En quoi consistent ces accords sur l’immigration avec les pays africains ?
Pour l’Union européenne, l’objectif est de prévenir les départs de migrants, alors que la route africaine passant par la Libye et l’Italie a dépassé les 170 000 passages cette année. Pour ce faire, Bruxelles a commencé à négocier avec certains États de provenance des migrants.
Cette logique, lancée en novembre 2015 au sommet de La Valette (Malte) avec un fonds de 1,8 milliard d’euros, commence à prendre forme. Dimanche 11 décembre, un premier accord UE-Mali a été signé. Jeudi 15 décembre, en marge du Conseil européen, c’était au tour du Niger.
Dans les mois qui viennent, trois autres « pays pilotes » doivent leur emboîter le pas : le Nigeria, le Sénégal et l’Éthiopie. Le Conseil européen a par ailleurs soutenu le plan d’investissement de 44 milliards d’euros proposé par la Commission européenne pour le développement économique en Afrique, même s’il reste à confirmer par le Parlement européen.
Sur quoi ont débouché les accords conclus avec le Mali et le Niger ?
Le président du Conseil Européen a personnellement félicité le Niger pour ses efforts, à la fin du sommet, alors que ce pays de transit sur la route migratoire a réussi à réduire les passages sur son sol de 70 000 en mai à 1 500 en novembre.
Dimanche 11 décembre, le Mali a conclu une autre forme de pacte. D’un côté, le pays pouvait compter un montant de 145,1 millions d’euros, en partie pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes. De l’autre, il s’est engagé à sécuriser ses frontières et envoyer des fonctionnaires dans les pays membres pour faciliter les retours de leurs ressortissants en situation irrégulière.
Sur le plan éthique, certaines ONG considèrent cette démarche comme un « chantage » aux aides au développement. La commission européenne conteste ce point de vue, soulignant qu’il s’agit d’un bon procédé, qui ne lésera personne : plus d’aide pour les pays qui collaborent plus.
Que peut-on attendre de ce genre de négociations s’ils sont généralisés ?
L’erreur serait d’espérer un retour immédiat, estime Yves Pascouau, chercheur à l’Institut Jacques Delors. Le spécialiste des migrations alerte d’un contresens à ne pas commettre : « Dans un premier temps, du moins, l’aide au développement ne stoppe pas, mais au contraire accélère la migration, elle crée d’autres besoins chez des personnes qui ont davantage accès à l’école et à la consommation ».
Pour Yves Pascouau, parvenir à un accord durable de l’ensemble des pays subsahariens pourrait prendre beaucoup de temps, car les intérêts ne convergent pas nécessairement. « Aujourd’hui, l’apport de fonds privés envoyés par les migrants économiques est bien supérieur à ce qu’apporte l’aide au développement. Les États africains feront vite leur calcul ! », poursuit-il.
D’autres redoutent par ailleurs l’externalisation totale du contrôle migratoire. C’est le cas de Pierre Verluise, docteur en géopolitique à l’université Paris IV-La Sorbonne. « L’Europe est dépendante de la migration, explique l’expert. En 2015, c’est grâce à elle et à elle seule que la population s’est accrue sur le continent. Notre unique problème, c’est que nos sociétés sont de moins en moins capables de les intégrer ».