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La partition de la République du Mali : Un vieux projet de la France «ressuscité» par Sarkozy et porté aujourd’hui par Macron

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«La première, tant pour son antériorité que sa gravité, remonte aux dernières années de la présence coloniale au Soudan français», nous explique Diatrou Diakité, consultant indépendant. Diakité nous renvoie ainsi au projet de création de l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS).

Celle-ci avait l’ambition de détacher des espaces territoriaux de l’Algérie, du Soudan français (le futur Mali), du Niger et du Tchad, des zones réputées riches en ressources minières au bénéfice de la puissance coloniale.

«Le corollaire évident était d’obtenir l’adhésion des populations, de miroiter aux yeux des ethnies blanches, la promesse de ne pas subir le commandement des anciens esclaves noirs», rappelle M. Diakité.

En quoi consistait ce projet ? «Depuis le début du 20e siècle des hommes avertis avaient pressenti que le Sahara, désert et infertile en apparence, pourrait bien devenir un jour, grâce à ses ressources minières, un territoire très riche», nous explique le consultant. Ainsi, Erik Labonne, ancien résident de France au Maroc avait proposé à son  pays de construire un grand ensemble industriel au Sahara.

En 1952, une mission de l’Assemblée de l’Union française avait conclu à la nécessité d’y créer un nouveau Territoire d’Outre-Mer (TOM). Et dès les premiers jets de pétrole à Edjélé et à Hassi Messaoud (en Algérie), le gouvernement français de l’époque a déposé à l’Assemblée nationale française un projet de loi tendant à faire du Sahara, relevant des collectivités territoriales et de différents ministères, «un territoire autonome».

Pour notre interlocuteur, «cette notion de territoire autonome reviendra souvent sur le tapis concernant les régions du nord du Mali». Malgré l’hostilité et l’opposition de plusieurs parlementaires d’Afrique du nord et de l’Afrique subsaharienne, l’OCRS fut créée (loi française n° 057-7-27 de 10 janvier 1957 parue dans le Journal Officiel de la République Française du 12 Janvier 1957).

Le but officiellement proclamé était de «promouvoir toute mesure propre à améliorer le niveau de vie des populations et à assurer leur promotion économique et sociale dans le cadre d’une évolution qui devra tenir compte de leurs traditions». L’hypocrisie française au Mali n’a donc pas commencé avec Serval-Barkhane.

L’OCRS devait exercer son autorité sur deux grands départements algériens (Saoura et Oasis) ; les cercles de Goundam, Tombouctou, Gao (limites de 1957 correspondant presque à la zone revendiquée comme l’Azawad) ; le nord des cercles de Tahoua et Agadès au Niger ; la région du Bornou,  Ennedi-Tibesti au Tchad.

La France déterminée à faire payer au Mali l’échec de l’OCRS

Les limites Sud de l’OCRS n’ont pas été fixées par les textes qui se sont bornés à indiquer que «ses limites sud devront être précisées après consultation des assemblées territoriales intéressées».

Une délimitation sciemment vague pour permettre à la France, dont les armées se battaient à l’époque en Algérie, de pousser les limites sud aussi loin qu’elle le voulait. Et cela d’autant plus que les assemblées à consulter n’étaient rien d’autre que des instances aux prérogatives réduites dans le cadre de l’Union Française. L’OCRS était placée sous la direction d’un délégué général nommé en Conseil des ministres.

L’objectif inavoué de cette organisation était surtout de faire main basse sur les immenses richesses du Sahara. Il est par exemple généralement admis par tous les hydrogéologues compétents ayant étudié cette région, que le Sahara recouvre d’immenses réserves d’eau sous pression.

La nappe la plus importante va de la Mauritanie à la Somalie en passant par le Mali, l’Algérie, la Libye, le Niger, le Tchad, le Soudan et l’Éthiopie. «Dès qu’il y a de l’eau, tout devient possible au Sahara», rappelle Diakité.

Pour ce qui est des minerais, il a été décelé dans les zones sahariennes, rien que la région nord de Tombouctou, du gypse (3.000.000 tonnes, mirabilite (198 millions de tonnes), glaubérite (366 millions de tonnes), charbon (435 millions de tonnes), fer (500 millions de tonnes), manganèse (3,5 millions de tonnes, phosphates (2 millions de tonnes), le sel gemme (53 millions de tonnes)…

Des indices sérieux existent concernant le diamant, le platine, le cuivre, le nickel, l’or, le lithium, l’uranium, le zinc, l’étain, le plomb et le pétrole.  Le journal «Le Monde» (du 23 juillet 1957) avançait d’ailleurs le chiffre de 6 à 7 millions de tonnes de pétrole comme production potentielle annuelle du Sahara.

Et on se souvient que l’Omnium Français des Pétroles avait envisagé de construire en Bourgogne une raffinerie rien que pour le Pétrole saharien.  «Dans quelques années, la France, aidée par des concours extérieurs arrivera à obtenir son ravitaillement en carburant et deviendra directement après les USA et l’URSS la 3è puissance énergétique mondiale», avait déclaré Max Lejeune alors ministre français, lors de l’inauguration du pipeline N°1 à Toggourt, en Algérie.

