y a cette question qui est importante.
La deuxième question, je dirais la priorité qui n’est pas encore accordée à la sécurité, la priorité qui n’est pas encore accordée à l’occupation du territoire par l’État malien, par l’administration malienne par les forces de sécurité malienne. Moi je ne sens pas véritablement que nos gouvernements successifs et notre gouvernement actuel a cela comme objectif cardinal. Alors que sans présence de l’État sur le territoire, il est difficile que la sécurité puisse régner, la nature a honneur du vide. Les problèmes communautaires que nous avons dans le Macina, dans le delta central, mais aussi aujourd’hui dans la région de Mopti vers l’Est dans le pays dogon, ce sont des problèmes qui sont dus au fait qu’il y a pas de justice, il y a pas d’administration du territoire, il n’y a pas de gendarmes, il n’y a pas de gardes.
Les gens ont tendance à se faire justice eux-mêmes et d’escalade en escalade on assiste à des problèmes entre les communautés. Il faut qu’on fasse en sorte qu’indépendamment du processus de paix, que la présence sur le territoire soit une priorité absolue pour l’Etat, quoi que cela en coûte. Donc que l’État essaye de progresser partout où cela est possible, partout où cela est souhaitable, quitte à ce que, comme je l’ai dit tout à l’heure, que nous subissions des destructions, mais nous devons poursuivre absolument la recherche de présence de l’État sur le territoire.
Je pense que d’un côté on a la mise en œuvre difficile de l’Accord de paix, d’autre côté, nous avons la question de la présence de l’État sur le territoire et en troisième position, je pense, nous avons les insuffisances, les faiblesses, les handicaps qui sont liés à nos forces armées, nos forces de sécurité qui n’arrivent pas encore à retrouver l’organisation, le dynamisme, les équipements, la motivation, l’efficacité nécessaires pour sécuriser notre territoire par leur fait. Il y a aussi le fait que nos forces sont encore en convalescence ; donc il faut agir sur tous ces aspects pour qu’on puisse sécuriser davantage le territoire et à sécuriser davantage nos compatriotes et donc à ramener la confiance entre les Maliens.
Je ne suis dans aucun camp. Parce que je trouve qu’être dans un camp aujourd’hui est réducteur. La position de notre parti qui est ma position personnelle est une position, je dirais, est située un peu entre les deux camps. C’est pourquoi d’ailleurs nous sommes accusés par les deux camps. Ceux qui sont dans le Oui considèrent que nous sommes populistes, des gens qui sont grosso modo dans la Majorité présidentielle pour une large part, certains nous traitent même de traîtres. Ceux qui sont dans le camp du Non estiment que nous ne sommes pas suffisamment courageux et que nous avons fait une position mi-figue, mi-raisin. Nous avons souhaité depuis le début adopter une position de modération dans cette situation. Pourquoi une position de modération ? C’est qu’il y a une explication.
La première des explications c’est que le parti Yèlèma et ma personne moi-même Moussa MARA, je pense, que la révision de la constitution est indispensable. Je l’ai écrit plusieurs fois je le dis. Elle est indispensable pour appliquer l’Accord de paix, elle est indispensable aussi parce que notre constitution mérite d’être actualisée, c’est une constitution est assez vieille il y a eu déjà plusieurs tentatives comme vous le savez.
Le second élément c’est que ce qui a été engagé par le gouvernement actuel, par le Président Ibrahim Boubacar KEITA, il y a du bon dedans, il y a des éléments qui sont positifs dans le projet, mais il y a des éléments qui sont négatifs aussi. Quand vous avez une situation où vous avez un travail qui est inachevé, je pense que l’idéal c’est que vous essayez de corriger ce travail de tous les aspects négatifs. C’est pourquoi le parti et moi-même nous avons estimé que le Président doit reculer, écouter les forces vives, notamment la société civile, prendre en compte les doléances et corriger tous les aspects problématiques, négatifs du projet pour ensuite ultérieurement le représenter afin que nous puissions avancer dans la mise en œuvre de l’Accord de paix. C’est cela notre position, effectivement cette position elle n’est pas « sexy» entre guillemets, puisqu’aujourd’hui quand les passions sont exacerbées les gens voudraient qu’on ait une position claire, je suis d’accord, je ne suis pas d’accord.
Nous estimons que dans une situation de ce type il est très réducteur et finalement pas très productif de dire simplement Oui ou de dire simplement Non. Notre souhait est que le chef de l’État entende les grognes des uns et des autres, qu’il recule, qu’il réécoute les Maliens, notamment la société civile, la plateforme An tè a bana en l’occurrence, qu’il corrige le projet de tous les aspects négatifs et de tout ce qui lui est reproché et souvent à juste raison et ensuite qu’il reprogramme le référendum à un moment déterminé.
