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Mali: un an après l’attaque, les voisins et les salariés du Radisson parlent

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20 novembre 2015- 20 novembre 2016. Il y a un an jour pour jour, deux terroristes en mission commandée s’attaquaient à l’hôtel Radisson Blu de Bamako. Cent vingt-huit clients de 26 nationalités différentes habitaient ce jour-là cet établissement hôtelier qui compte parmi les plus huppés de la capitale malienne. Branle-bas. Vingt-deux personnes dont les deux assaillants seront tués. Le Mali, le monde entier, sera sous le choc. Aujourd’hui, alors que l’enquête avance à pas d’escargot, le travail a repris. Les mesures de sécurité sont renforcées et les riverains tirent la langue, parce que pour eux, les affaires ne marchent plus comme avant. Reportage.

Sur la route située sur le flanc nord de l’hôtel Radisson Blu de Bamako, un gros camion Caterpillar barre le chemin. Les véhicules y sont interdits, indique une plaque. Des pneus de mobylettes crissent sur le gravier. Un an après le drame, ce ne sont pas des mesures de sécurité exceptionnelles qu’on prend à nouveau, mais un ruban de bitume qu’on installe pour le prochain sommet Afrique-France prévu dans la capitale malienne.

Mais depuis les « évènements », la sécurité a été plus que renforcée. Nous avançons d’un pas ferme vers l’établissement. Deux entrées, une au sud du bâtiment, une autre au nord. Des portes blindées peintes en noir. Fouilles multiples : d’abord au scanner, ensuite corporelle. Trois agents de sécurité ont le regard plutôt menaçant. Parmi eux, une femme. Après avoir montré patte blanche, on rentre dans une petite cour. Très rares sont les véhicules qui sont autorisés à garer sur ces lieux.

Avec en main un tuyau, deux jardiniers arrosent les fleurs et le sol goudronné. « Dieu merci, je vis toujours », confie l’un d’eux. Il a le regard un peu noir. Il a des souvenirs un peu vivaces. Le jour de l’attaque ? Avec un appareil audiovisuel imaginaire, il remonte le temps et visionne le film. Les coups de feu ce jour-là. Les deux terroristes chétifs. Leur détermination. Il montre d’où sont partis les deux terroristes pour venir dans l’hôtel. Selon le nouveau plan sécuritaire du Radisson Blu de Bamako, pour sortir des lieux, le chemin est différent de celui par où on fait son entrée.

« Les yeux dans les yeux » avec les terroristes

Amadou Koné, un vendeur de cartes de recharge pour téléphone portable était, lui, à deux pas des terroristes. Ils ressemblaient à de pauvres hères, avant de montrer leurs vrais visages. Ils ont abattu six Maliens, tous employés de l’hôtel. Deux Belges, trois Chinois, un Américain, un Israélien, six Russes et une Sénégalaise.

L’un des héros du Radisson s’appelle Tamba Diarra. Il est maître d’hôtel. Il est 7 heures le 20 novembre 2015. Il s’affairait dans la salle du petit-déjeuner, lorsque tout s’emballe. Il voit les terroristes « les yeux dans les yeux ». Ils le pourchassent. Il arrive à leur filer entre les doigts. C’est lui qui reçoit en dehors de l’hôtel, les premiers éléments des forces de sécurité du Mali qui arrivent sur les lieux.

« J’ai fait le guide pour les policiers maliens. Je savais où étaient les terroristes. Je me suis dit qu’il était de mon devoir d’indiquer où ils étaient et de montrer l’endroit aux policiers maliens », explique-t-il calmement dans un costume un peu trop ample pour son frêle corps. Un an après les évènements tragiques, il apprend à revivre : « Ça va beaucoup mieux. Il y a quatre mois encore, je me réveillais en sursaut la nuit. J’avais des peurs. Maintenant, grâce à Dieu, ça va mieux. Mais chez plusieurs autres camarades, ça ne va toujours pas » poursuit-il.

Complet jusqu’au 20 décembre 2016

Germaine Zongo est hôtesse caissière au Radisson Blu de Bamako. Le jour de l’attaque, elle s’est cachée dans une armoire, avant de tomber dans les mains d’un terroriste. Il ouvre le feu sur elle. La balle lui traverse le cou. Six mois de traitements, avant d’être à nouveau sur pied, plutôt sur « béquilles » : elle n’a plus jamais retrouvé totalement le moral. Elle a des pertes de mémoire, et prend des médicaments. Son souhait ? Travailler pour le même groupe, mais dans un autre pays. Pourquoi ? Chaque jour quand elle vient au travail, elle est « secouée ».

