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Emissaire de l’ONU, un métier “de chien”

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Leur profil tient du couteau suisse: expérience internationale, goût du jeu, persévérance, cuir épais pour résister à la pression. Pacifier des pays en conflit, c’est souvent mission impossible pour les émissaires de l’ONU.

“Ce sont des fonctionnaires, motivés par des convictions et une part d’ego. Etre appelé est déjà un gros privilège”, résume un responsable de l’ONU sous couvert d’anonymat.

Comme le Britannique Martin Griffiths, qui vient d’être choisi comme émissaire pour le Yémen, les hommes et femmes endossant la responsabilité de mettre un terme à un conflit semblent avoir la vocation pour affronter des horreurs comme en Syrie, Libye ou République démocratique du Congo.

D’autres missions sont moins dangereuses lorsqu’il s’agit de réunifier Chypre, trouver un nom pour la Macédoine qui sied à la Grèce, ou résoudre des décennies de divergences comme au Sahara occidental. Mais le défi peut être tout aussi inaccessible.

L’ONU compte une vingtaine d’émissaires. Certains ont des missions très ponctuelles comme le secrétaire général adjoint pour les Affaires politiques, l’Américain Jeffrey Feltman, qui s’est rendu fin 2017 à Pyongyang. Le voyage “le plus important de ma carrière”, a confié ce vieux briscard, en trahissant son émotion.

Le métier des émissaires, “c’est un sale job, un peu une vie de chien”, notent des diplomates sous couvert d’anonymat, en relevant que certains ont la responsabilité de milliers de Casques bleus.

“Sermonnés par les uns et les autres, ils concentrent toutes les frustrations”. “Il leur faut beaucoup d’humilité et de patience, et savoir saisir les opportunités pour créer les conditions d’un dialogue”. Bref “être un grand joueur d’échecs et pouvoir demander à d’autres de bouger des pièces”, précise l’un d’eux.

‘Marmite’

Les requis pour une réussite sont dans l’ordre “une volonté des parties”, “l’unité du Conseil de sécurité”, et les “qualités” du médiateur, précise-t-on à l’ONU. Un accord peut être trouvé avec un “consensus faible au Conseil et un médiateur médiocre, du moment que les deux parties veulent un compromis”.

En Colombie, “presque toutes les conditions sont réunies” et le processus pacifique entre gouvernement et ex-rebelles est souvent brandi comme l’exemple idéal.

La réussite d’un médiateur ne se jauge pas à l’arrêt des affrontements. “Garder le couvercle sur la marmite” est parfois un succès. Après c’est une question de temps, si des éléments favorables sont convergents, l’ONU “peut avoir à l’usure” des belligérants pour imposer “sa” paix, selon un diplomate.

Les médiateurs dans les plus gros conflits – Syrie, Libye, Yémen -, au niveau de sous-secrétaire général de l’ONU, sont rémunérés environ 12.000 dollars par mois. En acceptant leur mission, ils perdent beaucoup de leur vie personnelle, s’engagent à multiplier les voyages et rendre compte régulièrement à New York des avancées et blocages.

Le soutien des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie et Chine) est indispensable dès une candidature. Comme d’être accepté par les belligérants et acteurs régionaux.

Le prédécesseur de Martin Griffiths a été rejeté par les rebelles yéménites Houthis, contribuant à son échec.

Les émissaires, souvent dotés d’une stature nationale reconnue, sont présentés par leur pays (l’Allemagne pour l’ex-président Horst Koehler, chargé du Sahara occidental), peuvent faire des candidatures spontanées ou sont sollicités par l’ONU.

‘Fusibles’

Au Moyen-Orient, ils sont mis à rude épreuve. Ces derniers mois, l’Italo-Suédois Staffan de Mistura, qui se définit comme un “infatigable optimiste” et qui a succédé à plusieurs émissaires démissionnaires dans le conflit syrien, a été rappelé à l’ordre. “Il veut tellement réussir qu’il a un peu trop épousé les thèses russes”, dit un diplomate.

Les émissaires sont “des fusibles et les plus malins partent avant d’être virés”, note un autre diplomate. La vie de l’ONU est jalonnée de ces jets d’éponges faute d’avoir pu imposer une paix impossible.

Certains s’affichent lucides.

“Moi mon rêve secret c’est d’être le dernier envoyé spécial en Libye. Et qu’après on laisse le pays se débrouiller tout seul”, racontait fin 2017 à l’AFP le Libanais Ghassan Salamé. “Je ne veux pas m’éterniser dans ce rôle (…) Il y a des missions qui durent vingt ans, vingt-cinq ans, faut pas” avec la Libye.

De manière générale, “la durée de vie des envoyés spéciaux est limitée”, abonde un diplomate.

Pour l’ONU, il n’y a pas plus d’échecs que de réussites, parmi lesquelles figurent le Cambodge (1992-1993), la Sierra Leone (1999-2006), le Timor oriental (1999-2012) ou la Namibie (1989-1990).

Les émissaires laissent parfois leur vie dans leur mission. En Libye ou au Yémen, certains ont été visés par des tirs. A Bagdad en 2003, un attentat a eu raison du Brésilien Sergio Viera de Mello, l’un des meilleurs fonctionnaires de l’ONU. Secrétaire général, le Suédois Dag Hammarskjöld a péri en 1961 dans le crash de son avion en Afrique dans des circonstances jamais élucidées.

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Source: AFP

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