L’échec des négociations avec le gouvernement a conduit les magistrats à décréter une grève illimitée. Contrairement à la précédente grève du SAM, qui a été de 7 jours (du 9 au 16 janvier), la présente est une grève illimitée à partir de ce mercredi 18 janvier et annoncée par les deux syndicats de magistrats, à savoir le Syndicat libre de la magistrature (Sylima) et le Syndicat autonome de la magistrature (SAM), qui ont décidé de faire désormais cause commune.
Le SAM et le Sylima font désormais cause commune pour se donner plus de force face au gouvernement qu’ils ont décidé de faire plier à leurs exigences, d’accepter de gré ou de force aux revendications des magistrats sur la table du ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Me Mamadou Ismael Konaté. On peut dire que c’est le piétinement et l’échec des négociations qui ont poussé les deux syndicats à s’unir, comme l’union fait la force. Ce qu’ils n’ont pas pu obtenir seul, unis les deux syndicats pourraient l’obtenir plus facilement et plus vite. C’est tout le sens de cette unité retrouvée des deux syndicats, pour une grève illimitée de tous les magistrats. A Bamako, depuis le vendredi et pendant tout le weekend, alors que le Sommet Afrique-France battait son plein, les magistrats sans distinction de corporation se sont passé le mot d’ordre par sms : « tous à la rencontre qui aura lieu à la cour d’appel, faites passer le message ».
C’est cette rencontre qui a accouché à la grave décision d’une « grève illimitée à partir du mercredi prochain».
Vers un syndicat unifié
Les membres des deux syndicats ainsi que de nombreux magistrats venus de l’intérieur, comme ceux de Bamako, ont pris part à la rencontre, qualifiée d’extrême importance par les magistrats. La décision de la grève générale illimitée a été adoptée à l’unanimité et des dispositions ont été prises pour en informer le gouvernement. En plus, les deux Syndicats sont sur la voie de s’accorder sur les principes d’une fusion de sorte à former un syndicat unifié de la magistrature, seul gage pour échapper à une politique de diviser pour régner du gouvernement. Les réflexions se poursuivent sur le nom à donner à ce syndicat unique et la composition de son bureau, apprend-on, de sources proches des magistrats. D’ici le mercredi le gouvernement serait-il à mesure de renverser les rapports de forces, ou de parvenir à un accord avec les SAM et Sylima ? Selon nos sources proches du gouvernement, tout espoir n’est pas perdu, et des voies existeraient encore pour une bonne issue. Des missions de « bons offices » pourraient produire des résultats inattendus, comme celles du « barreau et d’autres personnes » de bonne volonté, nous indiquent des sources proches du dossier.
Le vendredi 6 janvier, la rencontre de la dernière chance entre le Gouvernement et le Syndicat Autonome de la Magistrature avait échoué, et le SAM avait alors décidé d’observer une grève de 7 jours ouvrables du 09 Janvier 2017 à partir de 00 heure et au 17 Janvier à partir de 00 heure sur l’ensemble du territoire national. Ce mouvement d’humeur fait suite à un préavis en date du 23 décembre 2016. Les négociations avaient permis d’y surseoir après l’acception par le gouvernement des six principaux points de revendications.
Arguments et contre-arguments
Mais de l’avis du SAM, «les quelques points ayant fait l’objet d’accord entre les parties, n’ont jusqu’à ce jour pas connu de début d’exécution». Dans son Mémoire en défense, le Gouvernement évoque l’incidence financière des revendications (31 milliards F CFA), l’augmentation de 20% des salaires pour l’ensemble des fonctionnaires et agents étalée sur 3 ans et surtout, le fait que les Magistrats bénéficient d’ores et déjà de mesures dont l’incidence financière sur la période 2015-2017 est estimée à 50 milliards F CFA.
Le Gouvernement prévoie en outre une augmentation de 10 % en deux ans (2017-2018) pour les Magistrats. Et de rappeler : «en 2017, les Magistrats auront une augmentation de 12% contre 7% pour les autres agents de l’Etat. Et sur 4 ans, les Magistrats auront une augmentation cumulée de 30% contre 20% accordés aux autres agents de l’Etat sur la même période». Ces arguments ne semblent pour autant pas convaincre les Magistrats outre mesure, qui plaident : «En tenant compte du contexte régional, on relève que le budget du Niger alloue 1,5% des crédits budgétaires au Ministère de la Justice tandis que le Burkina Faso octroie 1,2% de son budget national qui s’élève à 1.914 milliards de FCFA en 2015. Le Mali avec un budget annuel de 1.828 milliards de FCFA de recettes alloue moins de 1% au département de la Justice (exactement. 0,58%). (Pour mémoire : le Ministre de l’économie et des Finances du Mali a déclaré que c’est la première fois en 2016 que le budget du Mali a franchi le seuil des 2.000 milliards de FCFA et cela a une valeur symbolique assez forte qui conforte le Mali en occupant le 3ème rang au sein de l’UEMOA)… Toujours dans le contexte régional, au Sénégal, un Magistrat débutant bénéficie d’une indemnité mensuelle de judicature de 800.000 FCFA. Il en est de même du Burkina Faso avec un montant mensuel de 805.000 FCFA, tandis que le Président de la Cour suprême, en tant que président d’une institution constitutionnelle de la République, n’a que 250 000 FCFA par mois», se défendent les Magistrats maliens. Aussi, précisent-ils, «les ressources financières générées par la Justice (consignations, amendes, enregistrements, etc.), s’établissent à plus de 15 milliards de FCFA par an. Ces ressources en grande partie échappent à toute perception et constituent des manques à gagner du fait d’une mauvaise organisation.
Ces ressources financières découlant des activités de la Justice représentent plus de 0,8% du montant des recettes budgétaires et dépassent les 12 milliards alloués chaque année au Département de la Justice… A vrai dire et pour tout dire, la Justice malienne rapporte plus à l’Etat qu’elle ne reçoit de ce dernier».
Source: Le Républicain