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“Face à Barkhane, un ennemi aux abois”

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Le général Guibert, patron de l’opération Barkhane, décrypte l’attaque djihadiste perpétrée le 14 avril à Tombouctou (Mali).

Le Général de Division Bruno Guibert commande depuis juillet 2017 l’opération Barkhane, dispositif anti-djihadiste déployé sur cinq pays de l’aire sahélienne: Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie. Saint-Cyrien de la promotion “Grande Armée”, ce trois-étoiles, qui a fait l’essentiel de sa carrière dans les régiments parachutistes de l’Infanterie de Marine, connaît l’échiquier malien, pour avoir dirigé, à la suite de l’actuel chef d’état-major des armées, François Lecointre, l’EUTM Mali (Mission de formation de l’Union européenne). C’est la première fois que le “Comanfor” s’exprime depuis l’assaut lancé à Tombouctou le 14 avril sur le “Super Camp” de la Minusma[Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali], où est également logé un détachement Barkhane. Assaut fatal à un Casque bleu burkinabé et au cours duquel sept soldats français ont été blessés.

Quels enseignements tirez-vous de cet épisode ? Que dit-il de l’évolution de la menace djihadiste et de l’adéquation de la riposte ? 

Je pense que cette attaque avait été préparée de longue date par les terroristes. Si elle intervient à cet instant-là, c’est très probablement en réponse aux actions menées en février par Barkhane dans le Nord du Mali, mais aussi aux opérations conduites très récemment au nord de Tombouctou. Sans doute est-elle également liée aux initiatives en cours dans le Liptako [secteur hyper-sensible voisin de la frontière nigérienne], et plus précisément dans la zone Ansongo-Menaka. A mon sens, le GSIM [Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, alliance forgée par le Touareg malien Iyad ag Ghali] ayant achevé sa phase de restructuration et de régénération après nos frappes de la mi-février, il cherchait un événement fondateur du renouveau de sa capacité opérationnelle et tenait à faire la démonstration, qu’il espérait éclatante, de son potentiel militaire et de son aptitude à frapper les forces internationales. La Minusma certes, mais aussi et surtout Barkhane. Nous avons la quasi-certitude que c’était bien notre dispositif qui était principalement ciblé.

En quoi ce coup d’éclat se distingue-t-il des précédents ?

Il s’agit d’une attaque d’ampleur, menée avec des moyens que l’on voit rarement au Mali, à commencer par le recours aux véhicules-suicides, dont l’un conduit par une femme. Une attaque complexe combinant tirs indirects de mortiers et de RPG [lance-roquettes], attaques suicides de plusieurs véhicules, envoi de combattants équipés de gilets explosifs et qui ont tenté de pénétrer à l’intérieur de l’enceinte, vêtus de treillis ou coiffés pour certains de casques bleus. A noter en outre l’usage de pick-up maquillés, deux repeints aux couleurs des FAMa [Forces armées maliennes], un paré des symboles de l’ONU. Ce qui atteste une volonté de causer le plus de pertes et de dégâts possibles. Sans doute les assaillants étaient-ils confiants dans leur capacité de franchir l’enceinte et de faire exploser plusieurs 4X4 à l’intérieur de la plate-forme, prélude à l’intrusion de combattants à pieds. Reste qu’ils n’y sont pas parvenus et ont donc essuyé un échec flagrant, ayant été soit neutralisés pendant les combats, soit contraints de s’exfiltrer. Trois véhicules ont explosé : l’un devant l’entrée principale, les deux autres à proximité de check-points protégeant l’accès à celle-ci.

Cet épisode témoigne-t-il de l’irruption dans le champ sahélien de nouveaux acteurs, porteurs d’une expertise plus sophistiquée ?