Ce dimanche, jour du triste anniversaire, tous les travailleurs de l’hôtel auront une pensée pour leurs six collègues disparus. Ils partageront ensemble un repas. Pas de grands discours, plutôt un moment de recueillement, de souvenirs. « Nous ne voulons pas oublier les disparus. C’est pourquoi nous avons lancé la création d’une association pour venir en aide aux victimes et aux parents des victimes du terrorisme », explique Tamba Diarra, pressé d’obtenir le récépissé sans lequel l’association ne peut fonctionner.

En attendant, l’hôtel tourne à nouveau à plein régime. Dans le hall, du monde. Clients chinois, américains, français, brésiliens, russes, etc. Les affaires marchent, après un plongeon. L’hôtel affiche complet. Les réservations pleuvent. Plus de place jusqu’au 20 décembre 2016, explique un employé, non loin d’un ascenseur de l’établissement.
Au rez-de-chaussée de la cour interne du Radisson, assis dans sur un gazon devant la piscine, un ressortissant canadien carbure au « Mazout », un mélange de whisky et de Coca-Cola. Il travaille dans les mines. La « bonne politique de communication » du groupe après l’attaque, et la nécessité de revenir au Mali pour la prospection aurifère ont fait effet.

Prise en 2010 dans un orphelinat de Bamako, cette photo est devenue l’un des symboles de la solidarité avec le peuple malien, après l’attentat du Radisson Blu, le 20 novembre 2015. © ©NnoMan / Collectif OEIL

Vaches maigres pour les riverains

Si les affaires de l’hôtel ont redémarré, les riverains tirent la langue. Barbe en collier, Moussa est accoudé sur sa vieille Mercédès à la mine renfrognée. Il n’a plus de clients de l’hôtel. Avec les nouvelles mesures de sécurité, des véhicules de location sont directement conseillés par l’hôtel même. Non loin de lui, c’est un revendeur de tissus qui se ronge le pouce. Le nouveau dispositif sécuritaire n’encourage pas les clients de l’hôtel à sortir de « leur prison dorée cinq étoiles » pour faire des achats.

D’autres riverains ne savent aussi plus où donner de la tête pour s’en sortir financièrement. La période des vaches maigres continue pour eux. Ainsi, un maquis généralement très animé avant l’attaque terroriste de novembre 2015 situé à un jet de pierre de l’hôtel a déjà mis la clé sous le paillasson. Même situation pour un pressing qui faisait « deux fois moins cher » que les prix pratiqués par la blanchisserie de l’hôtel.

« Ablo » est également en colère. Il est connu dans le quartier où se situe le Radisson Blu de Bamako pour être un revendeur de VL (viagra local). Selon lui, il vendait sous le manteau ses petits comprimés couleur marron à des clients de l’hôtel, qui les avalaient avant de poser le regard sans déplaisir sur des belles de nuit. Terminé ! Ces comprimés aphrodisiaques ne se vendent plus comme des petits pains. Résultat, « Ablo » a du mal à faire bouillir la marmite à la maison. Une femme, deux enfants et quatre parents à charge.

« Trop de principes »

A cinq kilomètres à l’est de l’hôtel Radisson Blu, le siège des services de renseignement du Mali, la fameuse et redoutée Sécurité d’Etat. Silence de cathédrale. C’est ici que se déroule l’enquête sur l’attaque d’il y a un an. Une certitude, les deux terroristes tués sont de nationalité malienne. Ils étaient en mission commandée du groupe islamiste Al-Mourabitoune de l’algérien Mokhtar Belmoktar.

Une bonne partie de l’attaque a été captée par le service de la vidéo surveillance de l’hôtel. RFI pu visionner une partie du film. On y voit clairement l’un des deux terroristes s’acharner sur une porte, comme s’il avait reçu instruction d’y entrer. « Ce qui est certain, c’est que les commanditaires avaient repéré des cibles à l’intérieur de l’hôtel avant l’opération », avance une source proche du dossier. Deux chauffeurs de taxi, soupçonnés d’avoir un moment transporté les terroristes, ont été libérés après avoir passé des semaines en détention.

Un autre suspect dont le numéro de téléphone a joint l’un des deux terroristes a été un moment localisé dans la région de Ségou, à 240 kilomètres au nord de Bamako, mais il a échappé aux mailles du filet. Un enquêteur malien tape du poing sur la table : « Nos collègues étrangers qui travaillent avec nous sur le dossier ont trop de principes. Ces principes font que l’enquête a pris du retard et des suspects ont eu le temps de disparaître dans la nature ». « Trop de principes » ? Cela veut dire qu’il fallait fermer les yeux, et utiliser la méthode forte contre des suspects arrêtés, reconnaît un autre enquêteur malien.

Force spéciale. Depuis cet événement, le Mali a a entièrement revu son dispositif sécuritaire. Une unité spéciale anti terroriste a été créée. L’un de nos correspondants a pu suivre les agents de cette force lors d’une opération de nuit.

Par rfi.fr Publié le 20-11-2016

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