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Le problème du Mali est politique

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Le problème du Mali est politique. Le manque de courage et la fausseté de notre classe politique et de nos leaders communautaires rendent difficile toute solution pérenne. La solution ne viendra que des Maliens. Ni Berkane, ni la Minusma ne peuvent répondre aux questions essentielles :

A/ Les Arabes et les Touaregs sont-ils Maliens ? Je sais que Oui. B/Que devons-nous déduire de ce postulat évident comme actions ? L’originalité malienne : le Mali dans la gestion des populations du Nord a utilisé des méthodes aux conséquences désastreuses pour l’unité nationale. Je ne peux croire un instant que les Pères fondateurs de la République du Mali et leurs successeurs l’ont fait sciemment. Sans être complet, je propose au moins trois erreurs qui ont failli être fatales à l’intégrité territoriale.

Sommes-nous, Maliens ?

1/Au Mali depuis l’indépendance, il y a un combat (soft et parfois violent) au sein même des communautés du Nord du Mali pour savoir si OUI ou NON nous sommes Maliens. Cela ne cessera selon moi que quand le Mali donnera des raisons valables à nos populations d’être et de rester Maliens. Depuis l’indépendance, malgré ma passion pour le Mali et mon nationalisme, force est de reconnaître que c’est un échec. Cet échec est lié à l’ADN de la République du Mali, car au cours des négociations des indépendances, des tribus comme la mienne (Les Chorfas) ont fédéré les populations pour mettre en minorité les partisans d’une séparation d’avec Mali. Mais à l’indépendance, quelle ne fut la déception de voir remis en cause les statuts, les coutumes et les mœurs de nos populations par un Etat hyperpuissant et souvent par l’utilisation d’une force disproportionnée pour réprimer les «récalcitrants».

La plus grande déception de nos populations concerne l’accaparement de nos terres particulièrement au niveau de mes frères Kel Antessar, de nos familles de Tombouctou et dans le Gourma, au profit de nos voisins qui travaillaient et s’installaient sur ces terres avec notre assentiment. L’Etat central a été manipulé et croyait probablement bien faire en affaiblissant une élite riche de symboles, de noblesse et de culture. Le Mali s’est comporté comme en territoire conquis, les populations ont été mises au pas mais, plus grave, ont été instrumentalisées les unes contre les autres (d’abord à travers un découpage électoral ensuite à travers des milices supplétives). Pourtant, comme j’aime à le dire sans polémique, «Nous les Arabes et les Touaregs sommes les seuls à avoir choisi d’être Maliens» et malgré cela certains doutent de notre citoyenneté.

À chaque crise, le Pouvoir central de Bamako affaiblit les groupes et les notabilités nationalistes dès lors qu’il arrive à prendre «langue» avec les «indépendantistes, les rebelles, les frères égarés» à travers des accords ou des pactes avec une emphase sur la corruption des leaders. Les mouvements armés engrangent des bénéfices politiques majeurs à travers les intégrations et les financements de projets. Ils deviennent les seuls interlocuteurs subitement crédibles. À ce moment (comme en 2016 après la signature des accords d’Alger), immanquablement, on assiste à un basculement de toutes les forces vives du Nord vers les mouvements armés. «Les Anti» capitalisent et les «Pro-Mali» sont alors obligés de montrer leur capacité de nuisance et d’être encore plus violents pour exister.

Pour nous les populations du Nord, les «Bambaras» sont bons et honnêtes. Ils ne sont pas rancuniers. Notre problème ce sont nos élites qui se fourvoient avec les tenants du pouvoir qui pensent être en de «bonnes mains» pour stabiliser le terrain. L’objectif pour le pouvoir de Bamako étant apparemment uniquement de circonscrire les groupes armés et pas de construire un avenir meilleur ensemble. Cette rébellion est une chance pour le Mali car grâce aux réseaux sociaux (WhatsApp, Facebook, Telegram, grâce au son et à la vidéo car malheureusement le niveau en écriture est faible) qui empêchent les leaders de «trahir» de manière flagrante les intérêts des populations et démasquent toutes les impostures. La base a pris le pouvoir. Donc, en principe, quel que soit le temps que cela va prendre, les populations rentreront dans leurs droits.

Et personne ne pourra plus les vendre.

