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Mohamed Aly Bathily (candidat): « L’argent ne fait pas les élections au Mali »

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L'ancien ministre Mohamed Ali Bathily

 

Au Mali, il reste deux mois et demi avant la présidentielle, et la campagne bat déjà son plein. Dimanche dernier, le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, a été investi candidat par une large coalition de près de 70 partis. IBK affrontera de nombreux adversaires, parmi lesquels son ancien garde des Sceaux, Mohamed Aly Bathily. Pourquoi cet avocat a-t-il franchi le Rubicon ? De passage à Paris, maître Bathily répond aux questions de RFI.

RFI : Mohamed Aly Bathily, vous avez été notamment le ministre de la Justice du président Ibrahim Boubacar Keïta et aujourd’hui vous vous présentez contre lui. Est-ce parce qu’il ne vous a pas gardé ces derniers mois dans son gouvernement ?

Mohamed Aly Bathily : Non. Ce n’est pas le cas. Mais lorsque j’avais entrepris une réforme domaniale qui décidait pour la première fois de donner accès à la propriété aux paysans, j’ai vu qu’il avait tenté de mettre en échec cette politique.

Donc, le président a cherché à enterrer votre réforme foncière ?

Il a cherché et il l’a presque enterrée.

Vous vous battez pour quoi ?

Je me bats pour que le paysan devienne propriétaire. Vous savez, lorsque dans un pays on vous dit que le paysan a moins de 2 dollars, qu’il est né sur une terre de 30 hectares et qu’il a le sentiment qu’il est propriétaire – personne n’a jamais été propriétaire de cette terre qu’il ne loue pas du tout –, je trouve que ce n’est que justice que de documenter sa propriété et de faire en sorte que sa terre cesse d’être une ressource naturelle pour être un bien économique juridiquement protégé. Et en ce moment ce bien protégé, il lui permet d’accéder au système de crédit et de faire travailler ses enfants, au lieu que ceux-ci s’engagent sur les chemins de l’immigration.

Et quels sont les gens qui essaient de persuader le président de ne pas faire cette réforme ?

C’est les spéculateurs fonciers. Ils sont légion à l’Assemblé nationale, ils sont légion dans l’entourage du président. Un député, notamment, a été élu sur la même liste que son fils et c’est un spéculateur foncier notoire.

Avant d’être aux domaines et aux affaires foncières vous avez été à la justice. Avez-vous essayé de sanctionner des magistrats corrompus ?

Oui, on a saisi les chambres disciplinaires. Ils ont été arrêtés, poursuivis dans les procédures… Et ils ont été condamnés pour certains, d’autres ont été relaxés.

Et de ce côté-là vous avez pu vaincre toutes les résistances syndicales ou politiques ?

pas du tout. Je vais vous parler d’un cas où, une petite fille de 13 ans a été violée par six personnes. Les violeurs ont été arrêtés par la gendarmerie, déférés par la justice de Fana. Le juge n’a pas mieux fait que de les libérer. Et quand les violeurs sont sortis, ils sont venus trouver la maman de la fille pour dire : vous avez porté plainte contre nous et vous allez voir ce qui va se passer. Le père de la petite fille a été frappé en brousse sur le chemin de son champ et laissé là pour mort. Eh bien, le cas de ce juge – les plaintes, l’inspection et tout -, cela n’a pas abouti. Cela ne va nulle part à cause du corporatisme.

Et ce magistrat était à Fana, c’est ça ?

Oui.

Il y est toujours ?

Non, il a été déplacé, mais il n’y a pas eu de sanction contre lui. Il continue d’exercer et il n’y a jamais eu de sanction contre lui.

Dans ses discours, le président IBK tient des propos très forts contre la corruption. Qu’en est-il dans les faits ?

J’ai entendu les mêmes propos et j’y ai cru. Je me suis lancé dans la lutte contre la corruption et je n’ai pas eu un seul soutien dans ce domaine. Donc les propos étaient forts, le soutien était faible.

Au centre du pays, dans la région de Mopti, l’insécurité grandit, le jihadisme gagne du terrain. Tout le monde s’en soucie, mais personne n’a la solution. En avez-vous une ?

Je pense que le problème au départ était un problème de recherche de plus de justice. Ils ont enlevé un juge. Et le juge, qu’est-ce qu’il dit ? Il dit que ses ravisseurs demandent que l’Etat cesse de rendre des décisions de justice défavorables aux pauvres, même lorsqu’ils ont raison.

Au nord-est du pays, près de Ménaka, les conflits communautaires se multiplient entre Touaregs et Peuls. Cela vous inquiète ?

C’est très inquiétant. Je suis l’enfant d’une Peule et d’un Soninké, je ne parle ni peul ni soninké. Je parle bambara. Au Mali on a des Peuls partout. Cela m’étonnerait que les Peuls essaient de se révolter contre des communautés. Parce que, s’il y a une communauté qui est établie sur toute l’étendue du territoire de façon majoritaire ou minoritaire, c’est bien les Peuls. Il n’y a pas une seule région où il n’y a pas de Peuls. Donc, je pense que tout le monde avait appris à vivre avec les Peuls et cela ne posait aucun problème. Alors, je pense qu’il y a une mauvaise appréhension politique et qu’il y a des ressorts et des mécanismes qu’il faudrait peut-être retrouver. Je sais, par exemple, que dans le centre du Mali, ce n’est pas tous les moyens de transport qui y vont. Mais il y a certaines personnes dont les moyens de transport circulent en zone armée comme non armée et tout le monde respecte ces personnes pour ce qu’elles représentent à leurs yeux. Donc, ce type de personnes… N’est-il pas mieux indiqué – peut-être -, de rechercher un dialogue avec l’appui du gouvernement ?

Ces personnes qui passent là où les autres ne passent pas, elles appartiennent à certaines communautés ?

Je connais un Touareg, je connais un Peul. Je bavarde avec eux. Peut-être qu’il faut regarder dans leur statut personnel par rapport au terroir et par rapport à la personnalité des belligérants.

Mohamed Aly Bathily, vous n’avez pas de parti, donc moins de moyens financiers que les autres. Est-ce que vous n’êtes pas battu d’avance ?

En 2013, monsieur Soumaïla Cissé et son parti avaient plus de moyens que monsieur Ibrahim Boubacar Keïta. Mais l’argent semble ne pas avoir beaucoup de poids dans le souci du Malien, de pouvoir se rassurer qu’il va vivre dans un pays en paix, sans qu’il craigne de mourir. Sinon, si c’était l’argent qui faisait les élections, monsieur Soumaïla Cissé devait logiquement passer en 2013. Monsieur Ibrahim Boubacar Keïta ne devait pas passer.

Donc, vous pensez être l’IBK de 2018 ?

Je voudrais ne pas être l’IBK. Je veux être moi-même. Je voudrais passer pour ce que je suis.

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Source: RFI

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