Il y a une semaine, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations-Unies au Mali et chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif et son équipe étaient à l’Assemblée nationale pour échanger avec les députés sur le processus de paix. Face aux critiques des élus de la nation, le diplomate tchadien a tapé là où ça fait mal. « Sur la question de la dégradation de la sécurité dans le centre, nous avons alerté tout le monde il y a un an. On nous a rétorqué : il n’y a pas de problème…. Dans le centre, nous savons que les routes ne sont pas sécurisées, il n’y a pas d’administration, pas de préfet, pas de sous-préfet. Est-ce que la Minusma va partir faire préfet ou sous-préfet dans ces régions ? Non, assure-t-il. Nous sommes prêts à accompagner le gouvernement et nous sommes vraiment en train de faire tout notre possible pour que les élections aient lieu, mais soyons réalistes. Nous avons quand même deux acteurs qui sont là, armés, qui sont dans une partie du territoire et qui disent ne pas vouloir des accords et des élections. » Mahamat Saleh Annadif se pose la question « qu’est-ce qu’ont servi les autorités intérimaires »
On peut ne pas apprécier ces propos du chef de la Minusma, mais reconnaissons qu’ils comportent une large dose de vérité. Un langage de vérité ne peut en aucun cas occulter le manque de fermeté et surtout la duplicité de la mission onusienne. Comme nous avons toujours eu à le dire, de nombreux comportements des représentants de la communauté internationale dans notre pays expliquent le manque de leadership du gouvernement de la République. Au sommet de l’Etat, on a opté pour la fuite en avant. Au sein de la classe politique, on manque de courage. Et la société civile brille par son impertinence.
Soyons réalistes ! Deux ans après sa signature, l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali connaît de sérieuses difficultés d’application. Les autorités intérimaires installées dans la douleur peinent à travailler. Le gouvernement a poussé son manque de réalisme jusqu’à programmer des élections régionales et locales dans des localités hors de tout contrôle de l’Etat central et sous l’emprise de groupes armés. D’ailleurs, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a rejeté l’organisation des élections dans les régions qu’elle appelle celles de l’Azawad. L’esprit de l’accord issu du processus d’Alger voudrait que les élections bouclent le processus de retour à la normale. La priorité devrait être de trouver à travers un consensus les moyens d’assurer le retour de l’administration partout où ses agents ont dû abandonner pour des raisons évidentes d’insécurité. L’un des moyens pour parvenir à cette fin est de s’appuyer sur l’accord pour la paix et la réconciliation qui reste malgré tout le document de référence entre les différentes parties.
Soyons réalistes ! La situation actuelle comporte des dangers réels pour l’unité nationale. Car elle donne un argument de plus à la communauté internationale d’accélérer ce que les plus pessimistes d’entre nous appellent leur plan de partition. Des critiques formulées au sein de l’opinion contre la politique française agacent de nombreuses chancelleries occidentales. Autant celles-ci commencent à perdre patience, autant les morts réguliers notamment dans les rangs de l’armée suscitent une certaine colère. Le 9 novembre dernier, les femmes des militaires ont marché à Markala dans la région de Ségou. A Bamako, l’affaire dite des bérets rouges réoccupe le devant de la scène avec la montée au front médiatique des femmes des militaires et paramilitaires détenus depuis 4 ans. Il ne serait pas surprenant dans les jours à venir que les parents des militaires assassinés et jetés dans une fosse commune redescendent dans l’arène.
Soyons réalistes ! Les affaires s’entassent les unes sur les autres sans une gestion adéquate, les laissant échapper à tout contrôle. En 2012, le manque de courage de la classe politique qui regardait le pays s’enfoncer dans le chaos nous a conduits vers des incertitudes politiques qui ont pour conséquences l’irruption de la soldatesque du capitaine Amadou Haya Sanogo sur la scène publique. Une démocratie présentée comme exemplaire à travers le monde s’est écroulée en quelques heures sous les coups de canon d’un groupe de mutins qui étaient loin de représenter l’armée dans sa globalité.
Par Chiaka Doumbia
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Source: Le Challenger