On n’observe ni sophistication exponentielle, ni arrivée brutale de nouvelles armes. En revanche, nous constatons une amélioration technique et tactique, probablement due aux porosités entre les différents groupes terroristes ; lesquels se “prêtent” des experts dans les domaines de la pose des IED [engins explosifs improvisés] ou des tirs de mortiers. Aujourd’hui, je ne suis pas en mesure de dire s’il y a eu irruption massive de combattants extérieurs. Encore faut-il savoir ce que l’on entend par “extérieurs”. Voilà bien longtemps qu’on ne considère plus comme tels les Tunisiens, Algériens ou Libyens. Pour le reste, nous n’avons pas la preuve formelle de la présence de combattants venus de Syrie ou d’Irak, pas plus que de liens entre [la secte djihadiste nigériane] Boko Haram et les djihadistes agissant au Mali. Nous faisons face à un ennemi aux abois, frappé durement ces derniers mois, qui a compris qu’on irait le traquer jusque dans ses sanctuaires -même s’il n’y en a plus en territoire malien. Il n’existe pas un seul secteur où les GAT [groupes armés terroristes] peuvent se croire hors de portée de Barkhane. Plus d’une centaine de terroristes ont été récemment neutralisés ou remis aux autorités légales du pays. La frappe opérée le 14 février dernier a décimé à la faveur d’une réunion de haut niveau l’organe de décision et de commandement du GSIM. Le numéro 2 d’Iyad ag Ghali a été tué, ainsi que ses plus proches adjoints. Dans cette société très hiérarchisée, tout ou presque passe par les chefs, leur neutralisation a provoqué un renouvellement des cadres. C’est plus compliqué pour les combattants de base, souvent des pauvres types, sans espoir, à qui on promet un avenir meilleur dès lors qu’ils rejoignent le groupe kalachnikov à la main ; ils le font d’ailleurs moins par adhésion idéologique que par opportunisme. D’où un renouvellement continu.

Un soldat Barkhane dans le village malien d'In-Tillit, en novembre dernier, lors du lancement de la force conjointe G5 Sahel

Un soldat Barkhane dans le village malien d’In-Tillit, en novembre dernier, lors du lancement de la force conjointe G5 Sahel

afp.com/Daphné BENOIT

Etes-vous conduit dans un tel contexte à repenser votre stratégie ?

Barkhane est une force en évolution permanente, dans ses modes d’action, ses réflexions et ses capacités. L’ennemi lui-même s’adapte, nous observe, jalonne nos mouvements à l’aide de ses “sonnettes” [nom donné aux informateurs, parfois très jeunes, de la mouvance djihadiste]. Nous nous efforçons donc de conserver l’initiative et l’avantage. Pas simple, puisque cet ennemi évolue sur son territoire, connait le terrain par coeur et vit au milieu des populations. La première des complexités pour nous, c’est le renseignement. Acquérir la bonne information au bon moment, procéder à l’identification certaine de l’ennemi. Notre processus de retour d’expérience est conduit avec rigueur. En clair, on n’occulte aucune question. S’il y a des lacunes, on les pose sur la table pour tâcher d’y remédier.

Le rapprochement entre le GSIM d’ag Ghali et l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS), issus de deux matrices rivales, al-Qaeda pour l’un, Daech pour l’autre, annonce-t-il une alliance opérationnelle ? 

Il s’agit à mon sens d’une alliance de circonstance, mise en oeuvre par exemple lors de l’embuscade très dure tendue à Barkhane le 1er avril, dans le secteur d’Akaba [à trois kilomètres de la frontière nigérienne]. Une embuscade bien exécutée, mais qui a échoué, l’ennemi subissant de lourdes pertes. Pour autant, il s’agit bien de matrices distinctes et de structures différentes. Avec un recrutement touareg pour le GSIM, et essentiellement peul côté EIGS. Deux mouvances concurrentes sur le terrain donc, qui peuvent nouer ponctuellement des alliances opportunistes. En l’espèce, l’état d’usure et de délabrement de l’EIGS lui interdisait de mener une action d’envergure coordonnée par lui seul. Ce qui l’a contraint d’aller chercher des appuis extérieurs. Il n’y a ni planification commune, ni a fortiori fusion. Ce qui les soude, c’est la volonté de vider le nord du Mali des forces internationales, Minusma et Barkhane, mais aussi d’y interdire le retour des autorités étatiques maliennes comme des FAMa. Pour autant, des divergences de fonds persistent entre l’EIGS et ag Ghali. Notamment dans le rapport aux populations locales. Le premier pratique la prédation brutale, à l’inverse de la tactique d’enracinement préconisée par le second.