Nous avons souhaité d’ailleurs, nous avons fait une proposition en la matière, c’est-à-dire le 26 novembre, la date qui est prévue pour les élections régionales et du District. C’est cette position qui est la nôtre depuis juin et c’est cette position qui est la nôtre aujourd’hui. Maintenant nous sommes dans une période où le Président est en train d’écouter les uns et les autres, j’espère qu’il tirera la conclusion que nous lui souhaitons. Maintenant quand il continue d’avancer, ça, c’est un autre sujet nous aviserons en ce moment.
L’une des principales fonctions d’un parti politique c’est l’éducation du citoyen qui est au cœur de vos actions depuis un moment. C’est quelque chose qui revient très souvent dans vos analyses, l’éducation sociale du citoyen. Aujourd’hui si le parti Yèlèma ne prend pas vraiment une position on ne voit pas une campagne de sensibilisation à la base ; comment tout ce beau monde que Yèlèma a, que ce soit au Mali ou à l’étranger, peut se positionner par rapport à quelque chose d’aussi important pour la Nation malienne ?
MARA : Nous, nous estimons qu’aujourd’hui qu’il est prématuré de se positionner. Moi je respecte ceux qui sont dans le camp du Non, comme je respecte ceux qui sont dans le camp du Oui. J’ai beaucoup d’amis dans ceux qui sont dans le camp du Non, j’ai des amis dans ceux qui sont dans le camp du Oui, je respecte.
Mais je dis aujourd’hui la situation de notre pays est tellement complexe qu’on ne peut pas la résumer par un Non ou par un Oui. La situation du pays est complexe on vient de parler d’insécurité vous avez d’autres éléments en rapport avec les problèmes de l’État, la question de la drogue, la question de la réconciliation, les destructions passées, la question de la justice, on ne parle même pas de la question de la corruption.
Quand une situation est complexe et que nous devrions y apporter une réponse appropriée, je pense que cette réponse elle est rarement aussi simple qu’un Oui ou un Non. C’est pourquoi, nous, nous avons une position de construction, c’est de dire ce processus de révision constitutionnelle est justifié par le fait que nous avons signé un Accord, est justifié par le fait que notre Constitution est une Constitution qui date déjà de plus d’un quart de siècle.
Moi-même en tant que Premier ministre en 2014, j’avais annoncé la révision constitutionnelle dans ma Déclaration de politique générale. Tout ça montre bien la nécessité d’aller vers cela. Maintenant un processus a été engagé, ce processus a des insuffisances, corrigeons les insuffisances, mais avançons. Je pense qu’il y va de l’intérêt de notre pays aujourd’hui que de mettre en œuvre l’Accord de paix, que d’avoir un texte constitutionnel qui soit moderne et qui soit soutenu par les Maliens qui verraient une part de leurs aspirations prise en compte.
Notre position est expliquée partout sur le territoire à nos militants et l’essentiel de nos militants la partage, parce que c’est une position à mon avis sage. La solution ce n’est pas le Oui ou le Non, la position c’est un Oui après avoir pris en compte les positions des gens du Non. C’est-à-dire qu’on puisse organiser demain un référendum comme on l’a fait en 92 après que l’essentiel des Maliens se soit retrouvé dans le texte. Et donc tout le monde puisse aller voter tranquillement OUI pour ce projet constitutionnel qui a l’assentiment de l’essentiel de nos compatriotes, c’est ça l’idéal.
L’idéal ce n’est pas de confronter, c’est-à-dire que le Oui montre qu’il est plus nombreux que le Non, que le Non montre qu’il est plus nombreux que le Oui. Ce n’est pas cela. Aujourd’hui, pour faire face au problème du Mali, je pense que nous n’avons pas besoin de division, nous avons suffisamment de problèmes. Je parlais tout à l’heure d’affaiblissement de nos forces armées et de sécurité, de l’Etat qui n’est pas présent sur une bonne partie du territoire, de l’État qui ne fonctionne pas très bien à travers la justice ici ou au-delà , y compris à Bamako, des problèmes d’emplois des jeunes. On a suffisamment de problèmes pour se diviser sur un texte aussi important.
