Plus de 17 milliards de francs CFA. C’est le coût estimatif du processus électoral dans lequel notre pays s’est engouffré depuis la convocation du collège électoral pour la date d’hier 20 novembre 2016. Pour un résultat qui s’annonce peut-être plus catastrophique que la débâcle de 1997 au regard du cumul d’impairs organisationnels et législatifs.
A s’en tenir au dernier point des préparatifs partagé avec le public, samedi matin, à quelques heures de l’ouverture des bureaux, tout le mécanisme administratif d’organisation du scrutin baigne dans l’huile : un matériel électoral disponible dans 688 communes où des candidatures se sont manifestées, des agents électoraux fin-prêts pour assurer la sincérité et la crédibilité du scrutin, une sécurité tout aussi bien assurée avec l’appui des forces étrangères présentes au Mali, etc. En définitive, le processus électoral, qui par ailleurs se singularise par une hausse jamais égalée de candidatures féminines, n’aura été inopérant que dans une quinzaine de circonscriptions concernées par la convocation du collège électoral. De quoi balayer d’un revers de main les présomptions et récriminations soulevées par l’opposition, que le pouvoir a tenté de contourner au moyen de dispositions additives dans la nouvelle loi électorale, sans peut-être réussir à empêcher que les élections soient caractérisées par une chienlit indescriptible à certaines étapes du processus.
Aux dernières nouvelles, par exemple, les bulletins de vote, au stade des spécimens, ont été confectionnés pour certaines listes de candidatures sans le nom et pour d’autres cas sans les emblèmes distinctives des protagonistes. Qui plus est, l’ancienne et la nouvelle se sont longtemps disputé la gestion des 324 cas de contentieux préélectoraux déclenchés par le dépôt des listes, quoique la cour constitutionnelle semble avoir levé l’équivoque en déboutant l’opposition de ses prétentions d’invalidation de la nouvelle loi.
On croyait la question ainsi tranchée pour de bon, mais une autre confusion devait à nouveau rebondir de la contradiction récemment survenue entre le président de la République qui a promulgué la nouvelle loi électorale et le ministre en charge du processus, qui déclarait de façon quelque peu sommaire et lapidaire que l’ancienne loi électorale est applicables aux communales du 20 novembre. Ceux qui avaient conclu une bourde du ministre Mohamed Ag Erlaf en ont sans doute pris pour leur négligence, et pour cause. Il se trouve que ses propos reposent sur un avis de la Cour constitutionnelle unilatéralement consultée sur la question et qui en déduit que c’est bien l’ancienne loi applicable au processus électoral en cours. Les motifs évoqués par la haute juridiction reposent notamment sur le fait que les élections ne peuvent être organisées que sur la base de la loi ayant servi à la convocation du collège électoral pour le 20 novembre. L’argumentaire ne résiste pas solidement à l’analyse parce que la disposition afférente au collège électoral ne figure pas parmi celles où les deux lois sont contradictoires. Autrement dit, qu’il s’agisse de l’ancienne loi ou de la nouvelle, c’est le même intervalle de 60 jours qui doit séparer la convocation du collège et le jour du scrutin. C’est dire que le motif évoqué pour donner la préférence à un texte abrogé ne tient probablement que sur la difficulté des autorités à se conformer à la nouvelle loi, quant à certaines dispositions très contraignantes notamment celles en rapport avec la Céni et ses démembrements. Tout indique, en clair, que le retard accusé dans la procédure législative a rendu la nouvelle loi assez inutile pour que les autorités cherchent à s’en débarrasser au détour d’une consultation de la juridiction constitutionnelle.
Ce faisant, elles ne sortent pas pour autant de l’ornière. D’abord parce qu’à la différence de la nouvelle l’ancienne loi ne s’accommode point d’une tenue partielle du scrutin; ensuite parce que l’ensemble du processus électoral tombe sous le coup d’une illégalité en raison de l’abrogation systématique des dispositions antérieures avec la promulgation de la nouvelle loi par le président de la République. Et, de notoriété et de simple bon sens, ce n’est pas un avis de la cour constitutionnelle qui peut suspendre l’entrée en vigueur d’une loi votée par la représentation nationale et promulgué, ni conférer de la validité à un texte frappé de caducité par le mécanisme des normes. Or la loi abrogée est caduque de fait et de juré. De fait parce que durant toutes ses étapes majeures les protagonistes du processus électoral l’avaient ignoré et tenté d’observer à la lettre les dispositions de la nouvelle loi; de juré parce qu’il est clairement mentionné dans les dispositions finales du texte promulgué ceci : «la présente abroge toutes dispositions antérieures contraires, notamment la Loi n°06-44 du 4 septembre 2006 modifiée par Loi n°2011-085 du 30 décembre 2011, la Loi n°2013-017 du 21 mai 2013 et la Loi n°2014-054 du 14 décembre 2014.
Comme on le voit, seule une disposition transitoire aurait pu suspendre l’applicabilité de la nouvelle loi aux élections communales du 20 novembre 2016, à défaut de les différer dans le temps.
Source:Le Témoin