Vous avez dénoncé à l’automne dernier la collusion entre des groupes armés signataires de l’accord de paix inter-malien conclu au printemps 2015 à Alger et la nébuleuse djihadiste. Qu’en est-il aujourd’hui ?

La collusion, on la constate très fréquemment, sinon tous les jours. Est-elle volontaire ou contrainte ? Je l’ignore. Dans les convois que nous interceptons, y compris après des actions de combat, nous trouvons à l’intérieur de véhicules des groupes partenaires de l’accord des drapeaux et des ordres de mission signés. A Kidal [extrême-Nord], nous avons subi des attaques IED dont il est évident que certains signataires étaient informés, leur check-point se trouvant à moins de 50 mètres du lieu de l’explosion.

   Le djihadiste malien Iyad Ag Ghali, à l'époque où il dirigeait le groupe Ansar-Dine.

Le djihadiste malien Iyad Ag Ghali, à l’époque où il dirigeait le groupe Ansar-Dine.

afp.com/ROMARIC OLLO HIEN

Iyad ag Ghali bénéficie-t-il toujours de la bienveillance de l’Algérie ?

On sait très bien qu’ag Ghali et ses lieutenants avaient la capacité de franchir la frontière pour se mettre hors d’atteinte. Peut-être cette situation est-elle en train d’évoluer. A ce jour, je ne peux affirmer que le refuge accordé par l’Algérie est toujours d’actualité et l’on n’est plus si certain d’une duplicité hier patente. Après l’attaque du 14 février, l’intéressé n’a pas pu quitter le territoire malien. Au demeurant, iI se peut qu’il soit à la recherche d’autres bases arrière.

Les accusations d’exactions imputées au MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad) et au GATIA (Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés), partenaires de Barkhane, risquent-elles de vous placer en porte-à-faux ? 

Beaucoup de rumeurs circulent. Reste à savoir d’où elles viennent et à qui elles profitent. On ne vit pas dans un monde parfait, mais dans une situation de quasi-guerre civile. Nous travaillons avec eux en fonction de critères très précis auxquels ils sont tenus d’adhérer. Citons-en trois : la loyauté envers l’Etat malien ; la nécessité d’accepter d’oeuvrer au côté des FAMa ; la conformité au cadre strict de la lutte antiterroriste, à l’exclusion de toute instrumentalisation en lien avec les conflits intercommunautaires. Le MSA et le GATIA respectent ces trois exigences. Ce qui permet une coopération ponctuelle. Dans ce cadre très normé, je n’ai été témoin d’aucune de ces prétendues exactions. J’aimerais que ceux qui les dénoncent viennent sur le terrain constater la réalité du travail accompli. Sommes-nous un facteur modérateur sur le groupe ? C’est possible. Nous débutons toutes nos opérations communes par des séances de formation initiale et de rappel des règles de comportement. Et sachez que nous n’accepterons jamais l’inacceptable. Lorsque je suis arrivé, voilà plus de huit moins, la zone Ansango-Menaka était à feu et à sang. On enregistrait une attaque par jour, la RN20 était interdite aux camionneurs et chaque convoi de la Minusma ou des FAMa était pris pour cible. Depuis que Barkhane est intervenu, d’abord seul, puis en coordination locale avec des groupes d’autodéfense, la situation a profondément changé, même si elle demeure fragile. Le secteur de Menaka constitue d’ailleurs une sorte de laboratoire transposable ailleurs : on y voit patrouiller ensemble les FAMa, le MSA et la CMA [Coordination des mouvements de l’Azawad, coalition de factions rebelles créée à l’automne 2014].

Un personnage controversé cristallise les critiques : Moussa ag Acharatoumane, chef d’un MSA régulièrement accusé de persécuter les Peuls…

Le mouvement qu’il dirige, est avant tout en guerre contre les terroristes sévissant dans sa zone, à savoir l’EIGS, majoritairement composé de Peuls. Gardons-nous des amalgames et des schémas réducteurs. Je ne suis pas un inconditionnel d’ag Acharatoumane. Mais sont-ils si nombreux à faire référence au “président du Mali”, à l’unité du pays ou à un avenir commun ? Les acteurs qui combattent sur le terrain, ceux qui paient le prix du sang, je n’en connais pas beaucoup. Si l’on neutralise ceux-là… Ici, beaucoup de gens parlent, mais peu agissent.