Et c’était bien là le véritable mobile de la création de l’OCRS qui a causé entre 1958  et 1960, une véritable fièvre dans les milieux, capitalistes et gouvernementaux français.  Des actions médiatiques ont été menées. A l’image de cette exposition ouverte à Paris pour faire connaître les gravures rupestres découvertes par Henri Lhote à Tam Ajers ; la création de l’Association de Jeune Sahara pour «promouvoir l’idée saharienne de la Jeunesse africaine».

Le 16 mars 1958 à Puteaux, le Conseil national de la Section Française de l’Internationale Socialiste (SFIO) a adopté une motion en faveur de l’OCRS.

Cet ambitieux projet a malheureusement échoué. «Le gouvernement de la République soudanaise dirigé par l’US RDA, s’opposa fermement à cette tentative d’atteinte à notre intégrité territoriale, et parce qu’il fut rejeté par la plupart des chefs de tribus et de fractions. Cette folle entreprise a donc été enterrée à l’installation du premier Conseil de gouvernement de la République soudanaise, en présence du Haut-Commissaire de la France et de l’Inspecteur des colonies», se souvient Diatrou Diakité.

La partie soudanaise était représentée par Jean-Marie Koné et Mamadou Madeira Kéita, respectivement vice-président du gouvernement et ministre de l’Intérieur.  Le projet d’amputation du territoire soudanais au profit de l’OCRS, fut retiré devant l’opposition ferme de la partie soudanaise.

Mais, depuis cette puissance impérialiste qui a bâti son développement économique sur le pillage des richesses des colonies, ne s’est pas ménagée pour la partition de notre pays.

Diviser pour faire main basse sur les richesses de «l’Azawad»

En 1958, en présence de Messmer (gouverneur Général des colonies) en visite au Mali, le conseiller territorial de Goundam, Mohamed El Mehdi (chef général des Kel Antassar) revendiqua l’indépendance de la zone saharienne qu’il voulait faire ériger en soi-disant «République des Lithamés»  pour  «soustraire les nomades Blancs à la domination de leurs anciens esclaves noirs».

Le  gouverneur général Messmer nota favorablement la requête.  Il fallut à la partie soudanaise un argument juridique et constitutionnel de taille, en l’occurrence l’appartenance de la République soudanaise à la «Communauté Franco-africaine une et indivisible», pour faire échec à cette première tentative.

Mais, le chef Kel Antassar persista dans sa volonté de sécession définitive qui aboutit à la rébellion qui se manifesta dans l’Adrar des Ifoghas et fut jugulée en 1964. Mais, un noyau résiduel sécessionniste a persisté longtemps après et a trouvé refuge au Maghreb.

Le mouvement rebelle des années 1990-1992, ce n’est un secret pour personne, a recruté les populations originaires des régions décimées par la sécheresse de 1973 et qui ont trouvé refuge dans les pays voisins et en Libye. Des jeunes et des hommes valides ont été soumis à une formation idéologique poussée ; ils se sont aguerris dans les champs de bataille d’Afrique du nord et du Moyen-Orient.

Certains rêvaient d’instaurer, au sein de la  SAOURA, la révolution au Mali. D’autres, affirmant parler au nom d’un peuple de l’Azaouad (Azawad), entendaient engager résolument «la lutte armée de libération» pour «recouvrer leur liberté confisquée et leur dignité bafouée et pour décider librement de leur avenir conformément à leurs aspirations légitimes».

Les premiers pensaient à instaurer une «Jamahiriya» et les seconds une République Islamique. Un troisième mouvement proclamait que sa berbérité ne saurait se réaliser que dans une entité excluant les Arabo-islamiques.

Les tenants de la République Islamique ont expédié une lettre aux chefs d’état de l’OUA, de la Ligue Arabe, de la CEE (Communauté économique européenne devenue l’Union européenne) et des Etats membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.

Il y est dit que «mandat a été donné à la direction du Front Islamique Arabe pour la Libération de l’Azaouad en vue d’informer longuement tous les pays frères et amis, particulièrement ceux de l’Afrique et du monde Arabe, mais aussi la France en tant qu’ex-puissance coloniale, sur le sens et les objectifs de cette lutte de libération et sa nécessite historique devenue plus que jamais impérieuse quant à la survie et à l’affirmation de son identité propre sur le plan national».

Parmi les tribus touareg, les rébellions n’ont visiblement pas touché ni les Ouilliminden de Ménaka, ni les Kel-Bourem, les Irreguenaten et les Iguadarane de Gourma Rharous ; ni les Kel Temoulaït et les Tillémédès de Tombouctou ; ni les Tingueréguif de Goundam et de Diré.

Il en serait de même des tribus arabes des Kunta, des Tormoz et des Idreylouba et enfin parmi les Kel Tamashek des Deg Hawalane, des Kel Haoussa et des Kel Essouk.

On peut constater en conclusion que les problèmes qu’affrontent les régions nord du Mali, les régions sahariennes d’Algérie, du Niger, du Tchad et de Mauritanie ne sauraient être réduits à «une nécessité de décentralisation administrative».

Pour Diatrou Diakité, il s’agit de «donner des réponses cohérentes à des questions aussi graves que la volonté de sécession de populations nomades instrumentalisées, de protection d’intérêts économiques et stratégiques, de risques éventuels d’unifications à bases raciales permettant à des puissances étrangères de s’accaparer de richesses minières en Afrique».

Voilà la vraie raison de la présence française au nord du Mali et leur soutien à peine discret aux indépendantistes de l’Azawad !

Moussa Bolly

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Source : Le Matin

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