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Marche du 02 juin 2018 à Bamako : les trois déductions

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La première, qui ne s’est pas dite, mais qui se murmure. Si l’opposition veut marcher pour qu’IBK ne se présente pas aux élections, cela n’est pas normal. Le cadre de l’exercice démocratique est incompatible avec une telle exigence. Le président sortant en a droit et devrait être battu dans les urnes, sans ultimatum préalable. L’impossible n’assure pas la victoire, il crée une tension dont les responsabilités seront situées par la suite. Il faut abandonner ce chemin qui discrédite toute action.

Si l’opposition est confiante de pouvoir battre IBK, il n’y a pas de sens de demander son départ avant terme. La crainte de l’opposition est le fait de n’avoir pu trouver langage commun pour le choix d’un candidat unique dès le premier tour. Si un deuxième tour s’annonce, les défections ne sont pas à exclure en son sein au profit d’IBK. Au Mali, c’est toujours à ce stade que certains calculent mieux la direction du vent, pour retirer tout ce qu’ils ont dit avant, et rejoindre le camp qui est donné gagnant.

La deuxième. Si l’opposition veut marcher pour des élections transparentes, c’est son droit. Bien avant, ses membres ont donné des consignes pour éviter toute violence. La Place de la liberté a été bouclée par les forces de l’ordre. Les marcheurs se sont retrouvés au siège de l’ADP-Maliba. Il y avait quelle nécessité d’aller l’entourer par un cordon policier ? En voulant éviter ce qu’il juge être une provocation (la marche), le régime d’IBK lui-même y tombe. «Tu m’interdis la rue, je reste chez moi ; et tu viens me faire encercler dans ma maison !»

Sur l’une des nombreuses images vidéos publiées sur le réseau social, on voit un jeune motocycliste sans arme ni défense, entouré par un groupe de policiers qui le rouent de coups et le traînent dans la boue avec violence. Pour se justifier, on prétend une agression contre les forces de l’ordre, alors que le dispositif déployé était si impressionnant qu’il aurait pu sécuriser le nord et le centre du pays ! Le pouvoir n’a pas lésiné sur les gaz lacrymogènes, alors que les Maliens ont les larmes qui coulent déjà 5 ans. Un adage malien dit que le bouc acculé peut mordre. L’opposition, sur ce plan, a bien raison de marcher, pour la simple raison qu’en un seul mois, Bamako ne pourra pas doter tous les électeurs maliens de cartes d’électeurs ou NINA. Si les Autorités n’ont pas pu le faire en 5 ans, comment pourraient-elles le réussir en 30 jours ?

Ce sont des centaines de milliers de Maliens qui ne possèdent pas encore ce fameux sésame. Que vont faire les Autorités de ces cartes qui n’ont pas été délivrées ? Pas difficile de le deviner. À part les 2000 francs promis à l’entrée des bureaux de vote contre voix, la fraude massive viendra de là aussi. Pendant que vous êtes assis dans l’attente de votre carte, on vous fait voter pour un candidat, généralement au pouvoir. C’est ici même le danger des violences postélectorales dont on parle de plus en plus et dont la menace réelle plane sur le pays.

En cas de fraudes massives et de manipulation avec ces cartes d’électeurs, le PM a beau déployer toute son armada policière, les gens prendront les rues. Dans un pays de crise et d’insécurité générale, où les armes à feu artisanales sont aussi nombreuses que les moustiques et les mouches, le premier coup de feu, de la police ou des éléments provocateurs possibles réunis dans la foule, sera le catalyseur, le déclenchement d’une nouvelle crise aux conséquences imprévisibles. Le nord et le centre étant déstabilisés, si le sud vient à le devenir, nous aurons perdu le contrôle sur tout le pays.

En cas de fraudes électorales massives, toute la responsabilité incombera au régime actuel. De part et d’autre, les esprits sont déjà échauffés, ils le seront davantage au fur et à mesure que la date du 29 juillet approche. Au lieu d’un apaisement et d’une assurance, si Bamako opte pour un langage musclé et pour la force de façon démesurée, l’opposition tentera à son tour d’arrêter cette force par la force. Le tableau que nous verrions est celui d’une étincelle jetée sur une citerne pleine d’essence : l’explosion est inévitable !

La troisième. Si l’opposition veut marcher contre l’accaparement de l’ORTM, c’est son droit aussi. Les médias sont le 4ème pouvoir. Un journaliste qui se vend est une société amputée de l’un de ses membres. Quand la formation de la conscience sociale, élément très vital, est marchandée, la moralisation de la vie publique tombe en crise.

Dans un élan d’impartialité et de neutralité, la chaîne nationale doit accorder l’accès à tous les candidats dans le cadre de la campagne électorale. Si le régime en place en fait sa propriété privée ou son entreprise familiale, qu’une marche soit autorisée ou non, l’opposition est donc dans son droit de le dénoncer. L’ultime argument dans ce sens pourrait être la désobéissance civile ou une grève générale illimitée. Là aussi, la pleine responsabilité incombera au pouvoir en place. Devrons-nous en arriver là ? Oui, la voix de l’Autorité devrait être respectée, mais y en a-t-il dans le pays ?

Nous disent le contraire la crise au nord non résolue, la déstabilisation du centre avec une administration quasi-absente et des milices armées d’auto-défense, l’insécurité générale, la cherté de la vie, les sorties très maladroites d’un président aux déclarations déconcertantes et tonitruantes, des communiqués officiels sur un «lever du soleil» comme dans un village du Gondwana, et même les montagnes d’ordures qui inondent la capitale. Il est donc difficile de croire aux promesses électorales pour des lendemains meilleurs. Quoi qu’il en soit, par cette démonstration de force de dernière minute, IBK est en train de donner raison à l’opposition.

Actuellement, il est face à son destin et à l’Histoire qui pourrait ne pas lui pardonner.  Le PM en poste en ce moment a déclaré : «Tout Malien qui se mettra hors la Loi, nous le combattrons !» Le nord du pays en est plein. Le centre aussi. Même les mosquées à Bamako sont pleines d’individus qui appellent à faire couler le sang des Maliens. Ils sont tous hors la Loi ! Si vous n’avez rien pu ou dit, votre combat dans les rues de Bamako est un coup dans le vent. Un vent qui pourra vous emporter finalement.

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Sékou Kyassou DIALLO

Source: Le Reporter

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