Mais là c’est le chef de l’État qui doit faire un effort, ce n’est pas ceux qui disent Non qui doivent faire un effort, c’est le chef d’État qui est aux affaires et c’est lui qui doit conduire notre pays, c’est à lui d’entendre les voix de la sagesse qui se prononce pour aller dans la bonne direction. Moi personnellement c’est ce que je pense et là, les citoyens, à mon avis, devraient se retrouver. Simplement qu’il n’y ait pas de grognes sociales, parce que j’estime encore une fois que la grogne sociale bien que quelques fois légitime, parce qu’il y a des Maliens qui ont de véritables plaies, qui vivent dans des situations difficiles et donc qu’ils expriment un peu par cette situation leurs désarrois, leurs problèmes d’emploi, leurs problèmes de formation, leurs problèmes de revenu.
L’idéal c’est que l’Etat, mais aussi l’ensemble des décideurs parmi lesquels nous nous trouvons, que nous agissions si nous avons la possibilité pour qu’il n’y ait pas de grogne sociale. Notre pays ne doit pas se permettre d’aller de grogne sociale en grogne sociale. La grogne sociale c’est des opportunités perdues pour travailler, créer de la richesse, se donner encore davantage la main et avancer. J’estime que nous devons travailler à ce qu’il n’y ait pas de grogne sociale plutôt que comme on le voit malheureusement ici ou là, notamment au niveau de certains politiciens rivaliser d’ardeur pour être les leaders de cette grogne sociale. À mon avis, il faut être les leaders de la construction sociale plutôt que d’être les leaders de la grogne sociale.
Comme je dis, moi j’aurais souhaité que ça n’existe pas. Il y a un phénomène qui est profond dans notre pays sur le plan politique, c’est le recul des partis politiques, tous les partis politiques confondus, Majorité ou Opposition. Les Maliens se reconnaissent de moins en moins dans les partis politiques. Donc ce phénomène qui apparaît depuis quelques années, là on le voit dans plateforme An tè a bana, une illustration la plus éclatante, parce que c’est la société civile qui est leader ce n’est pas les partis politiques qui sont leaders de cette Plateforme. Pour moi, il y a un véritable défi pour les partis politiques.
C’est comment faire en sorte que nous nous retrouvions la crédibilité d’antan, la capacité d’entraînement, la popularité et la capacité de mobilisation dans le temps qui était peut-être là il y a 20 ans, il y a 30 ans. Il faut que les partis se posent cette question, qu’est-ce qui fait qu’ils ne sont pas crédibles aujourd’hui et donc aujourd’hui dans une opération de ce type, dans une grogne sociale, un sujet qui est quelquefois très politique comme le sujet de la réforme constitutionnelle que ce soit la société civile qui soit leader ou non, les partis politiques.
Moi je préfère plutôt retenir ça, que les uns et les autres essayent de retrouver de la crédibilité et de l’influence, à travers des grognes sociales de ce type, mais je pense qu’il faut savoir les dépasser, finir ce dossier et si demain ou après-demain il y a des consultations électorales, des élections régionales, des élections locales qu’il y ait de vrais débats des projets de société, des candidats de crédibilité que les populations puissent voter. C’est deux choses différentes, je sais bien que dans la grogne sociale il y a beaucoup de gens qui aimeraient en découdre immédiatement, certains disent même changer de régime, mais on n’en est pas là. Le pouvoir se donne par les urnes et il faut que cela soit le cas, c’est ça la démocratie.
Mais les partis doivent retenir de cette situation beaucoup de leçons pour travailler à être plus crédibles et non forcement essayer de la manipuler à leur profit. Parce que je l’ai dit encore à quelqu’un aujourd’hui quand vous arrivez au pouvoir sur le dos de la foule un jour ou l’autre vous risquez de fuir le pouvoir sous les huées de la foule.
Il faut faire attention à ces genres de situations. Ce qui se passe par rapport à la plateforme est quelque chose de légitime et c’est même positif puisque les citoyens se lèvent, ils disent qu’ils ne sont pas d’accord. Il faut que l’État en tire les leçons qu’il faut, mais que les politiciens ici ou là essayent d’en profiter, ils devraient plutôt se poser des questions plus profondes sur leur incapacité à mobiliser autant et qu’est-ce qu’ils doivent faire comme remise en question pour arriver à ces résultats ultérieurement. Le pouvoir se donne par les urnes, moi je pense, il faut qu’on reste dans cette direction. Ceux qui aspirent au pouvoir ne doivent pas toujours être en train de chercher un levier sous forme de grogne sociale, sous forme de crise pour arriver au pouvoir par effraction. Je pense que ça, il faut l’éviter fondamentalement.