Plus vite le Pouvoir de Bamako le comprendra plus vite cette crise sera résolue définitivement. Si les populations amènent le gouvernement à trouver une solution finale, alors elle sera applicable et pérenne. C’est pourquoi le moment n’a jamais autant été propice à une revendication stratégique et tactique non violente. Les intelligentsias arabes et touarègues auront rarement une telle chance ensemble d’affirmer et d’assumer leur rôle dans un combat politique non armé pour le bonheur de nos populations. Le hic c’est que le Sud perçoit très mal ces revendications et des populistes les utilisent pour braquer et instrumentaliser les populations à des fins politiciennes.  Or, un accord se fera entre les populations ou ne se fera pas. Aucun accord aussi cohérent soit-il ne s’appliquera avant d’être accepté par les populations du Sud et du Nord. Tenter de les exclure et de les mettre devant le fait accompli est une erreur que le Pacte national et probablement les Accords d’Alger payent aujourd’hui.

Comment stopper les exactions, les déplacements de populations et les exils ?

2/ Au Mali à chaque fois qu’il y a une rébellion, les populations sont victimes des exactions de l’Armée et parfois des milices supplétives initiées et soutenues par l’Etat (secret de polichinelle). Ce qui a renforcé les capacités de résilience de nos populations qui ont développé des mécanismes d’autoprotection : exil, déplacement et sites distants où les militaires et affiliés n’osent pas s’aventurer. Le plus dommageable c’est que l’histoire a assuré une impunité totale aux criminels contrairement aux engagements de toutes les constitutions du Mali (Constitution de 1992 ; «Article 3 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants. Tout individu, tout agent de l’Etat qui se rendrait coupable de tels actes, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi. »). L’Etat a trahi ses populations par le fait de fonctionnaires civils et militaires sans aucune conséquence, le plus souvent même pas un pardon de l’Etat. Comment créer de l’attachement au Mali dans ces conditions pour des populations trahies et traquées ? L’Azawad devient un rêve, un but par la faute de ces criminels qui détruisent l’Unité nationale du Mali.

Rétablir la Confiance

3/Depuis l’indépendance, le manque de confiance exacerbé par les exactions et les abus de l’Administration d’occupation ont empêché la création d’une Armée nationale et d’une Nation malienne riche de sa diversité. L’impression que l’Etat donne aux populations du Sud, à travers des actes posés consciemment ou non, c’est que les Nordistes «blancs» sont contre le Mali. Cette stigmatisation a des conséquences terribles sur l’avenir de la Nation. Elle crée un gouffre entre des populations que pourtant tout unit. Chaque rébellion, des «blancs» défendent l’intégrité du Mali à leur frais et à leur risque sans aucun retour. L’Etat malien gaspille beaucoup de moyens financiers et matériels à ne pas respecter les accords qu’il signe, bon gré ou malgré : Ganda Koi, Iyad, Imghads, Gatia, Chefs tribaux, conférences, médiations, etc. J’avoue que je n’ai jamais compris l’intérêt et le but de ces stratégies à moyen et long termes pour la Nation malienne et l’Etat. Ces actions ont radicalisé les positions des uns et ont obligé d’autres à se préparer d’où la création des milices tribales voire familiales.

Pourtant, ces accords ne sont en général que des revendications légitimes et minimalistes arrachées dans de dures négociations avec l’aide de médiateurs aguerris. Ces revendications contenues tant dans le Pacte national que dans les Accords d’Alger ne servent qu’à reconstruire un tissu social et politique déchiré par tant d’années d’erreurs et de crimes. Ce sont des actions politiques fortes au profit de Maliens qui ont pris les armes pour défendre l’avenir de leurs enfants dans une citoyenneté malienne affirmée par ces ententes et accords. Ce qui devrait être le souhait voire le programme de tout gouvernement malien normal devient le plan à ne surtout pas mettre en œuvre. Mais l’Etat est toujours dans le mauvais paradigme : affaiblir les rebelles et asseoir la suprématie de Bamako au détriment de la périphérie. Cela marche jusqu’à la prochaine révolte qui a toutes les chances d’être plus violente et mieux structurée.