En octobre dernier, un assaut de Barkhane sur un camp djihadiste proche d’Abeïbara, le fief d’ag Ghali, a coûté la vie à onze militaires maliens, considérés par les uns comme des captifs, par les autres comme des ralliés. S’agit-il d’une bavure ?

Ce fut tout sauf une bavure. La vision que nous avons de cet épisode est très claire : cette cible a été frappée après plusieurs jours d’observation, et nous n’avons aucun doute sur sa nature terroriste. S’agissait-il d’otages retournés, de gré ou de force ? Je ne suis pas en mesure de la dire.

La dégradation de la situation sécuritaire dans le centre du Mali, théâtre d’un essor de l’activisme djihadiste comme de conflits communautaires, a de quoi inquiéter. Or, Barkhane n’y opère pas. Pourquoi ?

D’abord parce que les autorités françaises n’ont pas voulu qu’on y aille. Moi, j’obéis aux ordres que je reçois de l’échelon stratégique. Ensuite, on ne pourrait pas tout faire simultanément, au Nord et au Centre. Enfin, j’ai la certitude que le gouvernement malien ne souhaitait pas que Barkhane intervienne dans cette région. Cela dit, il y a là un risque d’enracinement d’un foyer d’infection au coeur du pays. Il s’agit d’un défi majeur, aggravé par le danger d’instrumentalisation, notamment par les terroristes, qui ont tout intérêt à générer le chaos, des conflits communautaires ; tels ceux opposant Peuls et Dogons. J’ajoute que la katiba -brigade- Macina d’Amadou Koufa [prédicateur radical associé au GSIM] s’inscrit dans une logique d’éviction de tout ce qui s’apparente à un symbole de l’Etat, et de mise en coupe réglée d’une partie de la population. Le fait terroriste vient surinfecter une plaie béante et ancestrale. Un autre facteur éclaire le choix qui a été fait : dans le Centre -tel n’est pas le cas au Nord-, il y a une présence de l’Etat et des FAMa. Dès lors, qu’apporterions-nous ? Barkhane n’est pas responsable du règlement de l’ensemble des problèmes du Mali. Notre mission principale, c’est de créer les conditions d’une résolution politique de la crise par la réduction de la menace terroriste dans les zones où l’Etat est pas ou peu présent.

Le président du Mali Ibrahim Boubacar Keïta, probable candidat à un second mandat le 28 juillet prochain.

Le président du Mali Ibrahim Boubacar Keïta, probable candidat à un second mandat le 28 juillet prochain.

Reuters/Joe Penney

L’élection présidentielle malienne est programmée le 29 juillet, soit le lendemain du premier anniversaire de votre prise de commandement. Ce rendez-vous, propice aux surenchères identitaires, complique-t-elle votre tâche ?

Ce scrutin constitue un enjeu majeur et bouleverse profondément le contexte de notre action. Positivement ou négativement ? Nul ne le sait à ce stade. Mais une telle échéance en accroît la complexité. Là encore, le risque d’instrumentalisation est indéniable.

L’intelligentsia bamakoise assimile volontiers Barkhane à une “force d’occupation”. Percevez-vous, au sein de la société malienne, la montée d’un sentiment anti-français ?

Je ne pense pas qu’il y ait un sentiment anti-Français ou anti-Barkhane. Mais quand vous êtes un des seuls acteurs à agir vraiment, vous cristallisez fatalement les espoirs et les mécontentements. Les espoirs de ceux qui vous prêtent le pouvoir de résoudre l’intégralité de la crise ; le mécontentement de ceux qui estiment que ça n’avance pas assez vite. Force d’occupation ? Je m’inscris totalement en faux contre ce jugement. Il est extrêmement rare que nous suscitions sur le terrain des réactions négatives. La population nous accueille chaleureusement. Au pire, elle se montre indifférente, voire craintive, tant elle redoute les représailles. Dans la région du Liptako, les gens nous ont vus arriver avec soulagement. La vie économique, le commerce et les transhumances y ont repris.