La deuxième chose, ça on le voit clairement dans notre pays, le leadership a failli et quand le leadership a failli la population cherche d’autres alternatives. Ces alternatives populaires ne sont pas toujours constructives on l’a vu ailleurs. Il est souhaitable que dans le leadership on travaille à amener des hommes et des femmes qui soient désintéressés, qui soient compétents et qui puissent, dans leurs actions, amener progressivement la population à faire confiance aux leaders. C’est cette confiance qui n’existe pas aujourd’hui et qui fait que les décideurs ne sont pas vraiment populaires, les décideurs politiques surtout et les décideurs publics de manière générale. Parce qu’il y a beaucoup de travers, la corruption, l’enrichissement sans cause, beaucoup, beaucoup, beaucoup de travers, il faut le reconnaître.
Nous avons, nous qui avons des aspirations à exercer le pouvoir, du boulot et la première de notre tâche c’est de faire en sorte qu’arrivent aux responsabilités des hommes et des femmes qui sont capables, honnêtes, désintéressés, qui ne vont pas arriver au pouvoir pour se servir, mais pour servir. Quand on le fera, avec le temps à mon avis, les choses redeviendront normales.
Mais dans la situation actuelle où on n’a grosso modo ni tête ni queue, ça va dans tous les sens, c’est aussi emblématique du fait que les leaders ont failli. Ça, je pense qu’il faut le reconnaître. Du coup les leaders devraient se remettre en question plutôt que d’essayer de courir derrière les grognes sociales et essayer de les manipuler à leur profit. À mon avis ils n’y arriveront pas. À un moment ou à un autre ils se feront démasquer et le retour de bâton risque d’être compliqué. Le vrai problème c’est le leadership malien, les élites politiques maliennes qu’ils se remettent en cause et qu’ils travaillent véritablement à ce pour quoi on doit les mettre aux responsabilités, c’est-à-dire répondre aux attentes des Maliens. Quand on le fera, je pense, oui, la confiance pourra revenir.
Depuis 20 ans que je le connais, c’est-à-dire depuis qu’il est à l’École nationale d’administration, ensuite il a fini l’École nationale d’administration, il a un peu travaillé ensuite, il est allé faire des études au Sénégal, il est revenu, je l’ai toujours vu égal à lui-même. Tout ce qu’on constate aujourd’hui, on le découvre simplement, le grand public qui découvre, mais moi je l’ai vu comme ça depuis 20 ans, il est toujours dans la dénonciation de ce qui ne marche pas. Dans un carré déterminé, dans une commune déterminée, dans un quartier déterminé, dans un marché, partout jusqu’à aujourd’hui.
Donc ce qui arrive, c’est simplement avec le développement des réseaux sociaux. Il a explosé, les Maliens l’ont connu, mais moi je sais ce qui arrive ce n’est pas surprenant. Ce que je peux dire c’est que personne ne le contrôle, pas plus moi qu’X ou Z, parce que c’est quelqu’un qui est justement désintéressé, à mon avis, qui sait se contenter de peu et qui n’a pas d’ambition d’enrichissement personnel, en tout cas il ne compte pas le faire de manière indue si ça devait lui arriver. C’est quelqu’un qui est profondément patriote, profondément attaché au pays et qui est sans compromis.
C’est ce qui arrive des fois à quelques excès qu’on entend ici ou là dans son langage ou dans ses actes. Tout ça fait partie du personnage. Moi je dis aussi simplement que ça, je ne l’ai pas contrôlé, je l’ai jamais contrôlé, et personne ne pourra jamais le contrôler parce qu’il est comme ça, il y a des individus qui sont comme ça.
Au demeurant, à mon avis, le succès de Ras Bath aujourd’hui est l’illustration du désaveu des Maliens vis-à-vis de la chose politique, vis-à-vis de la chose publique. Il est plus une illustration d’une situation de mal-être, d’une situation que les Maliens vivent difficilement qu’autre chose. C’est pourquoi souvent on a l’habitude de le dire, quand on montre la lune il ne faut pas regarder le doit qui montre la lune, c’est la lune qu’il faut regarder. Donc ce qu’il dénonce c’est beaucoup plus important que lui-même. Si on travaille sur ce qu’il dénonce, ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui s’ils corrigent ce qu’il dénonce, à mon avis, il ne serait pas aussi populaire que ça.
Ras Bath c’est un thermomètre, il faut qu’on le comprenne ainsi et il est à ce titre très utile pour notre démocratie, il est à ce titre très utile pour notre pays. Nous devrons avoir d’ailleurs plusieurs personnes comme lui qui jettent la lumière crue sur la gouvernance publique. Cela va ouvrir les jeux aux populations, cela va inciter, je pense, les gouvernants à faire des efforts pour satisfaire aux attentes des populations.