La bonne démarche devrait être plus «honnête» et plus loyale envers toutes les populations maliennes. Elle devrait s’inscrire dans le temps. Durant le conflit de 2012, ni l’Armée, ni les rebelles, ni les sédentaires n’ont fait subir aux populations des exactions de masse, en dehors des évènements de Gao à la libération. Ce sont des atteintes graves à la vie humaine que nous venons de voir à travers les attentats contre le MOC de Gao et les attaques ciblées faites par les mouvements armés peuls. Le lien entre mouvements djihadistes peuls et Unité nationale est probablement à chercher aussi dans ce manque d’honnêteté et de loyauté de l’Etat vis-à-vis des populations qui ont subi des abus d’agents de l’Etat en plus d’une négligence coupable de ces zones.

Le Mali a toutes les chances de sauver son intégrité territoriale mais pas dans le mensonge et encore moins par la violence. Il serait temps que le président Ibrahim Boubacar Keita le comprenne. Les populations du Nord blanches ou noires sont maliennes et méritent la protection, l’attention et l’égalité comme le prévoit la Constitution de 92 dans ses articles 2 et 3. Le président de la République doit prendre l’initiative et ne plus attendre de se faire dicter sa conduite, le chemin du bonheur du peuple malien et la préservation de l’intégrité territoriale dépendent de lui. Nous allons droit au mur en subissant les évènements. Au-delà des trafics et des faits terroristes, il y a un problème de fond au Mali qui concerne la citoyenneté d’une partie de la population (c’est perçu ainsi et il ne sert à rien de se voiler la face plus longtemps). Le Premier ministre ou le représentant spécial de l’Etat devrait plutôt rédiger une Note Technique pour aider le président de la République à SAUVER LE MALI POUR TOUS LES MALIENS.

Cette note technique sans être exhaustive concernerait :

Sensibiliser au Sud

1/ La sensibilisation des populations du Sud et des politiques sur les réalités des causes des révoltes sans aucune propagande : stigmatisation, ostracisme des nomades, sous-développement accentué, quasiment aucune infrastructure, aucun avenir offert par le Mali à des millions de nordistes en dehors des intégrations (douane, fonction publique et armées et forces de sécurité) et des projets. Ce travail utilisera les télévisions, internet, les programmes scolaires et universitaires.

Une Armée Nationale

2/Construire une Armée nationale forte de nos diversités. Combattre les germes du manque de confiance et former les soldats au patriotisme et à leur faire comprendre qu’ils sont là pour les populations et «toutes» les populations. L’expérience a été suffisamment probante ces 3 dernières années que sans les populations l’Armée a du mal à faire son travail voire même à circuler. À ce titre, je pense que les nouveaux recrutements dans l’armée doivent donner la priorité à l’unité nationale et non faire passer un message de discrimination. Le cas des combattants déserteurs devra être traité avec intelligence car le Mali les a formés et ils sont en général aguerris aux combats et prêts à l’usage. Les raisons de leur désertion sont évidentes et sauf à vouloir détruire notre Nation, leur citoyenneté n’étant pas «négociable», leur réintégration devrait être pour ceux qui le souhaitent un droit offert par la Nation magnanime.

Un Plan Marshall au Nord et au Centre

3/Proposer la réalisation d’un Plan Marshall négocié avec les acteurs locaux par le gouvernement. Il donnera la priorité à l’Éducation, à la Santé, à l’Eau et à l’Énergie. Le développement de l’Élevage, de l’Agriculture et du Commerce devra être pris en compte. Enfin relier le Nord et le Centre au Sud par des routes, des aéroports, des ports fluviaux et des réseaux GSM et de fibre optique pour augmenter les mouvements des biens et des personnes et les échanges en général.

Un Volontarisme Politique en faveur de la Régionalisation

4/Politiquement, il apparaît évident que la régionalisation est une chance car le développement sera local et Bamako devra donner aux régions les moyens de se prendre en charge. En outre, redonner aux chefs tribaux leur rôle de médiation. Le Mali a mis en place la CVJR (Commission Vérité Justice et Réconciliation) et vient de lancer deux Régions Ménaka et Taoudeni, le gouvernement devrait les utiliser comme des laboratoires et les rendre opérationnelles par un investissement massif en infrastructures. Cela montrera au monde que le Mali prend un nouveau départ.

problème Mali politique

Yvan et Mathieu, Timbuktu, 2017

Source: Le Reporter

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