Les violences basées sur le genre continuent à assombrir et endeuiller de nombreuses familles sur notre sol. Selon certaines survivantes de violence conjugale, le sceau du mutisme serait le plus grand catalyseur de la pratique.
Maliweb.net – Kamissa Sissoko, Mariam Diallo, Ténin, Sira, Awa, Kadia, Nyélé, Minata, Namssa, Moussokoro … à tous ces noms correspond un visage, des larmes, des plaies, des cris étouffés qui ont fini par les amener six pieds sous terre !
La célébration des 16 jours d’activismes pour lutter contre les violences basées sur le genre est un devoir citoyen de saluer la mémoire des Mariam Diallo cette jeune malienne poignardée par son mari le 5 février 2015, des Kamissa Sissoko tuée à bout portant par son époux, le père de ses enfants avec une arme à feu dans la nuit du 23 janvier 2016. Il faut tirer la sonnette d’alarme sur les violences faites aux femmes, le nombre croît de plus belle sur le sol malien avec des formes les plus atroces qui nécessitent d’outre passer certains préjugés enfin d’amener les survivantes à sortir de l’ anonymat, à briser le silence surtout à sauver des vies.
« Je veux encourager d’autres femmes dans ma situation de réagir avant le pire ! » dixit Nyéléni (pseudonyme)
Comme le témoignent ces survivantes, la violence conjugale est une réalité qui sévit sous ses pires formes dans un silence complice de la société : « Je préfère taire mon nom car je suis une personne très connue à Bamako, je travaille dans une société de la place, je suis actuellement en instance de divorce si j’ ai décidé de vous parler c’est pour encourager d’autres femmes qui sont dans la même situation que moi de briser le silence de partir avant que l’ irréparable ne se produise », témoigne Nyéléni victime de coups et blessures de son mari qui a failli lui coûter un œil il y a quelques mois. Elle raconte ainsi son calvaire « C’était le matin de la dernière fête d’Aïd El Fîtr, depuis que je suis parvenue à m’ asseoir une autonomie financière, mon mari et moi nous n’arrêtions plus de nous disputer , sous la mauvaise emprise de ma belle-famille, mon époux était devenu méfiant, excessivement jaloux. D’abord il a commencé à exiger que je regagne le foyer conjugal avant chaque crépuscule, chose que je ne pouvais respecter à cause de mon travail mais mon mari ne voulait rien entendre, il est passé de simples coups, à me battre copieusement avec des objets. Une fois il s’est servi d’une louche de cuisine et jusqu’ à aujourd’hui j’en garde encore les traces et séquelles à son bras gauche en période de froid j’ai des difficultés à manipuler ma main. Ce n’ est pas tout ,revenons au pire, ce fameux jour, je m’ en souviens comme si c’était aujourd’hui, on s’était disputé et il m’ a demandé de faire ma valise pour quitter sa maison comme je m’exécutais pas il a profité d’un moment où j’avais baissé ma tête pour prendre mon argent sur le tapis, il m’ a flanqué un violent coup sur le visage et son coup m’ a atteint à l’œil comme il portait une bague aux doigts l’objet a durement touché mon œil qui a aussitôt commencé à éjecter du sang » poursuit-elle. Nyéléni n’a eu son œil sauve qu’après une opération chirurgicale dans un pays voisin, actuellement en instance de divorce la jeune dame d’une trentaine d’année, mère de 4 enfants était retournée après son opération avec son mari qui s’était excusé lors d’une réunion de famille. Selon la jeune dame, elle ne garderait aucune rancune contre son mari surtout que leurs deux familles avaient mis cet épisode sur une mauvaise passe « satanique » mais voyant que son mari était toujours sujet de violence à son endroit, la jeune femme a décidé le mois d’octobre dernier de déposer une demande de divorce auprès du tribunal. « J’aime toujours mon mari, j’aime mes 4 fils mais je pense que c’est la meilleure solution pour le moment avant qu’il ne commette l’irréparable malgré lui et passe sa vie à le regretter » conclut- elle. Awa également a connu le pire dans son foyer, mère de deux enfants cette jeune fille âgée de 29 ans raconte ce qu’ elle-même qualifie de cauchemar « Je suis revendeuse de friperie au grand marché de Médine, je me suis mariée à l’ âge de 19 ans je ne connaissais rien de la vie, mon mari a une boutique de bazin au grand marché de Bamako, au début ça pouvait aller comme tous les couples on avait nos moments de disputes et il me frappait, je n’en parlais à personne de toute façon qui allait m’ écouter ça se passe ainsi partout . Mais après le coup d’Etat (crise de 2012) les affaires de mon mari se sont gâtées et moi au lieu de rester là et voir mes enfants et lui souffrir j’ai commencé à revendre d’ abord les fruits ensuite les friperies. J’avais l’entière charge de mon foyer, je lui donnais même son prix de cigarette, plus je gagnais plus mon mari me battait, il m’insultait, me traitait de prostituée et voulait que j’arrête mon commerce pour lui c’est une couverture pour moi. Il m’a cassé deux fois le bras et à chaque fois que je retournais chez mes parents, on me ramenait dans mon foyer. La dernière fois qu’il m’a battue, il m’a brisée une côte je suis actuellement chez ma grande sœur, je refuse de retourner chez lui mais les parents ne veulent rien comprendre ma mère me supplie de retourner » déplore la jeune dame dans un ton résigné. Selon d’autres survivantes des VBG, ils sont nombreux ces hommes qui décident de « marquer » leurs conjointes à vie : par jalousie dans le but que leur femme ne puisse plus trouver un autre homme dans leur vie, certain homme « trace » leur femme avec un couteau, la rend infirme et ceux sont des choses qui finissent en drame.
Des drames qui interpellent tant les décideurs que les communautés quand on sait que les VBG ne sont point une fatalité et qu’on peut y mettre fin comme l’attestent ces slogans des défenseurs des droits humains et les organismes de défenses de droits des femmes : « Halte aux violences faites aux femmes ! Tolérance Zéro aux VBG ! « Ta femme n’est pas un Tam-Tam »etc ou encore ces propos prononcés par le ministre de l’économie numérique et de la communication, Me Mountaga Tall lors de la cérémonie de clôture de l’atelier de formation des journalistes contre les VBG, organisé par l’UNFPA du 21 au 24 novembre dernier à l’hôtel Salam de Bamako. En effet, selon le ministre Tall seul un sot bat sa femme ! Au ministre Tall se joignent de nombreuses structures pour lutter contre les violences basées sur le genre et singulièrement la violence conjugale au Mali. C’est dans ce sens le Wildaf, l’ APDF et le Fonds des Nations Unies pour la populations ( UNFPA) travaillent pour lutter contre les violentes basées sur le genre en exhortant les survivantes à sortir de : leur mutisme, dénoncer les auteurs et sensibilisent et impliquer les populations dans la lutte contre les VBG. Surtout comme l’explique, Moussa Kolon Coulibaly, magistrat de son état « les violences conjugales comme toute autre violence, est punie par le code pénal malien . Et selon la gravité de la violence, un simple coup et blessure la sanction peut varier entre une année à cinq ans d’ emprisonnement et lorsque il y a amputation ou perte d’un membre ou dégât grave d’un sens, on rentre dans le domaine d’une peine criminelle, ceci relevant de la cours suprême, la peine encourue est supérieure à 5 ans d’emprisonnements. Si jamais il y a mort d’homme donc la loi prévoit une peine pouvant aller à la peine de mort, aux travaux forcés à la réclusion perpétuelle etc ».