Le 30 novembre 2016, dans le cadre d’une opération menée par la force Barkhane dans la région d’Aguelhok, au nord de Kidal, les armées françaises ont tué un mineur. Bavure ou acte délibéré ? Toujours est-il que l’affaire, qui a failli passée sous silence, a refait surface à la faveur du récent sommet Afrique-France de Bamako. Interrogés sur le sujet, le président François Hollande et son ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, ont admis le fait et annoncé l’ouverture d’une enquête. Le Drian va plus loin : « Cette enquête est en cours, j’en aurai les résultats à la fin du mois ou dans quelques semaines et je prendrai les décisions nécessaires à ce moment-là au regard des informations qui me seront données ». Est-ce une bavure isolée des soldats français, Ou la première révélée à l’opinion par un concours de circonstance ? Dans l’un ou l’autre cas, ce scandale est en train d’éclabousser et de ternir l’opération Barkhane au Mali.
Lancée le 1er août 2014 après l’opération Serval, qui sauva le Mali d’une annexion certaine par les djihadistes en janvier 2013, Barkhane est une opération plus globale conduite par les armées françaises. Elle repose sur une approche stratégique fondée sur une logique de partenariat avec les principaux pays de la bande sahélo-saharienne: Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina-Faso. Elle vise en priorité à favoriser l’appropriation par les pays partenaires du G5 Sahel de la lutte contre les Groupes armés terroristes sur l’ensemble de la Bande. Depuis son avènement, huit militaires sont tombés dans l’exécution de leur mission, tout comme dix avaient perdu la vie au cours de l’opération Serval, entre le 11 janvier 2013 et le 31 juillet 2014. C’est dire combien la nation malienne est reconnaissante envers les forces françaises qui, cependant, ne sont pas exemptes de tout reproche. A l’image de l’assassinat fin novembre d’un enfant au cours d’une patrouille menée dans la zone d’Aguelhoc, région de Kidal. Le hic, c’est que ceux qui ont commis le forfait ou la bavure auraient enterré la victime en catimini. Des habitants d’un village voisin ayant observé toute la scène auraient ensuite déterré le corps, qui serait celui d’un gamin.
Cette hypothèse est confirmée par notre confrère Jeune Afrique, qui dit avoir pu consulter le compte-rendu écrit d’une réunion, fin décembre, de militaires de la force Barkhane et dans lequel un officier français a reconnu que des soldats avaient tiré sur un individu considéré comme étant un élément d’un groupe terroriste, avant de l’enterrer sommairement. D’après la famille de la victime, il s’agissait d’un enfant âgé de 10 ans qui gardait des ânes.
Le scandale, révélé en flash pour la première fois par un internaute sur les réseaux sociaux dès le début, est revenu au-devant de la scène lors du sommet Afrique-France des vendredi 13 et samedi 14 janvier à Bamako.
Vendredi, le ministère de la défense français reconnait les faits dans un communiqué : « Le 30 novembre 2016, dans le cadre d’une opération menée par la force Barkhane dans la région d’Aguelhok [au nord de Kidal], les armées françaises ont repéré un réseau de guetteurs agissant pour le compte d’un groupe armé terroriste ». Ce réseau « échangeait des informations relatives à un convoi logistique (…) approchant du secteur afin de permettre à des poseurs d’engins explosifs improvisés de tuer des soldats français », poursuit dans son communiqué le ministère. Qui rappelle que « le même mode opératoire avait été employé le 4 novembre dernier pour l’action qui a conduit à la mort de l’adjudant Fabien Jacq », tué par un engin explosif au Mali qui avait également légèrement blessé quatre soldats. « La force Barkhane a alors décidé l’intervention d’une patrouille d’hélicoptères afin de faire cesser cette menace », aboutissant à « la neutralisation d’un de ces guetteurs, qui s’est avéré être un mineur », a conclu le ministère, précisant avoir « immédiatement » ordonné une enquête, « toujours en cours ».
Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a tout confirmé samedi, indiquant que les conclusions de l’enquête ordonnée après la mort dans des conditions controversées du mineur lui seraient remises « d’ici à la fin du mois ou dans quelques semaines ».
Le soir, au cours de la conférence de presse commune avec le président Ibrahim Boubacar Kéïta, François Hollande a réagi : « Nous aurons les résultats de l’enquête à la fin du mois ou au début du mois de février. Nous n’avons rien à cacher ». Affaire à suivre !
Source: L’Aube