“Je ne pense pas qu’il soit possible de régler le problème du Mali en moins de dix à quinze ans, si tant est que nous le puissions”, a récemment déclaré le général François Lecointre, chef d’état-major des armées. Partagez-vous ce diagnostic ? 

Encore une fois, nous sommes là pour créer les conditions d’une solution politique. J’ai une conviction : il n’y aura pas de solution militaire dans ce pays. Il y aura au mieux une formule globale associant les champs de la sécurité, du développement et de la gouvernance. Pour y parvenir, il faut impérativement résoudre cette conflictualité Nord-Sud, mais aussi ces affrontements Nord-Nord, entre ethnies de l’aire septentrionale. Une prise de conscience des autorités du Mali et une clarification sont indispensables. Que chacun abatte ses cartes, que les visages se dévoilent, de manière à savoir qui est l’ennemi de ce pays et de son peuple. Le jour où les tous les acteurs politiques partageront avec la Minusma et Barkhane une vision commune en la matière, tout sera beaucoup plus simple.

A l’instant T, quel effet aurait un désengagement militaire français, fût-il graduel ? 

Il n’aurait aucun sens. Nous n’avons pas encore franchi le cap de la stabilisation suffisante. Si Barkhane quittait le Mali aujourd’hui, son départ ne ferait qu’aggraver les tensions, notamment intercommunautaires, et amplifier l’activité des mouvements terroristes vers le Sud. Pour le moment, on s’efforce de contenir cette menace, avec les moyens dont nous disposons et de vrais résultats. Ce qui manque, c’est l’exploitation politique de ces acquis. Mon principal défi en tant que commandant Barkhane ? Convertir nos succès tactiques en leviers d’action stratégiques et politiques.

Maintes fois annoncée, la “montée en puissance” de la force G5-Sahel [censée résulter de l’alliance entre la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad] demeure pour l’essentiel virtuelle. Quand sera-t-elle en mesure de prendre le relais ? 

Derrière ce G5, il y a la prise en compte, parmi les pays de la région, d’une menace mortelle commune. A sa façon, chacun a compris que le terrorisme met en danger la survie même de son régime. Bien sûr, au regard de la faiblesse des Etats, le remède prendra du temps. Mais il s’agit bien, via la mutualisation nécessaire des efforts, d’une réponse africaine à un défi régional. Le principe d’une force conjointe agissant prioritairement dans les zones frontalières, foyers essentiels du fléau djihadiste, ne manque pas de pertinence. La vraie difficulté, c’est que cette force doit être générée à partir des armées les plus pauvres de la planète. Tous les Occidentaux voudraient que ça aille vite, qu’elle soit immédiatement efficace. Voilà huit mois que la décision a été prise, et il faudrait que ladite force soit opérationnelle. J’observe que la communauté internationale fait beaucoup de promesses, mais peine à les concrétiser. On parle de la nécessité de réunir 400 millions d’euros. Hormis ce qu’a donné la France sous forme d’équipements, il n’y a pas grand-chose qui a été fait. Or, c’est maintenant que nos partenaires africains ont besoin d’aide pour se mettre sur pied. Cette force conjointe n’a même pas de budget de fonctionnement. Ils manquent de tout. Comment voulez-vous créer la logistique d’une force dont les armées constitutives sont elles-mêmes dépourvues ? C’était un leurre de croire que ce serait rapide, et que ça se ferait sans un tuteur fort.

De l’officier supérieur au soldat de base, quelle trace laissera l’attaque de Tombouctou ?

Dès le lendemain matin de l’assaut, j’étais sur place. Et ce que j’y ai vu m’a impressionné, épaté même. Les dégâts causés bien sûr, mais surtout le professionnalisme, le calme et la sérénité du détachement. Un détachement remarquablement commandé, qui a réagi avec beaucoup de sang-froid face à une attaque dure et bien conçue, difficile à repousser. D’autant qu’il s’agit pour la plupart de jeunes légionnaires qui ont un an et demi de service, mais ont parfaitement restitué ce qu’ils ont appris à l’entraînement. Et ce sous la conduite de gradés qui n’ont pas perdu les pédales, prenant les bonnes décisions au bon moment. Nos soldats et leurs chefs savent très bien ce qui les attend ici.

“Face Barkhane ennemi abois

Source: lexpress.fr

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