Pour répondre à votre question, je suis désolé de contredire, ou je suis désolé de décevoir ceux qui pensent que c’est moi qui le contrôle, mais il n’est pas contrôlable.
Personne ne le contrôle, je n’ai jamais vu personne le contrôler. Quelques fois je pense que c’est bon pour un pays qu’il y ait des gens indépendants qui dénoncent, qui mettent en lumière des choses qui sont négatives et qui contribuent à ouvrir les yeux aux populations. Cela va davantage former les populations, les conscientiser et les orienter à faire des choix justes sur X, Y ou Z.
Moi j’estime que c’est tout à fait positif. Il est arrivé à Ras Bath de me critiquer quand j’étais maire, de me critiquer quand j’étais ministre ou Premier ministre, de me critiquer même aujourd’hui. Comme moi je ne suis plus aux affaires, je peux comprendre que la critique concerne un peu plus ceux qui sont aux affaires. Il est arrivé aussi à Ras Bath de critiquer le parti Yèlèma qui gère la mairie de la commune IV en plusieurs occasions.
Il est indépendant, il faut que nous le comprenions, il faut que tous ceux qui l’accusent d’être acheté ou géré par X ou Y comprennent et le laissent travailler. Maintenant à chacun, notamment à ceux qui sont au pouvoir, de faire en sorte qu’il n’ait pas de choses à dénoncer et là, je pense, le phénomène restera un phénomène plutôt timide.
A mon avis choquer pour éduquer, caresser pour éduquer ou informer pour éduquer, éduquer pour moi, c’est le plus important. Quand les Maliens atteindront un niveau d’éducation politique, sociale, citoyenne élevé, c’est le pays qui en bénéficiera. Ça veut dire qu’ils seront des électeurs avisés, qu’ils ne seront pas des électeurs achetables ou achetés par exemple. Cela veut dire donc qu’il y aura des chances qu’on élise des responsables sur leur personne, leurs projets, leurs trajectoires, plutôt que sur leurs portefeuilles. Fondamentalement c’est positif pour le pays.
Cela veut dire aussi que les citoyens resteront engagés derrière leurs élus ou face à leurs élus. Ce qui va obliger ceux-ci à exécuter ou à respecter ce qu’ils ont promis pour arriver aux responsabilités. En tout point de vue, des chroniqueurs, des personnes, des blogueurs, des activistes, comme ceux-ci comme d’autres, moi je trouve qu’ils sont utiles comme la presse classique.
S’ils agissent honnêtement, s’ils ne sont pas achetés pour être orientés contre X, Y ou Z, s’ils font leurs activités de manière indépendante. Moi je pense personnellement que c’est tout à fait positif. Je ne suis pas sûr aussi que notre culture et notre société ne puissent s’adapter à cette forme de citoyenneté active. Je dirais même que c’est absolument indispensable dans un contexte ou la jeunesse est quand même majoritaire.
Je pense qu’il vaut mieux orienter les énergies de la jeunesse dans la construction, plutôt que de laisser la jeunesse à elle-même et qu’elle devienne une sorte de masse sans tête ni queue qui pourra être manipulée ou orientée au gré des intérêts de certains. Plus les jeunes sont nombreux, plus on a besoin d’avoir des jeunes citoyens, actifs, organisés, pouvant s’engager pour les causes justes, pouvant aussi bousculer tout à fait des gouvernants. On le voit dans tous les grands pays au monde, les gouvernants ne sont pas dans leurs jardins.
Être responsable, c’est un moment de pénitence, c’est un moment de souffrance, c’est une charge. On le dit d’ailleurs en terme juridique, c’est une charge. Il faut que nos gouvernants le comprennent et qu’ils ne comprennent pas la responsabilité ou la fonction comme un profit, comme justement une source d’enrichissement. Il faut qu’ils la considèrent, au contraire, comme une charge pour servir, pour respecter leurs promesses, pour faire le bonheur du peuple.
Si on a des aiguillons de ce type qui sont là pour les rappeler, pour moi, c’est vraiment tout à fait positif. Moi je vois ces choses de manières positives et je pense que ça participe de la progression de la démocratie dans notre pays, et donc, de la progression de notre pays tout court vers le bien-être de nos compatriotes. Du courage rebelle pacifique, continuez-vous aussi très impertinent, je sais que l’impertinence est une marque de fabrique de rebelle pacifique avec vos questions quelques fois gênantes, mais qui sont tout à fait utiles. J’ai toujours eu les meilleurs rapports avec vous malgré des moments de tensions, mais ça fait partie de la vie tout ça.
Bravo à vous et bonne continuation.
Mara révision constitutionnelle Président doit reculer
Transcription libre de Info-Matin